LE BLOG DES COMMUNISTES DE ROMAINVILLE

jeudi 26 avril 2012

1er Mai : le sarkozysme, un néopétanisme ?

Affiche placardée un peu partout en France à l'occasion du 1er mai 1941

En annonçant un rassemblement pour opposer les salariés entre eux lors 
de la journée internationale des travailleurs, le candidat UMP entend draguer les voix du FN et avancer vers une recomposition autour d’une droite extrême.

Provocation ? Dévoilement ? L’annonce par Nicolas Sarkozy d’un grand rassemblement autour du « vrai travail » le 1er Mai, au Champ-de-Mars, à Paris, suscite une vive émotion au sein de la gauche et des organisations syndicales.

Tout est parti d’une phrase du candidat président lundi, au lendemain de sa défaite du premier tour. « Le 1er Mai, nous allons organiser la Fête du travail, mais la Fête du vrai travail, de ceux qui travaillent dur, qui souffrent et qui ne veulent plus que, quand on ne travaille pas, on puisse gagner plus que quand on travaille. » « On défendra, nous, le travail. Pas le statut, le travail. » D’aucuns y voient une manœuvre électoraliste d’entre deux tours pour capter la plus grande part possible des voix portées, dimanche dernier, sur l’extrême droite et la candidate du Front national. D’autres voix constatent une cohérence d’obédience pétainiste dans la politique menée depuis cinq ans et plus par l’actuel candidat de la droite extrême. Dans les deux cas, dérive ou conviction, le sarkozysme apparaît comme un danger pour la démocratie elle-même.

Sarkozy prend les accents de Pétain

Les réactions à gauche n’ont d’ailleurs pas tardé. Le NPA considère que Nicolas Sarkozy prend les accents de Pétain pour « gagner des voix » et appelle à faire du 1er Mai, « un raz-de-marée antiraciste et antifasciste contre la droite ». Jean-Luc Mélenchon, pour le Front de gauche, parle « d’une radicalisation du combat » par le candidat de la droite, tandis que son conseiller, Éric Coquerel, estime que « Sarkozy veut déclarer la guerre aux travailleurs qu’il méprise » et dénonce « un clin d’œil supplémentaire au FN ». François Hollande, candidat de la gauche au second tour, a aussitôt réagi : « Je n’oppose pas les Français entre eux. Je ne fais pas du 1er Mai une fête des uns contre les autres. » Ajoutant, hier, lors d’un meeting dans l’Aisne : « Un candidat qui commence à diviser les travailleurs, à mettre d’un côté ceux qui seraient les “vrais” et ceux qui seraient les “faux”, vous imaginez ce que cela peut faire pour la conduite du pays ? »

Le recyclage des idées de la droite nationaliste

Certes, le Front national de Jean-Marie Le Pen avait créé un précédent nauséeux. C’était en 1988. Il souhaitait récupérer le mythe de Jeanne d’Arc. Normalement, c’est le 8 mai, jour où, en 1429, elle aurait délivré Orléans de l’occupation anglaise. Pour avoir une audience la plus large possible, le FN avait choisi le 1er Mai, pour « une Fête du travail et de Jeanne d’Arc ». La date tombait, comme par hasard, entre les deux tours de la présidentielle. Le FN n’était pas en réalité le précurseur d’une manipulation de ce type. À l’origine, le 1er Mai est né de la lutte syndicale américaine et du grand mouvement social pour conquérir la journée de huit heures enclenché le 1er mai 1886. La répression devait être d’une rare violence : trois syndicalistes tués, cinq autres condamnés à mort par pendaison. Le mouvement prendra par la suite une dimension revendicative sociale internationale. C’est alors que Pétain, le 1er mai 1941, à Commentry lançait une réécriture de l’histoire. L’activité des syndicats ayant été suspendue et leurs biens saisis, il fera de cette date « une Fête du travail et de la concorde sociale », tout en profitant du moment historique pour jeter au feu le Code du travail.

Ce rapprochement entre les postures sarkozyste et pétainiste s’éclaire d’un jour nouveau. Le pétainisme, c’est quoi ? Il s’agissait, dans les circonstances de l’Occupation, du recyclage par un fascisme à la française des idées de la droite nationaliste, réactionnaire, à la fois monarchiste, bonapartiste et maurrassienne. Il s’inscrit dans la confusion des pouvoirs législatif et exécutif, le rejet du multipartisme, le corporatisme, la suppression des syndicats et des corps intermédiaires, le populisme au service d’une révolution nationale, l’apologie des valeurs traditionnelles synthétisées dans le triptyque « Travail, Famille, Patrie », le rejet des élites, le culte de la personnalité et le catholicisme comme valeurs universelles de civilisation, la stigmatisation des responsables supposés de la défaite… Les immigrés de notre époque ? De vieilles idées de droite que Sarkozy ripoline à peine.

La musique des mots évoque des souvenirs : « Sarkozy, nous voilà ? » « J’ai tout donné à la France », a-t-il dit, il y a quelques jours. « Je fais à la France le don de ma personne », marmottait Pétain. « Aidez-moi », comme un refrain repris par le candidat UMP. Sarkozy n’entend-il pas « effacer l’héritage républicain » et du Conseil national de la Résistance, démolir l’État et le modèle social. L’affaire du 1er Mai sarkozyste révèle une cohérence d’ambition politique. Et un remodelage de la droite.

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