LE BLOG DES COMMUNISTES DE ROMAINVILLE

mardi 31 mars 2020

Ah, Monsieur Darmanin ! (Patrick Le Hyaric)


Il ne manquait plus que ça ! Il faut bien donner son décor à « l’union sacrée » décrétée par le pouvoir, fut il en carton-pâte. Ainsi, M Darmanin, ministre  de l’Action et des Comptes publics – autrement dit « du budget soumis aux critères de stabilité » – et zélateur d’une politique fiscale inégalitaire comme jamais, sort ses grands airs pour appeler les Français, particuliers comme entreprises, à abonder un fonds de solidarité. Solidarité ! Heureux que vous ayez retrouvé ce mot.

Ce fonds est selon vos mots  M. Darmanin « une façon [pour les entreprises et les particuliers] d’apporter leur contribution à l’effort de solidarité de la nation ». Il y a un mot pour cela, M. Darmanin, l’impôt ! L’impôt que vous êtes évertués à dénigrer et à rendre injuste au nom d’un imaginaire ruissellement. L’impôt que vous avez amputé de 4 milliards d’euros de recettes par an en exonérant d’ISF les actifs financiers. L’impôt qui sert à éponger, chaque année, les  40 milliards d’euros de cotisations dont vous avez exonéré les entreprises. L’impôt sur les sociétés que vous avez abaissé. L’impôt sur le capital que vous avez transformé dans ce concept « globish » de « Flat-Tax pour cacher le petits cadeaux à la finance. Et, puis pourquoi avoir baissé pavillon devant les géants du numérique qui ne font aucun effort pour le bien commun au moment même ou les travailleurs vivent dans l’angoisse avec un « salaire de la peur »
Votre prétendu « nouveau monde » renoue ainsi avec la charité d’ancien régime. Elle permettra  aux plus riches de soulager s’ils le souhaitent leur mauvaise conscience – ce qui n’est jamais gagné-, et au moins riches de culpabiliser, tant il est vrai que la culpabilité peut être un ressort pervers pour mettre au pas la population. Mais en aucun cas de créer les conditions d’un nouveau contrat social.
Ah, Mr Darmanin les Français, ne réclament pas la charité. Et les classes populaires,  les travailleurs n’ont pas attendu qu’une parole ministérielle les enjoigne à la solidarité : elle se manifeste au quotidien, dans le village ou dans la cité, par mille et un gestes envers les personnels soignants, les personnes vulnérables.  Et les salariés montés au front pour faire tourner le pays le font avec un sens du devoir qui a depuis bien longtemps quitté les actionnaires gloutons auxquels vous avez eu tant de mal à dire qu’ils devront se passer cette année de leurs dividendes. Encore qu’on demande à voir. Rétablissez l’ISF, imposez les revenus financiers, chassez l’évasion fiscale, interrogez les compagnies d’assurance et les banques : voilà ce qui serait une vraie « contribution à l’effort de solidarité de la nation ». On vous aiderait à le faire Mr Darmanin.

« Grosses têtes », le billet de Maurice Ulrich !



Les grands esprits s'en mêlent. Pour Michel Onfray, un danger vient "des tribus des zones perdues", c'est-à-dire des quartiers populaires. Pour le philosophe italien Georgio Agamben, l'épidémie était une "invention" jusqu'à ce qu'il précise sa pensée: "

Cela ne doit pas s'entendre dans un sens purement subjectif, les historiens savent bien qu'il y a des conspirations pour ainsi dire objectives qui semblent fonctionner en tant que telles".

Et, bien sûr, on attendait Alain Badiou pour qui il est mal venu pour les gauchistes, les gilets jaunes ou même les syndicalistes "de continuer a faire tapage sur Macron, leur cible dérisoire de toujours", alors même que, l'épidémie déjà "ils ont multiplié les regroupements incontrôlés et les manifestations tapageuses".

Non, pour le grand philosophe qui se réclame toujours de son communisme à lui, le temps est venu "de travailler mentalement, comme par écrit et par correspondance, à de nouvelles lignes de la politique". Peut-être, mais il faut avoir une grosse tête.


« Essentiel », l’éditorial de Jean-Emmanuel Ducoin dans l’Humanité de ce jour !






Tandis que des morts tombent, ceux qui continuent de travailler se mettent-ils en danger d’être contaminés et, potentiellement, de transmettre le virus?

Notre ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, utilise parfois des mots qui tombent sous le sens. En affirmant, lundi matin, que la sécurité sanitaire des salariés face à la pandémie de Covid-19 était «la priorité absolue», nous nous disions sans aucune ironie qu’il ne pouvait clamer le contraire. En revanche, le tempo de cette intervention solennelle témoigne d’un moment particulier de la crise. Alors que nous sommes encore confinés dans la première étape d’un processus marqué par la sidération, les peurs et l’urgence vitale de se protéger et de se nourrir, dans l’attente d’un pic épidémique qu’on ne cesse de nous annoncer, une question hante la société française: tandis que des morts tombent, ceux qui continuent de travailler se mettent-ils en danger d’être contaminés et, potentiellement, de transmettre le virus?


Dans les usines, les entrepôts, les transports, les commerces, etc., où les salariés de «seconde ligne», jugés indispensables à la survie du pays et qui vont encore au front dans des conditions sanitaires souvent aléatoires, les alertes et les droits de retrait se multiplient légitimement. Tous réclament des mesures de protection de grande ampleur, ce que ni les entreprises en question – la plupart du temps – ni l’État ne peut leur assurer. Bruno Le Maire a beau répéter: «Il faut garantir la continuité économique du pays, mais ça ne peut pas se faire au détriment de la sécurité sanitaire des salariés», ces paroles, pour l’heure, sonnent creux. Des centaines de milliers d’employés attendent toujours des masques, des gants, des équipements…


D’autant que, pour en rajouter dans la confusion, de nombreuses entreprises – Safran, Michelin, Airbus, Arcelor-Mittal, Dassault, etc. – décident de reprendre, une partie de leur production dès ce début de semaine. Mais à quel prix? De deux choses l’une. Soit l’expression «limiter les activités économiques non essentielles» veut dire quelque chose, soit, là encore, il ne s’agit que d’affichage. Certes, il est sûrement difficile de trouver le juste équilibre entre la bonne gestion de «l’essentiel» et la définition de ce qui ne l’est pas. Toutefois, n’est-il pas temps de décider clairement que toutes ces activités «non vitales» doivent être stoppées? Au moins pour se souvenir d’une autre urgence: les vies valent plus que les profits


lundi 30 mars 2020

« De la transparence et des actes », l’éditorial de Patrick Le Hyaric dans l’Humanité de ce jour !



