LE BLOG DES COMMUNISTES DE ROMAINVILLE

vendredi 31 janvier 2020

« Mieux », le billet de Maurice Ulrich !



Qui ferait mieux que lui ? Avec une photo d’Emmanuel Macron en ouverture, le Point lance le débat. Oui, qui, mieux qu’Emmanuel Macron, pourrait avoir en deux ans mis des centaines de milliers de Français dans la rue et sur les ronds-points, provoqué la plus grande grève de transports publics dans le pays depuis des décennies, mobilisé les avocats, les danseuses de l’Opéra, les pompiers, menti aux enseignants…

On ne sait plus, sans parler des centaines de blessés par LBD ou grenades…Mais qu’importe, qui ferait mieux ? S’interroge le Point. Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, François Baroin ? Marine Le Pen ? On le voit, le champ est large, autant que la liste, toujours selon l’hebdomadaire, « des travaux à achever », comme diminuer le niveau des dépenses publiques, réduire les impôts qui frappent les entreprises, rapprocher la recherche publique du privé, assumer une plus grande sélection des étudiants…

Inutile de chercher, en revanche, la réduction des inégalités, la contribution des revenus financiers à la protection sociale, l’augmentation du Smic…Mieux, on vous dit.

« Le nationalisme, étau de la gauche », l’éditorial de Gaël de Santis dans l’Humanité de ce jour !



Nos voisins quitteront l’Union européenne (UE) ce jour. C’est l’aboutissement d’un long processus, où la parole a été donnée au peuple. Ainsi en ont décidé les Britanniques par référendum, le 23 juin 2016, au terme d’une campagne marquée par un mécontentement plus que justifié contre les politiques libérales de l’UE, mais aussi par la xénophobie du camp conservateur. Focaliser le débat sur le oui ou le non à l’UE, en balayant la complexité des interdépendances construites par des dizaines d’années d’échanges économiques, culturels, politiques, migratoires, est devenu une machine de guerre contre la gauche. C’est l’intérêt bien compris, tant de l’extrême droite que de l’extrême centre eurolibéral.

Au Royaume-Uni, cette ligne suivie par la nationaux-libéraux, qui, ont pris le relais d’un néolibéralisme en bout de course, a sapé l’élan né de l’arrivée à la tête du Labour de Jeremy Corbyn en 2015. Celui-ci a eu beau mettre un terme aux lubies libérales des blairistes, il a été empêché de rassembler ceux qui ont intérêt au changement, hésitant sur la conduite à avoir face à la question du Brexit. Cela a bénéficié à Johnson. Et les partisans d’un Lexit, une sortie de gauche de l’UE, en ont été pour leurs frais. Car la sortie de l’UE ne fait pas un projet progressiste. Au lendemain du référendum, il fut difficile de concilier les volontés de ceux qui ont voté pour un changement social et ceux qui ont voté pour exiger moins de migrants.

L’affaiblissement du clivage gauche-droite n’est pas une fatalité. Des gauches ont su déjouer ce piège pour gagner le pouvoir sur une ligne anti-austéritaire : hier la Grèce de Tsipras ou le Portugal de Costa, aujourd’hui l’Espagne de Sanchez. À chaque fois, cela fait suite à de puissantes mobilisations populaires, et à une plus grande influence de la gauche antilibérale : Syriza, Unidas Podemos, etc. Reste, ensuite, à tourner réellement la page de l’austérité et à se montrer capable de résister aux injonctions de Bruxelles. Cette autre machine de guerre contre la gauche.

jeudi 30 janvier 2020

« Tricheurs et menteurs », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité de ce jour !



C’est effarant. On a beau ne pas se faire d’illusions, on reste interdit de lecture du paragraphe 29, page 16, de l’avis du Conseil d’État sur le projet de réforme des retraites. Les dispositions claironnées depuis des mois par le gouvernement  et Jean-Michel Blanquer pour une revalorisation des rémunérations des enseignants permettant de garantir le niveau de leurs retraites, sont, c’est écrit noir sur blanc, « contraires à la constitution ». Maladresse, amateurisme ? Non, en aucune manière Jean-Michel Blanquer enfume les enseignants depuis des semaines en connaissance de cause. Docteur en droit, juriste, il a, pendant six ans, de 1998 à 2004, enseigné à Paris – III le droit constitutionnel.

Mais ce n’est que la partie émergée d’un continent de manipulations. Dans une tribune du Monde du 30 janvier, six économistes, dont Julia Cagé, Dominique Méda, Thomas Piketty, remettent en question l’étude d’impact du gouvernement sur les effets de la « réforme ». Elle serait calibrée pour ne pas réduire le niveau des dépenses consacrées aux retraites au regard du PIB ? Faux ! L’étude en montrerait les avantages ? Mensonge ! Il s’agit « de résultats sélectionnés et orientés », et « l’ensemble des cas types présentés n’ont aucune valeur informative ».

Nous sommes dans une situation sans précédent. Alors que le pays bout, le gouvernement s’acharne à défendre un texte majoritairement rejeté. Il le fait avec cynisme et violence. Tricherie et mensonge sont désormais avérés.

Emmanuel Macron se croit très intelligent en ironisant sur ce qu’est une dictature. Bien, mais ce qui se passe aujourd’hui insulte la démocratie. Au point que, à la veille de la conférence de financement, même la CFDT semble marcher sur des œufs en posant des conditions préalables. Paradoxalement, ce qu’il faut bien appeler la sanction du Conseil d’État pourrait ouvrir au gouvernement une porte de sortie : d’accord, on arrête tout et on recommence…

mercredi 29 janvier 2020

" Ne laissons pas ensevelir la Palestine " (Patrick Le Hyaric)


Déconstruisons d’abord les mots : il n’y a pas d’« accord de paix » entre Israéliens et Palestiniens. Pour un accord, il faut être deux. Et, il n’y a pas non plus de « paix » quand un pays occupe l’autre, déplace sa population, vole ses terres et son eau. Accord ? 

Les Palestiniens sont mis de côté depuis deux années. Obligé de subir les diktats du duo Trump- Netanyahou contre le droit international : Jérusalem capitale d’Israël, élargissement permanent de l’aire des colonies, suppression de la contribution Nord-Américaine à l’organisme onusien pour les réfugiés et Gaza, installation de l’ambassade américaine à Jérusalem tout en fermant l’ambassade de Palestine à Washington, soutien aux lois d’épuration ethnique au nom d’un « État juif » et maintenant, annexion de la vallée du Jourdan, et transformation des zones occupées illégalement – les colonies – en territoires israélien. 

