Voter utile ? ça sert à quoi !
Et voilà que le “ vote utile ” fait son grand retour. Ces appels au vote utile sont souvent lancés par des bouches pleines d’arrogances. Mais il s’agit surtout d’une erreur d’appréciation politique à laquelle il convient de répondre arguments contre arguments.
Un concept anti-démocratique
Parler de “ vote utile ” c’est tout d’abord laisser supposer qu’il existerait un “ vote inutile ”. Le concept de “ vote utile ” se trouve dès lors en contradiction avec le cœur même du projet démocratique. Oui, dans une démocratie digne de ce nom, chaque vote compte, chaque voix vaut la même chose qu’il s’agisse de la voix du puissant ou de celle du plus faible d’entre-nous. Chacun doit disposer d’une liberté absolue de vote et il ne saurait exister de “ bon vote ” et de “ mauvais vote ”.
Le Front de Gauche fait progresser la Gauche
Les récents appels aux votes utiles font suite à la progression du Front de Gauche dans les intentions de vote. Pour les socialistes, et une bonne partie du monde médiatique, la montée de Jean-Luc Mélenchon risquerait d’affaiblir François Hollande et donc de faire perdre la gauche. Arrêtons tout de suite ce faux débat ! Le total des intentions de vote à gauche n’a jamais été aussi fort depuis 1988. Selon l’IFOP, le total des intentions de vote pour la gauche était de 38% au 6 janvier et de 44% au 30 mars. Qu’est-ce qui en moins de trois mois a fait passer ce total de 38 à 44% ? C’est bel et bien la dynamique du Front de Gauche (passé de 6 à 14% d’intentions de vote) qui permet d’expliquer la progression de l’ensemble de la gauche.
Le mythe du candidat en tête au 1er tour
Les socialistes nous expliquent également qu’il faudrait que François Hollande arrive en tête du premier tour pour l’emporter au second. Mais où ont-ils été chercher tout ça ? En 1974, François Mitterrand est arrivé en tête du premier tour avec plus de 10 points d’avance sur Valéry Giscard d’Estaing… et il perd au second tour. À l’inverse, François Mitterrand arrive en 2e position lors du premier tour en 1981 mais réussit quand même a remporter l’élection. Autre contre-exemple : Lionel Jospin est en tête du premier tour en 1995 et pourtant Jacques Chirac est élu président. Ce qui compte, pour réussir à faire gagner la gauche, c’est la capacité de rassemblement. A chaque fois que le parti majoritaire à gauche a voulu ignorer ses partenaires, la gauche a été battue à l’élection présidentielle !
Marine Le Pen : oust !
Le spectre du 21 avril 2002 et de l’exclusion de la gauche du second tour de l’élection présidentielle est également souvent agité. Bien évidemment, la question de la présence d’un candidat de gauche au second tour doit tous nous préoccuper. Mais le risque de voir Marine Le Pen passer devant la gauche au premier tour n’existe plus. Depuis plusieurs mois, le Front de Gauche s’est attaché à “ déglonfler la baudruche Le Pen ”. Et le résultat paie. Les intentions de vote pour François Hollande cumulées à celles pour Jean-Luc Mélenchon atteignent au minimum 40%. Mathématiquement l’un des deux candidats réalisera au moins 20% des intentions de vote. Or les scores attribués à Madame Le Pen ne dépasse quasiment jamais les 17-18% et ont tendance à diminuer de jour en jour sous la barre des 15%. Il y aura donc un candidat de gauche présent au premier tour. Le “ vote utile ” c’est justement de faire en sorte que Marine Le Pen soit le plus loin possible derrière le Front de Gauche pour lui faire définitivement quitter le devant de la scène politique.
Pour faire gagner la gauche, il faut… un programme de gauche
Il faut tout de même reconnaître que la montée dans les sondages de Jean-Luc Mélenchon s’est faite en même temps qu’une diminution des intentions de vote pour François Hollande. Mais on ne peut tout de même pas nous reprocher le programme du PS. Il est grand temps que le PS comprenne que la dynamique du Front de Gauche est aussi l’expression d’une déception vis-à-vis de son programme.
Un vote utile pour cacher un programme décevant ?
L’appel au “ vote utile ” est bien souvent l’occasion de cacher la réalité de son programme. Dire “ je vote utile ” est bien plus facile que de dire “ je vote pour Hollande qui veut donner du sens à la rigueur ”. Le Front de Gauche, lui, propose une autre méthode : le débat. L’ensemble des forces de gauche doivent dire ce qu’elles pensent, si elles appliqueront ou non des mesures d’austérité, si elles remettront ou non en cause l’indépendance de la BCE, si elles interdiront les licenciements boursiers, si elles sont prêtes à réquisitionner les entreprises qui délocalisent, etc. Tuons le vote utile, faisons vivre le débat !
En finir avec des pratiques d’un autre temps
Le temps des cheptels électoraux est fini. Les voix n’appartiennent à personne est c’est tant mieux. Pour beaucoup de citoyens aujourd’hui les étiquettes ne veulent plus rien dire. Ce qu’ils veulent, ce sont des propositions concrètes pour changer leur vie et sortir de la crise. Ils se décideront sur les programmes, pas sur les étiquettes. Cela ne sert à rien de rappeler des électeurs considérés comme “ égarés ”. Maintenant, chacun doit convaincre !
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