Quand on communique à profusion, mieux vaut que les « éléments de langage » coïncident avec ce que vivent les citoyens. Or, le pouvoir s’évertue à nier l’évidence qu’il a bel et bien tardé à prendre les dispositions nécessaires pour affronter cette épidémie déclenchée en Chine à la mi-novembre, avant d’envahir l’Italie en janvier. Il lui coûte d’avouer que ni le pays ni l’Europe n’y étaient prêts, afin de camoufler les désastres des politiques austéritaires appliquées depuis tant d’années à l’hôpital public comme à tous les services publics.

Mais plus les gouvernants parlent, plus ils montrent leurs défaillances. La dernière conférence de presse du premier ministre, samedi, était un nouveau modèle du genre. D'abord, pour se couvrir, le pouvoir fait porter une bonne partie de la responsabilité sur les scientifiques et le corps médical. Ensuite les annonces à coups d’impressionnants chiffres valent preuve qu’ils ont menti hier en expliquant doctement que les masques et les tests ne servaient à rien.

Il serait d’utilité publique que le gouvernement produise d’urgence les bons de commande de matériels. Car promettre des tests dans trois semaines, alors que le temps presse et que l’Allemagne en a fait un moyen de prévention de masse, relève de l’incurie et de l’irresponsabilité. Et que dire de ces ministres qui un jour appellent à la maison pour le lendemain demander de se précipiter aux champs ou dans les usines pour servir de fantassins non pas au combat sanitaire mais pour la guerre économique que les milieux d’affaires préparent pour « l’après ». Plus que jamais il faut se protéger et protéger le pays en mobilisant tous les moyens industriels, logistiques, scientifiques et humains pour répondre, en masques, en gel hydroalccolique, lits et respirateurs artificiels, aux besoins des patients et de celles et ceux qui les soignent avec tant de courage. De la transparence, des actes pour des choix humains. C’est vital.

samedi 28 mars 2020

Le PCF demande la gratuité des transports pendant le confinement



Plusieurs métropoles ont déjà décidé la mise en place exceptionnelle de la gratuité des transports publics pendant la période de confinement. Les communistes appellent l’ensemble des autorités organisatrices de transport à mettre en place cette mesure au plus vite.

Seuls les salariés des secteurs indispensables (soignants, commerces alimentaires, nettoyage, collecte des déchets, énergie...) utilisent les transports publics aujourd’hui. Ils sont plusieurs centaines de milliers chaque jour dans tout le pays, dont environ 500 000 en Ile-de-France.
Nous devons faciliter la vie de ces salarié-e-s qui prennent des risques pour tous leurs concitoyen-n-es au quotidien, et accorder au plus vite la gratuité des transports. Cela permettra également de ne pas mobiliser tous les personnels de maintenance des appareils de paiement de titres de transports et d’éviter des manipulations de moyens de paiement.

Il y a urgence à prendre cette décision alors que le début du mois d’avril approche, et que nombre de salarié-e-s auront à acheter un abonnement mensuel.

Les autorités organisatrices de transport public doivent affronter de très fortes pertes de recettes, du fait de la suppression temporaire du versement transport et de la baisse massive du trafic. Le manque à gagner dépassera très probablement 1 milliard d’euros. Des financements devront être trouvés via le budget de l’Etat ou des recettes exceptionnelles comme la taxation des dividendes. A l’échelle de ces montants, le non-paiement pendant la période de confinement des salariés obligés d’utiliser les transports publics représentent des sommes très faibles.

Nombre de salarié.es sont chaque matin inquiets quand ils doivent se rendre au travail. La moindre des choses serait au moins de ne pas les faire payer pour qu’ils puissent s’y rendre.


Parti communiste français,

vendredi 27 mars 2020

« Constat d’échec », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité de ce jour !



Le chef de guerre a le torticolis. Ses accents de contrition devant les soignants de Mulhouse à la plus violente des crises sanitaires, en ont dit plus qu’il n’en fallait pour mesurer l’impasse dans laquelle les gouvernements – dont le sien – ont emmené l’hôpital depuis plus de vingt ans à coups de réformes gestionnaires. Mais ses mots ont « en même temps » fait mine d’ignorer que ce n’est pas le rythme des changements, mais bien le cap imposé qui pose problème. L’ambiguïté macronienne est décidément peu à l’aise avec les moments de vérité comme celui que nous vivons.

« Beaucoup a été fait, sans doute pas suffisamment fort », a euphémisé le président de la République, en promettant « à l’issue de cette crise un plan massif d’investissement ». Il y a deux messages importants dans cette phrase. Le premier, c’est la reconnaissance que l’hôpital est gravement sous - doté, et qu’il faut y remédier. L’aveu est d’autant plus significatif que le plan annoncé il y a quatre mois à peine par Édouard Philippe était censé avoir résolu le problème. C’est donc un constat d’échec en règle que dresse Emmanuel Macron. Est-ce le signe annonciateur du changement tant attendu ? Rien n’est moins sûr, et le personnel a bien raison de ne pas se contenter de belles paroles. Le deuxième message appelle justement à la vigilance et à la mobilisation. Car la question n’est surtout pas d’aller « plus vite et plus fort » dans une direction qui a déjà fait tant de mal. Ce ne serait pas la première fois qu’un responsable politique reconnaît la crise de l’hôpital pour poursuivre les « réformes » et les restructurations néfastes. On se souvient à ce titre des grandes annonces du plan Hôpital 2012, tandis qu’étaient renforcés les critères managériaux du privé et la désastreuse tarification à l’activité, au détriment du service public.

Le temps n’est plus aux faux-semblants. Le président de la République l’a – t – il  compris, quand il a pris l’ « engagement pour la nation toute entière » d’une réponse profonde et durable aux maux de l’hôpital ? Il faut l’espérer, pour que l’exceptionnel dévouement des soignants serve à bâtir cet autre monde d’après la crise.

jeudi 26 mars 2020

Conséquence(s). Le bloc-notes de Jean-Emmanuel Ducoin dans l’Humanité-Dimanche



 Avons-nous déjà changé de monde?