Non, ce n’est pas un « accord » mais un oukase de l’impérium nord-américain au service de l’ultra-droite israélienne contre les Palestiniens et le droit international rendu à l’état de chiffon de papier. La vérité est insupportable : ils nient l’existence du peuple palestinien et veulent le rayer de la carte dans un pays d’apartheid. 
Les institutions internationales, celles de l’Union Européenne et la France doivent se manifester beaucoup plus fortement et plus fermement pour le retour au droit. Toute autre attitude reviendrait à sacrifier le peuple palestinien pour permettre à M. Netanyahou de cajoler son extrême droite nationaliste et religieuse, et à M. Trump de cimenter son alliance avec les évangélistes nord-américains. Tous les dirigeants européens comme ceux des pays arabes devraient se souvenir de cette alerte de Walter Benjamin : « Laisser aller le cours des choses, voilà la catastrophe ». 
Les demi-silences, le manque de courage, les paroles sans actions peuvent devenir le grand fracas de la décomposition des relations et du droit international. À un moment où les grandes sociétés multinationales refusent de respecter les accords sur le climat ou l’environnement, refusent de payer leurs impôts, voici deux chefs d’Etat qui bafouent ouvertement les lois communes internationales, au cœur d’une région du monde en pleine ébullition avec notamment des jeunesses et des travailleurs qui cherchent précisément les moyens de leur souveraineté populaire. Or, ici les duettistes de droite extrême veulent effacer l’existence d’un peuple.
Aucun démocrate, aucun être de cœur ne peut laisser faire. Au nom du respect du droit international, des initiatives populaires de sensibilisation, d’actions unitaires doivent reprendre vite. On ne peut laisser ensevelir la Palestine. Au contraire, l’exigence de la reconnaissance de l’État de Palestine telle que définie dans les résolutions des Nations Unis doit s’exprimer de toutes parts.

« Trump et Netanyahou ont pris en otage la question israélo-palestinienne » (Interview de Leïla Shahid, lue dans l’Humanité de ce jour)



Ancienne ambassadrice de la Palestine auprès de l’Union européenne, Leïla Shahid dénonce la collusion entre Trump et Netanyahou, et regrette le peu de poids des européens.

Quel est le but ultime recherché par Donald Trump avec ce plan ?

LEÏLA SHAHID : Nous assistons à une mascarade rarement vue dans la politique internationale, entre deux hommes qui sont en train de couler. Trump fait face à une enquête qui pourrait lui coûter très cher pour entreprendre un deuxième mandat. Netanyahou est à quelques semaines d’une élection et espère, en annonçant un soi-disant plan de paix, prendre le pas sur son adversaire, Benny Gantz. Il est assez effrayant de voir comment la paix et la stabilité dans le monde dépendent de deux hommes qui sont comme des chiens enragés pour rester au pouvoir. Ils ont pris en otage la question israélo-palestinienne. Il est tragique de voir comment les puissances dans le monde, à commencer par l’Union européenne, n’arrivent pas à compter face à cette immense manipulation. Ce « plan de paix », dont on parle depuis trois ans, est soudainement révélé le jour même où le Sénat américain doit statuer sur Trump et la Knesset sur Netanyahou. Il ne faut pas être naïf.

Ce qu’ils proposent, d’ailleurs, ne correspond qu’à ce qui peut leur rapporter des voix afin de rester au pouvoir. Ce faisant, nous assistons à la décomposition des relations internationales. Nous payons également la fracture de la division de l’Union européenne. Comment peut-on proposer un accord en l’absence des parties principales, la partie palestinienne ? Il n’y a même pas une partie arabe. Ceux qui ont assisté en juin, au Bahreïn, à la première phase du plan, la phase économique, ne représentent que leur pays et ils n’ont parlé que d’argent. Le conflit israélo-palestinien a toujours été au cœur  de ce qui se passe en Méditerranée. Jamais çà n’a été aussi clair qu’aujourd’hui. Mais ils ont fabriqué un ennemi fictif qui s’appelle l’Iran et sont prêts à susciter un nouveau conflit.

Depuis que ce plan est évoqué, Trump n’a jamais parlé d’un État palestinien. Qu’est-ce qu’il faut comprendre ?

LEÏLA SHAHID : S’il devait y avoir un État palestinien, Donald Trump n’aurait pas déclaré que Jérusalem est la capitale de l’État d’Israël, il n’aurait pas annulé les résolutions concernant les réfugiés, il n’aurait pas arrêté l’aide aux Palestiniens, il n’aurait pas fermé l’ambassade de Palestine à Washington. Il n’aurait pas soutenu Israël uniquement comme l’État du peuple juif. C’est pour cela que le président Abbas ne parle pas à Trump et à Netanyahou depuis plus d’un an et demi.

Ils auront beaucoup de mal à faire adopter ce plan. Ils seront surpris. Pas seulement par les Palestiniens, pour qui il est hors de question d’accepter un tel plan et qui retrouveront peut-être leur unité. Et çà va redonner du tonus à ceux qui, dans le monde arabe, défendent leur dignité, comme les Libanais, les Algériens, ou les Irakiens qui se lèvent pour réclamer leurs droits.

Ce plan est une tentative pour revenir à l’annexion totale des territoires palestiniens, exclure la question des réfugiés et celle de Jérusalem. Mais cela va plus loin. Ils cherchent à dire ainsi que l’État des Palestiniens est en Jordanie. C’est pour cela qu’Abdallah II, le roi jordanien, est en tournée actuellement. Il met en garde sur les conséquences pour le royaume hachémite dont on voudrait faire l’alternative à un État palestinien. Il est évident que cela ne marchera pas. Mais cela va aggraver la déstabilisation de la région. Ils prennent en otage la partie la plus faible, qui est sous occupation militaire.

Quelle la marge de manœuvre des palestiniens ?

LEÏLA SHAHID : Elle n’est plus d’ordre diplomatique pour une bonne et simple raison qu’il n’y a plus de diplomatie au Proche-Orient. Ni chez les Palestiniens, ni chez les Égyptiens, ni chez les Jordaniens. Depuis que Donald Trump est arrivé au pouvoir, il a détruit tout ce qu’on appelle les termes de référence des négociations de paix qui ont commencé en 1993. Cela fait vingt-sept ans que nous essayons de discuter. Mais il est évident qu’il n’y a aucune négociation de paix. Ce qui est nouveau est que le premier ministre israélien a avec lui un président américain qui se fiche du droit international, de l’équilibre international, de la paix. Nous sommes dans un monde de brutes, un monde qui a perdu ses repères.
Les Palestiniens se battent depuis un siècle. Ils ne se font pas d’illusions. Le monde arabe a été scindé en deux avec la défection de l’Arabie Saoudite, des Émirats arabes unis et du Bahreïn, à cause du conflit avec l’Iran, qui se retrouvent alliés aux Israéliens. Il y a une situation de guerre civile provoquée par les américains avec l’occupation de l’Irak en 2003 qui a abouti à la décomposition de ce pays. C’est également le cas de la Syrie. Je redoute ce qui peut se passer au Liban. Sans parler de la Lybie et du Yémen. Les pays arabes ont été collectivement en faveur des Palestiniens et de leurs droits. Ce monde arabe est décomposé.

Après un siècle de luttes, je ne pense pas qu’un an ou deux de plus ou de moins vont changer quelque chose. Nous sommes arrivés au bout d’une approche de négociations directes. Les accords d’Oslo sont morts depuis longtemps, malheureusement. L’Union européenne était une alternative à la super - puissance américaine. Aujourd’hui, il n’y a même plus ce minimum d’accord qui existait auparavant entre Washington et Bruxelles. Il faut donc que les Palestiniens retrouvent leur capacité à rester sur leur territoire, d’être résilients et de continuer à être ouverts, c’est-à-dire proposer une coexistence avec Israël mais sur des bases claires : un État qu’Israël respectera. Ce qui est loin d’être l’idéologie de ceux qui gouvernent Israël aujourd’hui.

mardi 28 janvier 2020

« Le fiasco et la défiance », l’éditorial de Jean-Emmanuel Ducoin dans l’Humanité de ce jour !



Les éléments à charge s’accumulent et donnent du crédit au front syndical en action. La réforme des retraites n’a rien d’«universel», ni d’«égalitaire». Chacun l’a compris: l’insincérité est avérée!

Ainsi donc, pour qualifier cet étrange moment de notre histoire où un projet de loi s’attire à la fois les foudres de l’opinion publique et du très sérieux Conseil d’État, quelques bonnes âmes évoquent l’«amateurisme» d’un texte «mal ficelé» et, bien sûr, ce «manque d’explication pédagogique» grâce à laquelle tout aurait été différent… Attention aux mots réducteurs, ils ne traduisent qu’imparfaitement la réalité. En l’espèce, ils masquent surtout l’insondable fatuité de l’exécutif, qui, depuis des semaines, dispense mensonges et manipulations – dignes d’une forfaiture à l’idée que nous nous faisons de la République. L’affaire est grave et entachera durablement Emmanuel Macron. Car les éléments à charge s’accumulent et donnent du crédit au front syndical en action, que ce soit le projet de loi lui-même ou la fameuse «Étude d’impact» (un véritable outil de propagande pourtant). La vérité saute aux yeux avec éclat. La réforme des retraites n’a rien d’«universel», ni d’«égalitaire». Chacun l’a compris: l’insincérité est avérée!

Prenons bien la mesure du fiasco gouvernemental. Alors que tous les affidés du pouvoir cherchent – en vain – à démontrer que le système serait puissamment redistributif et qu’il ne viserait pas à programmer des économies sur le dos des assurés, tout prouve le contraire désormais. Nous savons même que la trajectoire fixée pour la part des retraites dans le PIB ne sera plus de 14%, mais en deçà de 13% en 2050. La réforme intègre bel et bien une baisse des dépenses progressive…

Tout cela signifierait une rupture de civilisation avec l’esprit de la retraite par répartition, celle héritière du CNR, qui constitue l’un des éléments fondamentaux d’une organisation d’un monde commun par lequel les choses essentielles de la vie de tous doivent rester la propriété de tous. Voilà ce dont les libéraux ne veulent plus: du collectif concret. Ce qu’ils tentent de nous imposer de force, c’est la disparition de cette solidarité collective au seul profit d’une logique d’individualisation, chacun « possédant » pour lui-même une force de travail comptabilisable en points, sorte d’exploitation par l’autoexploitation. La défiance grandit… contre la préfiguration de ce futur-là!

lundi 27 janvier 2020

« LE COUP DE PISTOLET DU CONSEIL D’ÉTAT », L’ÉDITORIAL DE PATRICK LE HYARIC DANS L’HUMANITÉ DE CE JOUR !



Le Conseil d’État, qui n’est pas réputé pour être une officine révolutionnaire, vient de tirer un bruyant coup de pistolet au milieu du mauvais concert gouvernemental chargé de faire accepter la destruction des retraites solidaires. En principe, une étude d’impact est destinée à préparer une loi. Or, le gouvernement a transmis à la haute juridiction, en contournant les principes de fonctionnement constitutionnel, deux textes de loi – l’une organique, l’autre ordinaire – six fois modifiés depuis début janvier, puis une étude d’impact de mille pages. Une longueur qui dit exactement l’ampleur de l’embrouille pour empêcher de réfléchir véritablement aux conséquences d’une telle transformation régressive. On est ici proche de la négation de « l’État de droit ».
La plus sévère critique porte sur un mensonge : la qualification du nouveau système de retraite « universel ». En émettant de puissantes réserves sur une application des lois avec vingt-neuf ordonnances – y compris « pour la définition d’éléments structurants du nouveau système de retraite » –, le Conseil d’État confirme en creux la stratégie de camouflage des effets négatifs du projet, parmi lesquels le doute soulevé sur les moyens de financement et le recul de l’âge ouvrant droit à une retraite complète à 65 ans, puis 67 ans, des promesses inconstitutionnelles, et l’acte antidémocratique que constitue le recours aux ordonnances. Même le prétendu compromis sur « l’âge pivot », brandi par le gouvernement et ses VRP audiovisuels, est étrillé par la juridiction administrative. Ajoutons cette incroyable et inédite caractéristique : la représentation nationale devrait voter un texte avec des « blancs », où les moyens de l’équilibre financier ne seraient connus qu’à la fin du mois d’avril, au terme de la conférence sur le financement. Bref, un chèque en blanc.
L’avis de la juridiction administrative conforte le front syndical en action et les 61 % de nos concitoyens qui demandent le retrait de ces lois. Le pouvoir et la représentation parlementaire sont désormais face à des questions politiques et juridiques de haute portée : la conférence des présidents de l’Assemblée nationale est fondée à demander à ne pas débattre de ces projets. En relais du mouvement protéiforme qui se déploie, les groupes parlementaires progressistes chercheront à déposer une motion de censure ou, comme le suggère André Chassaigne, une motion référendaire ouvrant la voie à une consultation populaire. Une situation nouvelle est créée. La démocratie doit parler !



vendredi 24 janvier 2020

« La preuve », le billet de Maurice Ulrich !



Confit dans la pensée réactionnaire depuis des temps immémoriaux, Alain Duhamel sait ce qu’il en est de l’Histoire depuis que le monde est monde. Ainsi évoque –t – il, dans sa chronique hebdomadaire de Libération, « l’éternel retour de la haine de classe ». Non, pas de la lutte des classes, quand une oligarchie entend imposer aux salariés et aux chômeurs une régression sociale, mais la haine, celle qu’illustre aujourd’hui la CGT. 

Et elle a écrit – il, une longue et tragique histoire en France : « 1789, 1848, la Commune de Paris, le Front populaire et les ligues, le stalinisme et la guerre froide, 1968 pour une part, 1981, dernière élection présidentielle où le clivage droite – gauche épousait étroitement les frontières de classes. » 

En gros, et par-delà les amalgames habiles et tordus comme « 1936 et les ligues », renvoyant dos à dos la gauche et l’extrême droite, la haine de classe, c’est toujours quand le peuple revendique plus de justice et moins d’inégalités. Mais, c’est vrai, il y a bien une haine de classe. Il en est la preuve.