Évidence. Voir, écouter, tâcher de comprendre, puis dire, essayer de transmettre sans même savoir qui de l’émetteur ou du récepteur s’avère le mieux capable d’ingurgiter en bloc, avant d’esquisser des analyses parfois démenties dès le lendemain… Tout va trop vite, n’est-ce pas? Quand plus de trois milliards d’individus se trouvent désormais en situation de confinement sur notre Terre et que l’ONU déclare que «l’humanité entière» est menacée, nous ne pensons pas seulement à établir un impitoyable bilan de faillite généralisée ou à instruire en justice les mécomptes d’une globalisation folle. Non, nous imaginons, déjà, notre conduite future. Si nous avons le droit de croire que «plus rien ne sera comme avant» et que nous vivons les prémices d’une sorte de révolution anthropologique, cela signifie qu’une évidence s’impose à beaucoup d’entre nous: cette crise nous oblige à mûrir (pour certains), à mieux verbaliser (pour d’autres), sachant qu’il importe de combler l’écart entre la conscience et l’action. L’urgence tient en une phrase: la limitation de la casse économique ne doit pas prévaloir sur la limitation de la casse sanitaire. L’à-venir se concentre autrement: la pandémie doit nous conduire à habiter autrement le monde.

Dogmes. Sans vouloir philosopher et politiser à outrance, le bloc-noteur accepte volontiers la parole des autres. Celle de Léa Guessier, par exemple, pseudonyme d’un collectif de hauts fonctionnaires tenus au devoir de réserve, qui écrivait dans le Monde cette semaine: «Nous avons déjà changé de monde et le gouvernement fait mine de ne pas le voir.» Cette phrase n’a l’air de rien, mais à la faveur de la gravité de la crise encore devant nous, elle résonne fort. D’autant que ledit collectif ajoutait: «Mettons de côté les croyances et les dogmes liés au “bon fonctionnement du marché”.» Les gens d’esprit plus ou moins en vue, les talons rouges de la «démocratie d’opinion» peuvent aller se rhabiller devant de tels mots. Leurs présupposés libéraux ne tiennent plus la route. Cette petite noblesse par raccroc, qui se gonflait, se pavanait et s’emplumait, arrive à l’âge terminal des vanités. Leur légèreté conceptuelle est balayée par la réalité et le poids de la prise de conscience sur les dispositions prioritaires. Comme l’écrivait un jour Régis Debray, sorte de rappel à l’ordre des choses aux classes dominantes: «Sachez, messeigneurs, que Rousseau n’était pas seulement un éloquent et un gracieux. Il vous a aussi envoyé le Contrat social dans les gencives, souvenez-vous-en!»

Vœux. Chaque décennie sa dominante, mais, en tout cas, la page n’est jamais blanche, et le moule jamais vide. Dans les années 1960, le fond de toile était rouge; il passa au rose, puis au bleu thatchérien par alternance, puis aux couleurs de la bannière étoilée made in USA, etc. Nos modes de vie et tout notre système économique ont été orientés sur une forme de démesure, de toute-puissance financière, consécutive à l’oubli de notre corporéité et de l’essentiel: l’humain d’abord. Tempérance, bon sens, humanité: autant de valeurs piétinées par le capitalisme rendu à sa sauvagerie. En écho, la philosophe Corine Pelluchon, qui ne passe pas pour une enragée gauchiste, n’appelle pas pour rien à «une transformation collective et individuelle». Elle écrit: «Notre modèle de développement génère des risques sanitaires colossaux et des contre-productivités sociales, environnementales, psychiques. Non, le soin, la protection des plus fragiles, l’éducation, l’agriculture et l’élevage ne peuvent pas être subordonnés au diktat du rendement maximal et du profit financier à tout prix. Il importe d’organiser le travail en fonction du sens des activités et de la valeur des êtres impliqués.» Ce qu’elle appelle de ses vœux? Un «vrai projet de civilisation». L’idée progresse, se propage, se diffuse à la manière d’une épidémie. Paradoxe cruel: les conséquences du virus feront peut-être changer les hommes plus vite que tous nos illustres combats réunis… 


Le virus ronge aussi … les dogmes capitalistes ! (Patrick Le Hyaric)

« Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés ». La parabole de La Fontaine dans sa fable Les animaux malade de la peste traverse les siècles avec le même à-propos. Le virus est un grand niveleur de conditions. Il ne choisit ni le rang social, ni les origines de ses victimes. Dans son universelle cruauté il trace un trait d’égalité funeste entre les êtres humains et, ce faisant, fait craquer l’épais verni d’illusions qui recouvre nos sociétés. Et, débarrassées de leur chaire grasse, leur squelette n’est pas beau à voir. Car comme le conclut La Fontaine, seul importe au bout du compte de savoir si « vous serez puissant ou misérable ». Les travailleurs seront-ils à nouveau, comme le baudet de la fable, les victimes expiatoires de la crise actuelle et future?