« La démocratie et la rue », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité de ce jour !



« La démocratie, ce n’est pas la rue », avait lancé tout juste – mal – élu Emmanuel Macron. Cette méprise originelle se traduit trois ans plus tard par une fuite en avant autoritaire des plus dangereuses. Loin des hordes de « sauvages » qui voudraient s’attaquer à la démocratie, l’immense mobilisation populaire contre la projet gouvernemental de réforme des retraites qui s’exprime depuis sept semaines s’avère au contraire un formidable moment d’expression citoyenne. Les promoteurs zélés de l’ordo-libéralisme semblent oublier qu’il est même arrivé dans l’histoire française que la rue fasse ainsi les plus belles pages de progrès social. Et le gouvernement a beau jouer les gros bras en étalant toute sa brutalité, les premiers de cordée ont bel et bien dévissé. Ils commencent même à paniquer, comme le démontre cette vidéo mise sous scellés d’un couple présidentiel prenant les jambes à son cou face à une poignée de manifestants venus l’interpeller au théâtre. La rupture se confirme dans le dernier sondage Elabe, accablant pour le pouvoir. 61% des Français veulent que le projet de réforme soit retiré. 72% jugent Emmanuel Macron autoritaire et arrogant.

Le divorce avec le peuple consommé, l’exécutif ose en appeler à la « légitimité démocratique » issue des urnes. Pourtant, jamais Emmanuel Macron n’a annoncé dans son programme qu’il repousserait l’âge légal de départ en retraite à taux plein. « Dialogue social » au rabais, bâillonnement de l’opposition et cadenassage du débat parlementaire, bidouillage des étiquettes politiques pour masquer une possible déroute aux municipales, violences policières et répression syndicale…Tout est entrepris pour assécher la sève d’une démocratie. Et il ne s’en cache même plus. Aujourd’hui encore, alors que le peuple sera dans la rue, le président nommera des préfets à sa botte, certains venus de la droite dure, anciens directeurs des cabinets de Fillon et Hortefeux, pour s’assurer de l’exécution des réformes jusqu’au « dernier kilomètre ». Cette nouvelle journée de mobilisation doit donc résonner au-delà des plus engagés contre la réforme. Seul son retrait permettra à la démocratie de reprendre ses droits.

jeudi 23 janvier 2020

"Convoi des 31 000 et 45 000". Hommage samedi 25 janvier. Rendez-vous Mairie de Romainville à 10 h 15 !






Samedi nous rendrons hommage aux victimes des convois des 31 000 et 45 000, à 10 h 15 à la Mairie de Romainville et à 11 h au Fort de Romainville. Le 11 janvier 2018, avait eu lieu une  conférence de Thomas  Fontaine sur l’histoire des femmes résistantes au Fort de Romainville. 

Rencontre initiée par la  fédération du Parti communiste de la Seine-Saint-Denis. À cette occasion l'historien Thomas Fontaine a souligné, dans sa passionnante conférence toute l'importance de cette histoire. Il a montré que le fort était le bon site pour un musée de la résistance des femmes. 

C'est au fort que sont conservés les graffitis gravés par les prisonnières. C'est de là que sont parties 3800 résistantes vers les camps de la mort.

« ASSEZ DE CACHOTTERIES » !, L’ÉDITORIAL DE SÉBASTIEN CRÉPEL DA NS L’HUMANITÉ DE CE JOUR !



Le gouvernement ne cesse de répéter qu’il n’a rien à cacher, et accuse ses détracteurs de répandre de folles rumeurs sur les pertes qu’occasionnerait le passage à son système de retraite par points. Alors, à la veille de l’examen du projet de loi en Conseil des ministres, pourquoi continuer à dissimuler les neuf cents pages de l’étude d’impact chargée de mesurer les effets de la réforme sur les pensio
ns et l’âge de départ ?
Des fuites opportunes ont permis à certains titres de presse – l’Humanité n’en fait pas partie – de disposer de « bonnes feuilles » dans lesquelles, ô surprise, la plupart des futurs retraités auraient tout à gagner à la réforme. Mais les parlementaires n’ont toujours pas pu voir cette étude. Pourtant, les questions sont légion : quels sont les paramètres retenus dans les cas types qu’on nous présente ? Quelles sont les valeurs du point, les hypothèses de croissance de l’économie et des salaires ? Et par quel miracle tout le monde sortirait gagnant comme dans un célèbre concours télévisé de chant pour enfants, alors que le système est réglé pour qu’un plus grand nombre de retraités se partage demain une part des richesses gelée à son niveau actuel ?
Autant que par son contenu, le rejet majoritaire du projet s’explique par ces non-dits. Le pseudo-compromis sur le retrait « provisoire » de l’âge pivot n’y change rien, au contraire, puisque ce dernier demeure au cœur du système universel. Les chômeurs, à qui l’on promet des points de retraite calculés sur leurs allocations, y perdront par la baisse mécanique des droits qu’entraînera la chute de leurs revenus, quand les périodes de chômage sont aujourd’hui neutralisées dans le calcul de la pension grâce à la prise en compte des meilleures années de salaire. Idem pour les droits familiaux. Questionné mardi par une journaliste de l’Humanité, le ministre Pietraszewski s’est avéré incapable de démontrer les avantages supposés du projet. Qu’en sera-t-il dans l’Hémicycle, si le texte arrive jusque-là ? Le gouvernement manque tellement de confiance que même le président du Conseil d’orientation des retraites n’a pas eu accès à l’étude d’impact. Assez de cachotteries !

mercredi 22 janvier 2020

Mobilisons-nous pour défendre les libertés publiques !


En butte à un mouvement social puissant contre la casse des droits sociaux et que soutient une large majorité de l'opinion, le gouvernement cherche à rétablir la légitimité de sa politique en usant de la force. Il tente d'intimider celles et ceux qui le contestent, de faire taire les aspirations à la justice sociale et écologique, de s'imposer à la société par son autoritarisme.
Des manifestants durement réprimés ; des forces de l'ordre équipées d'armes interdites dans la plupart des pays européens et engagées dans une stratégie d'affrontements et de répression, au prix de très nombreux blessés ; des syndicalistes menacés de sanctions ou poursuivis devant les tribunaux pour avoir exercé leurs mandats de défense des droits des travailleurs ; un journaliste placé en garde à vue pour avoir simplement révélé la présence du président de la République à une représentation théâtrale ; une justice dont l'indépendance est de plus en plus bafouée ; un livreur mort à la suite de son interpellation musclée par des policiers : les libertés publiques sont aujourd'hui gravement mises en cause.

Le climat de violence ainsi créé accélère une régression démocratique lourde de danger pour l'avenir de la France.

Ce sont les principes mêmes de la République qui sont ici mis en question. 
Il est urgent de dire stop. De défendre une conception républicaine, celle d'une police de service public, protégeant les citoyens et leurs libertés. D'oeuvrer à l'indépendance retrouvée de la justice, garantie des droits de chacune et chacun. D'agir en faveur de la liberté de la presse et du pluralisme de l'information, de les protéger d'un pouvoir dangereux. De défendre les libertés syndicales, conquête essentielle pour la défense des droits des salariés face aux inégalités et aux politiques patronales.
Le Parti communiste français appelle toutes les forces attachées à la démocratie et aux grandes conquêtes sociales dans ce pays, les organisations syndicales, les associations et les organisations non gouvernementales, les forces de gauche et écologistes, les citoyennes et les citoyens à se mobiliser massivement autour de ces objectifs.


« Intimidation », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité de ce jour !



C’est devenu – malheureusement – un grand classique. Après un mois et demi d’une mobilisation historique, les opposants au projet de réforme des retraites font face à un nouveau défi : celui de la répression. RATP, SNCF, Enedis…Dans ces secteurs clés de la contestation, les menaces et autres « entretiens préalables à une sanction disciplinaire » se multiplient à l’encontre des grévistes. Comme nous le révélons, la CGT dénombre des dizaines de cas où, pour des motifs souvent futiles et sans conséquence, ces salariés se retrouvent pointés du doigt, parfois en garde à vue et inquiétés dans leur carrière. Le message de ces directions d’entreprises, encouragées en ce sens par le gouvernement, est aussi clair qu’inacceptables : méfiez-vous, user de votre droit de grève peut désormais vous coûter cher.

Cette logique d’intimidation – aussi vielle que le mouvement social lui-même – connaît un véritable regain, que ce soit dans les manifestations, avec l’usage mutilant des grenades et autres LBD, ou dans le huis clos managérial et autoritaire des entreprises. Elle ne doit surtout pas être prise à la légère. La multiplication des atteintes à la liberté constitutionnelle de faire grève accompagne toujours un durcissement des politiques néolibérales. Et témoigne d’une volonté têtue du patronat de rétablir un pouvoir sans partage. Derrière les sanctions qui planent sur les grévistes, c’est bien la fragile démocratie sociale qui est visée.

À ce petit jeu-là, les démocrates en carton-pâte de la Macronie ont choisi leur camp. Ils se relaient sur les ondes pour dénoncer les « irresponsables « grévistes. Voire suggèrent comme Élisabeth Borne, de porter systématiquement plainte contre les agents qui ont pratiqué des coupures de courant. Fidèle au mantra du « en même temps », la ministre de la Transition écologiste fait ainsi mine de se placer du côté du droit…tout en s’accommodant parfaitement de voir celui des salariés sans cesse réprimé. Un comble !

mardi 21 janvier 2020

« Bon appétit, messieurs », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité de ce jour !



Versailles peut faire illusion. Mais sous les ors et dans les reflets flotteurs des miroirs, ce n’est pas Emmanuel Macron qui mène le bal des puissants avec les 200 représentants  des grands groupes qui y étaient présents hier. Toutes les « réformes », c’est-à-dire les régressions sociales entreprises depuis qu’il est au pouvoir, n’ont qu’un but : vendre la France en l’adaptant aux attentes du marché mondial et des grands groupes. Hier, quel que soient les accents de ses propos, il était en examen. Ai-je bien travaillé ? C’est cela le sens profond des propos d’Emmanuel Macron.

On entend dire que, malgré les gilets jaunes et les grèves, l’attractivité de la France ne serait pas atteinte et aurait même progressé. Mais la vérité, c’est que la crise des gilets jaunes, les grèves contre la réforme du code du travail, celles de la SNCF l’an passé, celle d’aujourd’hui, sans précédent, sur les retraites sont les corollaires de ce qu’on appelle l’attractivité de la France. C’est au prix de la démolition du modèle social qui est le nôtre, d’une pression permanente sur les salaires et la productivité avec la complicité du Medef, de la mise en cause des services publics, que la France est « bankable »aux yeux de la finance mondiale.

Alors, bien sûr, on parle d’emplois créés, de soucis sociaux et environnementaux. Mais que dit-on à la direction de la grande banque américaine JP Morgan qui s’installe à Paris : «  C’est le moment idéal pour investir. » Oui la France est une des places mondiales où l’on peut faire du profit. Les faramineux dividendes versés aux actionnaires du CAC 40 sont là pour en attester. En quoi les Français en vivent-ils mieux ? En rien, au contraire. Les annonces hier du président de la République française dans son rôle de fondé de pouvoir du capital ont encore ouvert les portes avec toujours plus de gâteries pour les entrants. Le buffet est ouvert, bon appétit messieurs. Ce n’est pas une autre question : la lutte pour le retrait de la réforme des retraites et contre la perspective de la capitalisation est aussi une réponse de fond à la logique de Versailles.

lundi 20 janvier 2020

« Le Versaillais de la finance », l’éditorial de Jean-Emmanuel Ducoin dans l’Humanité de ce jour !



 Le président des riches reçoit, à Versailles, l’entre-soi de la finance mondiale et régalera 200 PDG de l’hyperpuissance capitalistique globalisée...

L’orgueil de classe est sans limite et exonère de tout état d’âme. Symbole dévastateur: ce lundi, à Versailles, Emmanuel Macron reçoit donc l’entre-soi de la finance mondiale et régalera 200 PDG de l’hyperpuissance capitalistique globalisée, des milliardaires en route sur le chemin pavé d’or de Davos, assumant jusqu’au mépris absolu ce que nous nommerons «le choc des mondes». L’ancien banquier de l’Élysée, n’est pas le moins légitime pour mettre en cohérence son attention en faveur des «premiers de cordée» et une opération de com de prestige, fût-elle gênante en plein mouvement social. Le peuple, lui, sait à quoi s’en tenir depuis longtemps: le «président des riches» porte bien son épithète…

Le tapis rouge ainsi déroulé a quelque chose d’obscène. Comme si Macron incarnait mieux que quiconque cette célèbre phrase de Karl Marx: «Toute classe qui aspire à la domination doit conquérir d’abord le pouvoir politique pour représenter à son tour son intérêt propre comme étant l’intérêt général.» Tandis que, jamais à ce point, le système économique et financier mondial, inégalitaire et climaticide, n’a été autant remis en question, certains se contentent des intentions de notre ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, en partance lui aussi pour Davos, qui ose appeler à un «nouveau capitalisme» censément «plus juste». On connaît la musique, façon pipeau, à l’heure où l’organisation non gouvernementale Oxfam publie un rapport accablant. 1% des plus riches ont déjà capté près de 30% de la croissance des revenus en quarante ans. Et ils continuent de voler l’humanité sans vergogne: 2 153 milliardaires détiennent désormais l’équivalent de… 4,6 milliards de personnes. Les crises sociales et écologiques puisent bel et bien leurs racines dans ce pillage éhonté et dans des décennies de politiques d’affaiblissement des acquis sociaux, d’absence de redistribution et de partage des richesses.