C’est toute la construction de la société en classes sociales antagonistes, l’organisation de la production, la condition des travailleurs, la casse méthodique des solidarités publiques, les dogmes libéraux, les tares de la construction maastrichtienne de l’Europe, la futilité marchande, le désastre écologique poussant la nature à la vengeance, qui s’exhibent crument sous nos yeux ébahis. Le virus est devenu le grand révélateur du système d’inégalité et de prédation qui structure nos existences sous domination du capital.
Le moment historique que nous vivons est celui d’un vaste aggiornamento de la vie collective, d’une prise de conscience générale des inégalités. Nous comprenons ainsi aisément que les mesures de confinement, bien qu’indispensables, ne peuvent être vécues de la même manière selon la condition sociale des individus. Certains ne se privent d’ailleurs pas de témoigner de leur confinement de première classe en résidence secondaire quand d’autres sont invisibilisés dans un surpeuplement locatif éprouvant. Il en va tout autant du télétravail, vanté par le gouvernement comme remède miracle pour stopper la contagion. S’il est aisé voire confortable pour les cadres, il s’avère impossible pour de nombreux ouvriers. Et il aura fallu plus de deux semaines pour que le gouvernement daigne prendre les décisions nécessaires pour garantir leur absolue sécurité sanitaire, et plus encore pour commander les fameux masques de protection qui avaient disparu des réserves stratégiques de l’Etat… Mais « en même temps », la ministre du travail s’est empressée de commander aux entreprises des bâtiments et travaux publics de continuer leur activité.
Le travail est ainsi montré dans sa vérité, à rebours des illusions dont l’enrobent les libéraux indifférents à l’utilité sociale des métiers et qui, à chaque contre-réforme, cherchent à dissimuler les injustices criantes en rémunération ou pénibilité.
Chacun s’aperçoit désormais que les métiers les plus essentiels à la vie collective et parmi les plus durs, les travailleuses et travailleurs qui répondent si vaillamment présents, dans les transports, la santé, l’énergie, l’agriculture, la distribution, le ramassage des ordures, les services, la fonction publique, les chaines de production essentielles, sont en « temps normal » les moins considérés et rémunérés. Les travailleurs qui bénéficient d’un régime de retraite dit « spécial », brutalement dénigrés lors des débats sur la contre-réforme gouvernementale, le justifient pleinement en montrant non seulement leur utilité, la dureté de la tâche, mais aussi leur engagement indéfectible au service de l’intérêt général. Que le « temps normal » apparait aujourd’hui anormal ! Cette absurde inversion instituée par le capitalisme ne peut plus durer. Le virus dévoile le scandale quotidien du mensonge et du grand renversement des valeurs. Il appelle à remettre le monde sur ses pieds. Les salaires mirobolants et la reconnaissance sociale indue de certaines sphères à l’utilité sociale relative, ne peuvent plus être tolérés. Les travailleurs, ouvriers et employés, doivent pouvoir bénéficier de conditions de travail et d’une retraite digne de leur engagement et de leur rôle social. Cette responsabilité appartient désormais aux gouvernements actuels et futurs, surtout à l’heure où les retraites par capitalisation s’effondrent avec les marchés financiers, comme au Pays-Bas où le principal fond de pension, ABP, a annoncé une baisse des pensions pour combler ses pertes.
L’ensemble du monde économique tremble. Dans l’urgence le ministre de l’économie a dit envisager des nationalisations, de peur que l’emballement des marchés ne fasse chuter des fleurons de l’économie nationale. L’hypothèse, mêlée à des mesures d’interdiction des licenciements, sème le trouble dans les alcôves du patronat qui craint qu’elle ne fasse date et que leur rôle soit contesté en cette période si spéciale. Car en toute logique et en temps de guerre, fut-elle sanitaire, ce n’est pas au patronat de définir ce qui ressort des « secteurs stratégiques de l’économie » ou de mobiliser les travailleurs mais à la puissance publique. Garante de la sécurité sanitaire des salariés elle devrait, avec l’appui des syndicats, prendre les commandes de la production et déterminer les chaines de production utiles pour répondre aux besoins essentiels. Ceci pourrait servir à remettre sur ses pieds la logique d’un monde plongé dans l’absurde et contribuer à redéfinir la valeur de la production et le pouvoir de décision dans l’entreprise.
Les dogmes imposés par l’Union européenne de Maastricht et Lisbonne sont renversés par les évènements. D’abord, l’Etat tant décrié revient au pas de course. Les fameux 3% de déficit autorisé, au nom desquels les gouvernements ont massacré la santé publique, sombrent par nécessité. Car évidemment, quand l’économie est frappée, c’est aux Etats donc aux citoyens de monter au front. Pourquoi la Commission européenne a tant tergiversé sur toute forme d’aide, pour finalement injecter 750 milliards d’euros non pas dans l’économie réelle, la production et les services publics, mais dans la banques et la finance ? Y aurait-il comme un chantage exercé contre les Etats pour plus de convergence budgétaire, au moment même où les besoins sont immenses pour faire repartir une activité saine, sociale et écologique ? Cette attitude est irresponsable et mesquine. L’endettement contraint d’Etats plongés dans l’austérité au nom de la stabilité monétaire n’est plus acceptable. L’Italie en fait l’amère expérience, la France risque d’y passer et l’Allemagne de subir les contrecoups d’une hégémonie précaire, construite sur les ressorts pervers de la mondialisation capitaliste.
Ah oui M. Macron, « le jour d’après ce ne sera pas un retour aux jours d’avant». Tout un système craque. Le vôtre. Ce que nous nous sommes évertués à démontrer face aux certitudes emmurées du gouvernement se rappelle à nous comme des évidences. Les travailleuses et travailleurs, si durement touchés par cette crise, refuseront de revivre le scénario du désastre. Notre vigilance doit être totale sur les conséquences du texte de loi qui institue l’urgence sociale et sanitaire. Si d’aventure le gouvernement voulait s’en servir pour faire des salariés la chair à canon de sa guerre économique pour préserver le système et ses avantages, il trouverait une opposition résolue. Car si toutes et tous sont capables de répondre au défi du redressement une fois le virus dompté, que ce soit à leur condition ! Non plus dans la dépendance de la finance et des actionnaires, mais avec les outils qu’ils se choisiront dans leur intérêt qui est aussi l’intérêt général, pour un  avenir social, écologique et démocratique. L’aggravation de cette crise va inévitablement créer de nouveaux rapports de force entre le travail et le capital. Ici, une fois de plus, c’est le travail qui sauve. Un véritable « nouveau monde » passera par sa reconnaissance nouvelle.


« Les aveux », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité de ce jour !



Plus de 2 milliards d’habitants de notre planète sont désormais confinés. On pense à ces mots de Paul Valéry en d’autres circonstances : « Nous voyons maintenant que l’abîme de l’histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une civilisation a la même fragilité qu’une vie. » C’est alors que certaines annonces – on pense à celles de Donald Trump niant la gravité de la situation – prennent la dimension  de crimes planétaires.

À contrario, il semblerait, à première vue que l’esprit vient à d’autres. Bruno Le Maire vient d’appeler les entreprises à « faire preuve de la plus grande modération » dans le versement de dividendes à leurs actionnaires. Il faut peut-être lui reconnaître un certain sens de la pudeur si l’on se souvient que la France est, en la matière, sur le podium mondial. Mais quel aveu au regard des discours qui nous ont été tenus depuis des mois sur les premiers de cordée, sur la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour stimuler les investissements, etc. Ce que vient de dire Bruno Le maire, c’est que tout cela, c’était de la poudre aux yeux.

Quel aveu, aussi, quand un économiste aussi libéral que François Lenglet déclare, dans le Figaro, que nous trouverons les moyens de faire redémarrer un État providence en matière de santé, avec les banques centrales et les impôts sur « les riches ». Notons au passage que l’État providence n’est pas autre chose qu’un État qui assume ses responsabilités en matière de santé, de prestations sociales, des services publics.

Quelles conversions spectaculaires. Mais ceux qui abjurent leur foi continuent souvent à adorer leurs dieux en secret et préparent le retour des bons jours. C’est bien ce qui se passe avec les ordonnances de mercredi, au nom d’une situation d’exception qui légitimerait et ferait durer l’exception. Elles vont à l’inverse de ce qui est nécessaire pour protéger les travailleurs, et les victimes collatérales du Covid-19 ne peuvent pas être le droit du travail et la démocratie.

mercredi 25 mars 2020

« TOUT À PROUVER », L’ÉDITORIAL DE LAURENT MOULOUD DANS L’HUMANITÉ DE CE JOUR !




On les célèbre désormais sans relâche. Infirmières, médecins, réanimateurs, urgentistes… Sur les coups de 20 heures, la patrie reconnaissante, calfeutrée chez elle, salue depuis sa fenêtre ces héros à la pointe du combat contre le Covid-19. Les plus hauts responsables du pays ont remisé leurs arguties comptables sur l’hôpital public. Et ils ne manquent pas une occasion de célébrer l’engagement exemplaire des personnels soignants en première ligne. Cette pluie d’hommages a ses vertus. Elle met un peu de baume au cœur à tous les professionnels de santé, reconnus comme jamais pour leur sens des responsabilités et leur esprit de sacrifice. Mais elle n’éteindra pas la profonde colère du monde médical, mis sous tension et en danger par une pénurie coupable de moyens – masques, gel hydroalcoolique… – et une gestion erratique de la crise.


L’heure du bilan viendra. Mais il n’est pas trop tôt pour souligner, déjà, l’irresponsabilité des choix politiques de ces dernières années. Beaucoup raillent l’ « impréparation » du gouvernement ou son « amateurisme ». C’est encore lui faire trop d’honneur. Il n’a pas péché par naïveté, mais par calcul. Voilà des années que ces décideurs préparent, à coups de serpe budgétaire, l’ensemble du système de soins à ne pas être capable d’affronter de telles situations. Quand le nombre de lits de réanimation et de soins intensifs passe de 26 000 à 13 000, que le renouvellement des matériels se fait au compte-gouttes, que toute la gestion hospitalière est aiguillée par le seul souci de rentabilité à court terme, on choisit consciemment d’être désarmé face à ce genre de catastrophe sanitaire.


En février, Emmanuel Macron était venu à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, où est décédé, le premier Français victime du coronavirus, et avait lâché au médecin neurologue qui lui faisait face : « Je compte sur vous. » Ce dernier lui avait répondu : « Vous pouvez compter sur moi, l’inverse reste à prouver… » Un mois de tâtonnements plus tard, une loi d’urgence sanitaire a été votée, donnant surtout aux préfets et aux employeurs le droit de remettre en cause le Code du travail et les statuts de la fonction publique. Peut-on compter sur lui ? Il semble que non.
Par Laurent Mouloud


mardi 24 mars 2020

« L’exemplarité », l’éditorial de Jean-Emmanuel Ducoin dans l’Humanité de ce jour !



 Ce n’est pas un vain mot: solidarité. Être juste, en ces heures de peurs individuelles et/ou de lucidité collective, consiste à respecter la dignité de chaque personne en considérant chacun à une égale valeur à tout autre. Y penser nous élève. L’appliquer dit notre humanité.

Le virus contamine, se propage, tue. Tandis que le bilan s’aggrave et que la France retient son souffle, l’évolution de la situation nous laisse peu de doute en vérité. N’en déplaise à certains ministres, qui prônent le travail des salariés dans des secteurs non indispensables à la gestion de l’urgence sanitaire, l’intensification du confinement des populations – premier rempart – semble inévitable. Étonnons-nous, plutôt, que l’exécutif ne l’ait pas encore annoncée, sachant que pas moins de 45% d’employés poursuivent toujours leurs activités dans des domaines non essentiels au fonctionnement du pays dans les circonstances actuelles. Qu’attendent les employeurs? Et qu’attend le gouvernement pour annoncer la prise en charge du maintien des rémunérations, partout où cela est nécessaire? Souvenons-nous des paroles du chef de l’État: «Quoi qu’il en coûte.»

Face aux atermoiements du pouvoir, traversés que nous sommes par le fracas des informations, nous avons tous, chaque jour, des nouvelles d’amis ou de proches, de voisins en difficulté. L’écoute, l’attention, la bienveillance, l’entraide redeviennent ainsi une éthique structurante qui lie et noue les citoyens entre eux. Tous les maillons de cette chaîne s’avèrent indispensables au vivre-ensemble, au bien commun. Ce n’est pas un vain mot: solidarité. Être juste, en ces heures de peurs individuelles et/ou de lucidité collective, consiste à respecter la dignité de chaque personne en considérant chacun à une égale valeur à tout autre. Y penser nous élève. L’appliquer dit notre humanité.

Cet appel à la solidarité, suivie de manière considérable, ne suffira pas à soulager le plus grand nombre, singulièrement les plus démunis. Les associations caritatives, en crise depuis longtemps, appellent au secours. Dans de nombreux endroits, comme une évidence, des mairies progressistes sont en première ligne. Elles montrent l’exemple, démultiplient les initiatives, les aides, les repas, l’assistance, etc. Si l’épidémie provoque un frein brutal à nos activités, il serait irresponsable, par les temps qui courent, qu’elle amenuise nos engagements. Il y a des moments dans la vie où l’essentiel ne se devine plus, il se voit…

lundi 23 mars 2020

La colère monte face à un gouvernement empêtré dans ses contradictions !