Ne nous trompons pas. Ces puissants-là théorisent et organisent ce «choc des mondes». Macron, le Versaillais de la finance, en est la preuve active.


vendredi 17 janvier 2020

« Ruine », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité de ce jour !



La presse de François Pinault lâche ses chiens sur la CGT. Le Point, le magazine du milliardaire célèbre pour ses démêlés avec le fisc, titre cette semaine : « Comment la CGT ruine la France ». On voit ainsi nettement quels intérêts puissants dérange la lutte que poursuivent avec responsabilité et abnégation les opposants à la réforme des retraites. Après plus de quarante jours de grève, les alliés du pouvoir commencent à perdre patience, et surtout, confiance. « S’est-il dégonflé ? » interrogeait gravement l’hebdomadaire la semaine dernière, en montrant un Macron à la mine dubitative.

L’offensive redoublée contre Philippe Martinez est la traduction de la hantise d’une partie de la bourgeoisie de perdre la main. Avant Noël, dans le même média, Franz- Olivier Giesbert se plaignait d’une grève qui « bénéficie », c’est à pleurer, du soutien d’une partie non négligeable des Français ». Mais il ajoutait : « Çà leur passera. ». Comme souvent, « FOG » s’est trompé : çà ne leur passe pas. Après le mouvement des gilets jaunes, que le chef de l’État s’est montré incapable de mettre au pas, le retour sur le devant de la scène d’un monde du travail plus organisé et puissant qu’on ne le pensait, avec ses figures syndicales incontournables, met la droite sur des charbons ardents.

La une du Point résume à elle seule cette haine de classe. Sur le fond, l’hebdomadaire n’a rien à révéler, sinon son manque d’imagination, avec un titre déjà usé par la passé à propos ; pêle-mêle des dockers, des contrôleurs aériens ou des « fraudeurs de la Sécu » (sic). Pas un mot, en revanche, sur l’appel du projet de loi gouvernemental aux « gestionnaires d’actifs » de type BlackRock à faire les poches des salariés pour leur refourguer des fonds de pension. Il y a pourtant beaucoup à dire sur la capitalisation et « comment elle ruine » les régimes de retraite : 15 milliards de déficit chez Boeing aux États-Unis, 22 milliards chez General Electric, si bien que l’entreprise a suspendu l’épargne retraite de 20 000 salariés. En Allemagne, le déficit atteint 33 milliards chez Volkswagen, 9 milliards chez Siemens. On dit stop ou on continue ?

« Décivilisation(s) », (Jean-Emmanuel Ducoin dans l’Humanité de ce jour) !


Mac Macron, la «révolution» conservatrice.

Legs. Il y avait, jadis, pour nous libérer des chaînes de la tradition et s’affranchir des étouffoirs de la domination capitaliste, une formule que le père du bloc-noteur répétait souvent en dressant le poing: «Le meilleur est la moindre des choses.» L’humus de nos valeurs et de nos legs, quoi qu’en disent nos forfanteries libres-penseuses, continue de nous obliger – quel que soit le prix à payer… Sans forcément traquer l’idée de Rédemption dans celle de l’émancipation, ni quêter des goûts d’Apocalypse dans l’image sainte du Grand Soir, nous savons une chose essentielle qui détermine toutes les autres: nous ne nous en sortons pas tout seuls, les humains se sauvent et progressent ensemble ou pas du tout. Le culte de l’aventure collective ne nous est pas tombé du Ciel, mais nous avons une créance politique et philosophique sur nos beaux emballements. Une certaine éthique; un fil d’Ariane. Voilà, en vérité, ce que nous disent les grévistes depuis le 5 décembre. Et si certains en doutent, ces militants de l’espoir soulèvent quelques montagnes que nous n’imaginions même plus possible au fond de nous. Leur combat social est devenu un combat de civilisation sociale.

Destruction. Puisque nous évoquons cet enjeu de «civilisation», parlons-en justement. Dans une tribune remarquable publiée par Libération cette semaine, signée par un collectif d’intellectuels, d’économistes, d’historiens, d’écrivains, etc., nous pouvions lire ces mots pertinents: «Nous prenions pour un coup de com le titre du livre du programme du candidat Macron, Révolution. Nous avions tort. Élu président, Emmanuel Macron développe avec son gouvernement une révolution libérale autoritaire sans précédent depuis Margaret Thatcher.» La comparaison n’est pas nouvelle, le bloc-noteur l’ayant déjà testée. Mais les auteurs (parmi lesquels Jacques Bidet, Patrick Chamoiseau, Annie Ernaux, Frédéric Lordon, Gérard Mauger, Gérard Mordillat, Gérard Noiriel, Monique Pinçon-Charlot, etc.) précisent une évidence qu’il convenait de pointer crûment: «Le gouvernement d’Emmanuel Macron décivilise.» Déciviliser: le verbe est lâché, dans toute sa dureté. Car, en effet, la «révolution» de Mac Macron vise à abattre toutes les régulations publiques qui furent la gloire – jalousée de par le monde – de nos héros du Conseil national de la Résistance. À l’aune de la loi travail, de la «réforme» des APL, de celle sur l’assurance-chômage, que signifie le dispositif supposément «universel» de la retraite à points? Une régression historique supplémentaire, qui met en cohérence, déjà, l’ensemble de l’œuvre de destruction massive ainsi assumée par Mac Macron. N’ayons donc pas peur de l’expression: en libérant, partout, les intérêts de la finance, il s’agit bel et bien d’une «révolution» conservatrice d’une ampleur terrifiante.

Durée. Faute de mieux pour l’instant, Mac Macron joue la montre, lui qui se revendiquait «maître des horloges». Le dossier explosif des retraites lui pose désormais un problème de taille, dont il risque de ne pas sortir indemne politiquement: avant les fêtes, il pensait que les contestataires de sa réforme de classe rentreraient en douceur dans les clous. Mais l’enlisement est là. Tout ce que le «marcheur» redoutait par-dessus tout, la menace de l’immobilisme. D’autant que le retour de la conflictualité sociale, authentique, est probablement acté, contredisant ainsi bien des analyses dominantes qui prédisaient sa fin temporaire, sinon sa mort définitive. N’oublions pas que la «trêve», défendue par les syndicats qualifiés de «réformistes», est quasiment restée sans effet sur la base. Six semaines plus tard, Mac Macron n’a toujours pas obtenu le blanc-seing qu’il espérait. Et l’opinion publique ne fléchit pas. Du jamais-vu. Cela confirme que la durée reste, depuis le début, une des données essentielles du mouvement en cours. De quoi avoir le temps, espérons-le, de relire Mark Twain: «Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait.»


jeudi 16 janvier 2020

Municipales à Romainville : « Le bal masqué » !