Avant de confiner le pays et de le lancer dans une « guerre » contre le Covid-19, l’exécutif a minimisé la catastrophe à venir pendant plusieurs semaines, envoyant des messages contradictoires à la population.
Un ton martial. « Nous sommes en guerre », répété à six reprises, un champ lexical du combat. C’est ce qu’on aura retenu de l’adresse télévisée historique d’Emmanuel Macron, le 16 mars, durant laquelle le chef de l’État a sonné le coup d’envoi du confinement général, sans toutefois prononcer le mot, laissant à son ministre de l’Intérieur le soin de détailler le dispositif. Mais la fermeté du gouvernement face à la pandémie apparaît comme un soudain revirement de discours. Car, à refaire le récit de la gestion médiatique de la crise du coronavirus, il apparaît que l’exécutif a tout fait pour euphémiser l’ampleur du désastre à venir et retarder les mesures radicales qui s’imposaient. Une pudeur à agir qui fut à chaque fois désavouée par l’actualité.
Retour au 23 janvier. Cela fait une dizaine de jours que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a officiellement reconnu l’existence d’un nouveau coronavirus. Agnès Buzyn est alors toujours ministre de la santé, et les vidéos de Benjamin Griveaux encore privées. En point presse la première assure que « le risque d’introduction du virus en France est faible », et qu’il « n’y a pas de cas douteux »répertoriés (à en croire le Monde, elle est pourtant déjà au courant et a prévenu les deux têtes de l’exécutif). Elle est en tout cas rapidement démentie. Le vendredi 24 janvier le ministère confirme les trois premiers cas français.
Un mois plus tard, le 24 février, c’est au tour d’Olivier Véran, son remplaçant de parler trop vite. Les cas précédemment diagnostiqués ayant été guéris, l’ancien député se veut optimiste et déclare qu’ « il n’y a plus de circulation du virus sur le territoire national. Pourtant, le 25 février, un homme de 60 ans est admis en urgence à la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Il est testé positif au Covid-19 et meurt d’embolie pulmonaire le 26. C’est le premier décès français. Dès lors, tout s’accélère. Le 27 février : 27 cas. Le 28 février : 57. Le 29 février : la barre des 100 cas est franchie. Le stade 2 est déclenché : il s’agit maintenant de freiner la propagation de l’épidémie.
Cependant, les premières mesures tardent à venir et sont timorées. Ce n’est que le 5 mars que les rassemblements de moins de 5000 personnes sont interdits. À suivre les décideurs publics, la société française n’a pas à s’inquiéter. Le couple présidentiel lui-même se rend au théâtre le 6 mars, pour montrer qu’il ne faut pas s’interdire de sortir. Huit jours après, le 14 mars, Édouard Philippe annonce la fermeture de tous les cinémas et théâtres, ainsi que tous les établissements publics « non essentiels ». Huit jours durant lesquels le nombre de morts a décuplé, de 9 à 91, et le nombre de cas est passé de 613 à 4500. Même double discours pour les milieux scolaires. Le 11 mars, Olivier Véran et le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, se rendent dans une école d’Issy-les Moulineaux. Objectif : rassurer, « mettre  ses enfants à l’école n’est pas dangereux ». Ah ? Pourtant, le 12 mars, Emmanuel Macron fait une première allocution à la nation et annonce la fermeture des crèches, écoles, collèges, lycées et universités. Ces discours contradictoires contribuent à forger l’idée d’un gouvernement incapable d’assumer une communication cohérente ou bien naviguant simplement à vue. Les mêmes s’étonnent ensuite que des « imbéciles » n’aient pas compris le message.

Le PCF demande le confinement général et la mise à l’arrêt les secteurs non indispensables !



16 018 cas recensés, 1 746 cas graves et 674 décès, soit 112 morts supplémentaires en seulement 24 heures... Le bilan en France de l'épidémie de Covid-19 est terrible. Son évolution rapide exige d'intensifier le confinement des populations, premier rempart à la propagation de l’épidémie.

Les ministres Le Maire, Véran et Pénicaud demandent aux entreprises et à leurs salarié-e-s de travailler. C'est inadmissible ! Airbus envisage de ré-ouvrir ses lignes de productions tandis que des entreprises du BTP ne savent plus quoi faire ! Le gouvernement devrait concentrer ses efforts sur la mobilisation des cliniques privées pour la prise en charge des malades.

La seule solution pour stopper l'épidémie, freiner sa propagation, c'est le confinement général. Pourtant 45 % des salarié-e-s sont aujourd'hui contraint-e-s de travailler dans des secteurs non indispensables à la gestion de l'urgence sanitaire.

Il est donc urgent que le gouvernement, en lien avec les organisations syndicales et patronales, décide de mettre à l’arrêt des secteurs non indispensables au fonctionnement du pays dans les conditions actuelles. Cette décision ne peut pas relever du bon vouloir des employeurs.

Nous demandons le confinement général et le maintien des rémunérations des salarié-e-s concerné-e-s par cette suspension et la prise en charge des indépendants tel que les livreurs.

Pour les salarié-e-s actuellement en 1ere ligne, personnels soignants, force de l'ordre et de sécurité, auxiliaires de santé, et autres professions nécessaires au fonctionnement du pays dans cette période, nous demandons toutes les mesures de protection et l'arrivée rapide de matériel de protection (masques, gants, gel, ou encore désinfection des locaux collectifs…).

« Stratégie de choc », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité de ce jour !



Accepter l’urgence sanitaire, ce n’est pas renoncer à l’avenir. Alors que chacun apprend à vivre – ou survivre – sous confinement, rythmé par le compte dramatique des victimes, que la solidarité s’organise pour pallier un État néolibéral défaillant, le gouvernement ne change pas sa boussole. « Plus rien ne sera comme avant », avait pourtant assuré la main sur le cœur Emmanuel Macron lors de son allocution télévisée. Il n’aura pas fallu longtemps pour que le naturel revienne au galop.

« Le monde d’après devrait commencer maintenant pour faire face aux immenses défis de cette crise sans précédent. Mais le projet de loi relatif aux mesures d’urgence présenté vendredi à l’Assemblée nationale, relève bel et bien de la « stratégie du choc », qui veut qu’après un traumatisme collectif les citoyens soient dans un état de sidération propice à accepter ce qu’ils jugeaient inadmissible la veille. Milton Friedman, théoricien zélé de l’ultralibéralisme, a défendu cette théorie, conseillant aux dirigeants politiques d’infliger un traitement de choc immédiatement après une crise douloureuse.