 

« Avancés masqués » cette attitude est devenue un usage courant, pour nombre de celles et ceux qui se présentent à nos suffrages, au mépris de la transparence qu’elles, qu’ils, doivent à nos concitoyens. Derrière la liste « Romainville Unie », on trouve nombre de membres du Parti socialiste, appartenant à la majorité actuelle depuis une quinzaine d’années. On trouve aussi, des représentants du parti présidentiel (LaREM), qui parlent d’humanisme et de de justice sociale mais défendent, becs et ongles les politiques régressives du gouvernement Macron/Philippe.

On peut comprendre que cette façon de faire soit plus confortable pour leurs auteurs. Cette attitude leur permet de se dégager de leurs responsabilités dans le soutien sans failles qu’ils ont apporté et qu’ils apportent encore à la majorité actuelle dans tous les choix qui ont été et sont les siens.

On trouve également d’autres intentions, infiniment moins louables. Vieilles comme le monde depuis qu’existent les élections municipales. Celles-ci ne seraient pas politiques, elles dépasseraient les « clivages partisans ». Ce sont les gouvernements qui décident des dotations aux collectivités territoriales, mais n’y voyez aucunement un choix politique. Les services publics sont à l’agonie (faut-il rappeler que Romainville a vu disparaître Pôle-emploi, la Sécurité sociale, la trésorerie dans un silence assourdissant). Mais cela ne concernerait  pas nos concitoyens.

Un rapport parlementaire a dénoncé au printemps dernier « Une République en échec en Seine-Saint-Denis ». Le constat est accablant : Ce département n’est pas traité de manière équitable. L’établissement scolaire « le moins bien doté de Paris reste mieux doté que le plus doté de Seine-Saint-Denis a affirmé l’un des deux rapporteurs. En Seine-Saint-Denis, policiers, professeurs ou magistrats sont moins nombreux, mais aussi moins expérimentés.
Dans l’Éducation nationale le taux de professeurs, dont c’est la première année d’enseignement dans les établissements difficiles est de 21% en France, contre 41% dans l’Académie de Créteil et 65% en Seine-Saint-Denis. Au tribunal de Bobigny, le deuxième de France, « un tiers des magistrats du siège s’en vont tous les ans. Romainville ne serait-elle pas concernée ? 

Les réponses faites par le gouvernement ne répondent nullement à l’urgence de justice sociale et d’égalité. Alors, pas de politique dans tout çà ? Les réponses locales n’y suffiront pas. C’est à l’État, au gouvernement de répondre par des actes. Mais voilà ! Lorsque « Romainville Unie » compte parmi ses alliés, des membres du Parti présidentiel, il convient, comme on dit, de ménager la chèvre et le chou, de faire profil bas. Alors, comme le « Tartuffe de Molière », ils cachent « ce sein que je ne saurais voir ». Alors, il vaut mieux faire preuve de lucidité et ne pas accorder sa confiance à " des candidat-e-s qui vous abusent en avançant, masqués ".

Un dernier exemple, particulièrement éloquent. Le 12 décembre le Conseil départemental a voté son budget. Qu’a constaté son Président et sa majorité à cette occasion ? L’État a amplifié son désengagement. 348 millions d’euros des dépenses sociales non compensés. Ces dépenses sociales, ce sont,  le Revenu Social d’Activité, l’Allocation Personnalisée d’Autonomie, les Allocations des Personnes Handicapées  En quoi cela ne concernerait-il pas nombre d’habitants de notre ville ? Faut-il rester silencieux, alors que c’est au CCAS de la ville que les personnes concernées s’adressent pour établir leurs dossiers ? C’est inconcevable, pour ne pas dire davantage.

Ainsi, comme partout en France, on va aussi voter dans notre « village » pour élire une nouvelle équipe municipale. Chaque village à son clocher, sa mairie, sa petite histoire avec ses particularités. Chez nous, Madame la Maire sortante ne se représente pas. Vous comprendrez aisément que cela puisse ouvrir les appétits de ses alliés, quitte à brûler aujourd’hui, ce qu’ils adoraient hier. Pour faire oublier un passé qui vous colle à la peau, il en est, qui ont pris soin de quitter l’embarcation sur laquelle il naviguait depuis de très nombreuses années. Et puis, pour faire bonne mesure, on « souhaite unir tout le monde au-delà des clivages partisans ». Surtout pas d’étiquette gênante, qui ne serait pas très rassembleuse par les temps qui courent.

Pendant toutes ces années, mise à part l'action déterminée des élu-e-s du groupe Romainville-Ensemble, aucune voix ne s’est élevée dans cette majorité pour arrêter de faire la part belle aux promoteurs, pour que cesse la vente de nombre de biens immobiliers appartenant à la ville et à Romainville Habitat. Au fil du temps Romainville s’est trouvée défigurée par une politique d’aménagement et d’urbanisme échevelée, sans fil conducteur. Les espaces publics ont fondu comme neige au soleil. Les voies de circulation ont été préemptées par les promoteurs immobiliers qui ont profité d’une avalanche de révisions du Plan Local d’Urbanisme au gré de leurs demandes. Évidemment, on nous demande de ne pas nous inquiéter et on avance à pas feutrés, pour tenter de faire oublier que celles et ceux qui se présentent à nos suffrages,  ce sont celles et ceux qui ont été aux manettes pendant quinze ans ! On nous vante une enquête menée auprès de nos concitoyens qui dépasserait par son ampleur,  ce que nous n’avons jamais connu. Sauf que durant toutes ces années de « pouvoir », la démocratie locale est restée lettre morte.

Il est des femmes et des hommes, des jeunes qui durant toutes ces années ont mené des actions concrètes contre les pollutions de toutes sortes, contre l’abattage des arbres, pour une ville plus humaine, plus solidaire, une ville qui prenne réellement en compte la parole des citoyens, la protection des espaces publics, le droit au logement pour tous, à la santé. Elles, ils, sont des militants de la vie associative et de formations politiques de gauche et écologiste. Elles, ils, ont fait le choix de travailler ensemble depuis de longs mois pour proposer aux habitants de notre ville, anciens ou nouveaux arrivants, une autre démarche plus prometteuse, en matière d’écoute, de démocratie qui leur donne la possibilité de rester maîtres d’un bout à l’autre de la construction de tous les projets. Elles, ils, se présentent à nos suffrages sur la liste « Romainville à Vivre », conduite par Vincent Pruvost, militant associatif, sur laquelle figurent Sofia Dauvergne, des  militants de formations appartenant à la gauche et à l’écologie et des citoyens   engagés, mais n’appartenant à aucune formation politique. Le neuf est de ce côté-là !

« L’écho d’un pays », l’éditorial de Cédric Clérin dans l’Humanité de ce jour !



Il se montre inflexible, mais les revers s’accumulent pour le gouvernement. Avec l’annonce d’une prétendue suspension de l’âge pivot dans sa réforme des retraites, l’exécutif espérait qu’au pourrissement du conflit s’ajoute le décrochage de certains syndicats dits « réformistes ». Il s’agissait de faire d’une pierre deux coups : imposer son projet et désigner les « bons » interlocuteurs, ceux avec qui l’on peut négocier le démantèlement du système social. En quelques jours l’affaire serait pliée. Cette stratégie un peu éculée se heurte, jour après jour, à la détermination des travailleurs. Et le front syndical ne s’est pas fissuré.

La polyphonie des leaders syndicaux dans nos colonnes aujourd’hui en atteste. Leur union, depuis le début du mouvement, représente à elle seule un événement qui en dit long sur la profondeur de la colère. Il n’est pas si courant le syndicat représentant les cadres, qui constituent la base électorale initiale du macronisme, élever le ton de cette manière.

Ce chœur syndical, le gouvernement serait bien inspiré de l’entendre, car il est l’écho d’un pays qui ne désarme pas. D’une société qui cherche un autre horizon.

Les grands médias ont beau jouer tous les matins le refrain d’une « exaspération » des Français, après quarante-trois jours, 60% des Français soutiennent encore la grève, et c’est tout à fait remarquable. Dans la mobilisation elle-même, la détermination dépasse de beaucoup les dépôts SNCF, RATP et les raffineries. Dernier exemple en date, les avocats, que le gouvernement a cru pouvoir acheter hier en leur proposant de piloter eux-mêmes une réforme qu’ils refusent, ont rejeté ce jeu de dupes. Ils dénoncent au passage le procédé consistant à faire mine de répondre à des revendications pour délégitimer leur grève. Rien n’y fait. Les robes d’avocats valsent comme les blouses blanches de personnels hospitaliers excédés. C’est de ce côté-là qu’il faut chercher les signes de ras-le-bol : une politique injuste doublée de méthodes de plus en plus vécues comme détestables.

mercredi 15 janvier 2020

« L’art de la grève », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité de ce jour !



Le monde de la culture est à pied d’œuvre. Grèves sporadiques dans les musées, théâtres, Opéra, bibliothèques, monuments nationaux…De nombreux acteurs culturels sont entrés dans la danse initiée par les ballerines de l’Opéra  Garnier. Si la grâce de ce ballet à ciel ouvert a fait le tour du monde, devenant le symbole des mobilisations contre la réforme des retraites, c’est qu’il dit toute la beauté et la profondeur de ce mouvement social, que le pouvoir macroniste voulait réduire à un combat d’arrière-garde de prétendus « privilégiés ». Comme l’ensemble de la société, les artistes, déjà échaudés par les politiques d’austérité qui les précarisent chaque jour un peu plus, ne veulent pas mourir sur scène. D’autant que cette »réforme » n’est que l’acte final d’un scénario qui fait passer la France de l’exception à l’exécution culturelle. Emmanuel Macron a placé sa marque sur de nombreuses nominations dans les grandes institutions culturelles, espérant, ici aussi, imposer les critères de rentabilité de la « start-up nation ». Mais les artistes résistent, s’engagent, et offrent leur créativité à leurs camarades de luttes, cheminots ou infirmières.

« L’art lave notre âme de la poussière du quotidien », disait Picasso. Il faut avoir vu ces larmes d’émotion en bas des marches de l’Opéra Bastille, un 31 décembre, pour saisir l’importance de ces irruptions artistiques dans le mouvement social, qui redonnent de la dignité à des grévistes traînés dans la boue à longueur d’antennes. C’est la propre d’une grève de cette ampleur de voir dialoguer dans un même élan ouvriers ubérisés, artistes, intellectuels, pour redonner du sens au métier de chacun et la place de tous dans cette œuvre collective qui tisse la République sociale. Ce sont ces « œuvriers », selon la belle formule de trois Amis de l’Humanité dont l’un, Roland Gori, s’exprime dans nos colonnes aujourd’hui, qui permettront de remettre l’imagination nécessaire à de nouveaux jours heureux au pouvoir.

mardi 14 janvier 2020

« Avec nous », le billet de Maurice Ulrich !



On a peut-être jugé un peu vite Carlos Ghosn, sauf Léa Salamé qui a su voir en lui un héros des temps modernes en recueillant avec chaleur ses propos. « Les conditions de votre évasion fascinent le monde entier ». Mais ce n’est pas tout. On découvrait hier une autre facette de sa belle personnalité.
La générosité, l’abnégation, le don de soi «Je suis resté chez Renault-Nissan en sachant que je prenais le risque de travailler pour un salaire inférieur à celui auquel je pouvais prétendre ». Ben oui, à peine 16 millions d’euros par an à quelques centaines de milliers près. C’est évalué à la louche.
Mais ce n’est pas tout. Avec courage, l’audacieux évadé va maintenant attaquer Renault en justice, contestant les décisions de son départ présenté comme une démission. Oui, car comme tout le monde, il pense à sa retraite. Il entend retrouver ses droits aux 770 000 euros par an qui lui étaient accordés. Si jamais il revient en France, on va le voir dans les manifs. Carlos avec nous, et Léa aussi…


« Peut-être », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité de ce jour !




« Mettez-vous à genoux, remuez les lèvres et vous croirez » écrivait Blaise Pascal en son temps. On a eu l’impression au cours du week-end que c’était ce que tentaient nombre de commentateurs, empressés à croire et faire croire que le petit stratagème du faux retrait de l’âge pivot allait signer la fin du mouvement engagé depuis maintenant plus de quarante jours. Le Pacs d’Edouard Philippe avec la CFDT était censé être acté, isolant ceux que l’on s’acharne à présenter depuis des jours comme des jusqu’auboutistes radicalisés. N’en doutons pas. Cette petite chanson en forme de ritournelle, on va encore l’entendre mais, dès hier matin, elle avait les tonalités d’un disque rayé.

C’est venu de partout et pas seulement de la CGT, de Sud-Rail, pas seulement de la France insoumise ou du PCF dont les leaders, Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel, étaient au petit matin présents devant des dépôts de la RATP. Pour Olivier Faure, le patron du PS, les blablas de vendredi étaient « une fake négociation ». Dimanche, Laurent Berger saluait une « Victoire », après les annonces du Premier ministre. Hier il était sur un mode plus retenu: « on est loin d’être à la fin de l’histoire, il va falloir continuer à peser ».

Sur France 2, dimanche soir, Edouard Philippe croyait pouvoir affirmer que ceux qui « incitent » à poursuivre la grève envoyaient « peut-être » les grévistes dans une impasse. On peut entendre ce « peut-être » comme un aveu inconscient de doute. C’est le gouvernement qui est aujourd’hui dans une impasse. Il a voulu appeler à la trêve en se servant des fêtes de noël, il a joué le pourrissement, il a raté le numéro d’illusionniste du retrait de l’âge pivot. Il a en face de lui, pas un seul syndicat, pas seulement deux ou trois, mais les forces vives et multiples du pays.

Car chacun le comprend mieux chaque jour. Ce qui est en jeu, c’est un projet majeur de régression sociale. C’est dur, c’est une bataille comme la France n’en a pas connu depuis des décennies, elle a une issue, le retrait.



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