Ainsi a-t-on découvert dans ce projet de loi de surprenantes mesures. L’article 7 donne la possibilité au gouvernement de prendre des ordonnances en matière économique et sociale, comprenant de graves mesures de régression qui s’attaquent aux 35 heures, aux congés payés et aux instances représentatives du personnel. La belle aubaine ! « La meilleure prime qu’on peut donner aux soignants, c’est de respecter les gestes sanitaires », a osé Gérald Darmanin. Muriel Pénicaud, elle aussi au sommet de son cynisme, s’en prend aux syndicats patronaux qui veulent suspendre les chantiers, les jugeant « défaitistes ». Pourtant, tout dicte de faire le contraire de la thérapie macroniste en faisant de la satisfaction des besoins humains la priorité de l’action publique. Même confinés, avec une démocratie sous cloche, gardons les yeux ouverts sur l’avenir. Transformons l’isolement imposé par un immense élan pour penser « l’après » et préparer les jours heureux.

vendredi 20 mars 2020

Tri(s). Le bloc-notes de Jean-Emmanuel Ducoin






Qui tenter de soigner, qui laisser mourir? 

Éthique. Quand la philosophie – au plus haut degré de la conscience humaine et de l’éthique – se confronte à une crise sanitaire d’une ampleur capitale, il arrive que le vivre-ensemble soit mis à l’épreuve et subisse des choix qui bousculent nos certitudes et ouvrent des interrogations inédites sur les éventuelles conséquences. Anticipons donc, sans dramatiser à outrance. Et posons l’une des questions les plus dérangeantes du moment dans un pays comme le nôtre: faudra-t-il choisir qui tenter de soigner et qui laisser mourir? L’interrogation paraît déplacée sinon choquante, mais les témoignages venus d’Italie du Nord et déjà du grand est de la France nous instruisent sur l’état de sidération des populations, comme d’une partie non négligeable des personnels médicaux, qui évoquent, avec sincérité, l’hypothèse d’une pénurie de ce qu’ils nomment «les ressources de survie» afin d’éviter la saturation totale des services de réanimation. Chacun comprend l’horreur de la situation et s’indignera légitimement de la quintessence même de la tragédie, une sorte d’«abomination morale redoutée», selon l’expression de Frédérique Leichter-Flack, maîtresse de conférences et membre du comité d’éthique du CNRS. Celle-ci, dans une tribune donnée au Monde, prévient: «L’accès à la ventilation mécanique pour les patients en détresse respiratoire n’est que la pointe émergée d’un continuum du rationnement des chances face à l’épidémie, qu’il faut regarder dans son ensemble.» Cet «ensemble» est hélas bien connu. Des hôpitaux chroniquement sous-dotés, victimes de saignées budgétaires innommables qui mettent à mal la capacité des établissements publics à affronter à cent pour cent l’épidémie de coronavirus. Un rationnement de pénurie des moyens de protection face au risque (gels, masques, etc.). Un premier tri téléphonique opéré par la régulation du 15…

Basculement. Nous y sommes donc, sans oser espérer que la séquence à venir ne s’avérera pas trop massive et d’une brutalité sans borne, ce que ne comprendraient pas, moralement, les citoyens. Un document nous invite à prendre la mesure, remis mardi 17 mars à la Direction générale de la santé (DGS). Il s’intitule «Priorisation de l’accès aux soins critiques dans un contexte de pandémie». Nous y lisons que des décisions difficiles seront probablement à prendre, devant combiner respect de l’éthique et principe de réalité – une combinaison souvent incompatible. Pourtant, comme l’explique Frédérique Leichter-Flack, «le tri a précisément été inventé, en médecine d’urgence comme en médecine de guerre, pour remettre de la justice, de l’efficacité et du sens là où ne réglait que l’aléa du fléau». Et elle ajoute: «Le médecin trieur n’est pas l’ange posté à l’entrée du royaume, il n’est pas là pour jouer à Dieu et dire qui aura ou non droit à la vie, mais pour sauver le plus de vies possible, en refusant de se cacher derrière la Providence ou la distribution aléatoire du malheur.» Difficile à admettre en temps de paix, n’est-ce pas? L’affaire est sérieuse, mais pas incompréhensible, sachant que le tri, en pénurie, «opère le basculement d’une médecine individuelle, censée donner à chacun ce dont il a besoin, à une médecine collective, qui oblige le sauveteur à prendre en compte, à côté de la victime en face de lui, les besoins de tous les autres au regard du stock de ressources disponibles». D’autant que Frédérique Leichter-Flack ne le cache pas: «Plus le décalage entre ressources et besoins est grand, plus on aura tendance à basculer dans des pratiques de tri dégradées.» D’où l’enjeu démocratique majeur, à très haut risque politique après des années de casse généralisée de nos hôpitaux. Une espèce de «mise en abîme sacrificielle de la nation tout entière» aux effets potentiellement «destructeurs sur le tissu social et la cohésion nationale». Sommes-nous prêts, intimement et collectivement, à accepter cet inacceptable-là?



« Chair à canon », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité de ce jour !



Sur les champs de bataille, on appelait çà de la chair à canon. Des soldats de petit garde envoyés au front sans moyen ni espoir d’en revenir. En ces temps de guerre sanitaire, nombreux sont les salariés à avoir désormais le sentiment d’être de la chair à virus, sacrifiée au feu de cet « ennemi invisible » baptisé Covid-19. Caissières, livreurs ubérisés, manutentionnaires, maçons, éboueurs…Des centaines de milliers de travailleurs précaires, sans maison secondaire ni télétravail, se retrouvent aujourd’hui en première ligne de la contamination, obligés de venir trimer sous la pression d’employeurs qui s’inquiètent plus de la survie de leur chiffre d’affaires que de celle de leurs employés.

À l’heure du confinement général l’irresponsable avidité de certaines entreprises de secteurs « non essentiels » doit être dénoncée. Face à une juste inquiétude, ces patrons sans scrupules continuent de faire comme si de rien n’était, l’œil rivé sur leurs profits et la meilleure manière de contraindre les petites mains du prolétariat. Depuis trois jours, les syndicats recueillent des témoignages accablants. Refus d’accepter des temps partiels ou de fournir des protections, obligation de prendre des congés payés, chantage au licenciement. Certains semblent prêts à toutes les turpitudes sociales pour engranger quelques euros de plus. La palme du cynisme revenant au géant de la distribution en ligne Amazon, riche à milliards, qui menace de ne plus payer ses employés qui exerceraient leur droit de retrait pour des raisons sanitaires. Entre sauver ses bénéfices et sauver les humains, la firme de Jeff Bezos a choisi !

Cette indécente démonstration, dont les salariés les plus fragiles font prioritairement les frais, a semblé choquer jusqu’au ministre de l’Économie, Bruno Le Maire. Il a jugé ces pressions « inacceptables ». Las, les belles paroles ne font pas illusion. Dans sa gestion hasardeuse de la crise du coronavirus, le gouvernement est directement responsable d’avoir envoyé des mesures de protection à la libre appréciation des entreprises. La start-up nation vit toujours dans l’illusion infantile de l’autorégulation du marché et la confiance aveugle dans le patronat. Même, malheureusement, lorsqu’il s’agit de sauver la chair à canon du capitalisme.

jeudi 19 mars 2020

« Besoin de vérité » (Patrick Le Hyaric)


La tâche du soupçon risque d’être indélébile ! Nul ne conteste que la gestion d’une telle crise sanitaire soit ardue et doive réclamer la mobilisation générale du pouvoir politique. Pourtant, et alors que la pandémie de Covid-19 continue de s’étendre, voici que l’ancienne ministre de la santé – élève modèle de la macronie – dévoile que le pouvoir aurait volontairement retardé les dispositions nécessaires pour affronter le « tsunami » sanitaire.
Ceci au moment où les dirigeants italiens ne cessaient d’alerter et d’en appeler à des actions coordonnées, sans aucune aide des institutions européennes et alors que la présidente de la Commission européenne vient de déclarer que les dirigeants européens ont « sous-estimé » la gravité de la situation.
Lors de son entretien télévisé mardi soir le premier ministre n’a pas démenti les propos de Mme Buzyn. L’affaire est donc grave ! Elle prouverait que l’exécutif n’a pas raisonné en fonction de l’intérêt des citoyens, des travailleurs et des personnels de santé, mais de celui des entreprises, tout en privilégiant la tenue des élections municipales alors que l’alarme était sonnée au sommet de l’Etat. C’est du reste ce même raisonnement qui est actuellement appliquée quand des ministres courent les plateaux de télévision pour annoncer des sacs de milliards d’aides aux entreprises, subitement dénichés, sans annoncer un seul sous de plus pour les services publics.
Mme Buzyn, est allée jusqu’à asséner que le maintien des élections municipales relevait de la « mascarade ». Pire, le Conseil des ministres extraordinaire convoqué le samedi 29 février sur l’épidémie de Covid-19, soit plus d’un mois et demi après les alertes prétendues de Mme Buzyn, a été l’occasion non pas de répondre à l’urgence sanitaire mais de décréter le fameux 49-3, non inscrit au procès-verbal, pour imposer la contre-réforme des retraites.
Les contradictions de la communication gouvernementale se poursuivent. Et, voici que le pouvoir se défausse sur un conseil scientifique dont il a pourtant choisi les membres et dont on se demande la nature des compétences en matière de calendrier électoral. Autrement dit, on cherche à faire porter le chapeau aux scientifiques. L’insupportable poison du soupçon et du mensonge d’Etat fait son chemin au service d’un autre virus : le populisme d’extrême droite.
Si Mme Buzyn avait une conscience si vive pourquoi n’a-t-elle rien dit ? Pourquoi a-t-elle affirmé le 20 janvier que « le risque de propagation du coronavirus dans la population est très faible ». Elle doit maintenant s’expliquer et Le président de la République doit répondre à ces questions.
Sans attendre, les citoyens doivent disposer des délibérations politiques et scientifiques de ces dernières semaines et celles à venir. Des commissions d’enquête parlementaire doivent pouvoir faire toute la lumière sur ces épisodes. L’efficacité dans le combat contre la maladie a besoin de vérité.

« Aux armes », le billet de Maurice Ulrich !



Deuxième jour. Quelque chose a dû nous échapper mais, pour être franc, on a un peu de mal à comprendre le rapport entre l’épidémie et le papier toilette. Des rayons désespérément vides pour les pâtes, le riz, à la rigueur…la peur de manquer, d’avoir faim, mais le papier hygiénique. 

Il faut d’ailleurs à ce propos noter de considérables différences de culture entre les pays que l’on pourrait croire proches à maints égards. Ainsi, les Américains, s’ils se préoccupent aux aussi de leur fessier, semblent avant tout soucieux, si l’on peut dire, d’assurer leurs arrières et leur propriété. 

Les ventes d’armes ont explosé sur tout le territoire. La demande de fusils d’assaut a été multipliée par trois ou quatre. Au vu des précédents ayant établi une correspondance assez étroite entre le nombre d’armes en circulation et les tueries de masse, on peut s’interroger. Attention aux malades ou supposés tels. Çà part vite, ces engins-là. Mais, bon, c’est la guerre. On verra à l’usage ce qui est le plus efficace contre le virus. La bible, les balles ou le PQ.

« Les damnés », l’éditorial de Jean-Emmanuel Ducoin dans l’Humanité de ce jour !



Pour des millions de laissés-pour-compte, oubliés permanents de la société «ordinaire», la situation extraordinaire due à la pandémie de coronavirus devient soudain une urgence absolue...

Et depuis quelques jours, avec effroi, nous pensons aux sans-abri, aux mal-logés, aux migrants, aux personnes âgées dépendantes, aux plus démunis, aux pauvres, aux damnés de la terre de France… Pour des millions de laissés-pour-compte, oubliés permanents de la société «ordinaire», la situation extraordinaire due au coronavirus devient une urgence absolue qui met au défi l’humanité de tout un pays. Pour eux, la double peine est à l’œuvre, terrifiante. Quête de l’impossible, leur existence n’était déjà pas une vie. Depuis la crise sanitaire et le confinement, qui va enclencher une terreur sociale d’une ampleur sans doute inégalée dans notre histoire contemporaine, leur vie se résume à un seul mot: survie.

Si le moment se résumait encore aux polémiques de classes, nous écririons que, contrairement à la une des Échos, il ne s’agit pas de «sauver l’économie», mais bien de sauver les gens! Et de toutes les manières possibles. Bien sûr, Emmanuel Macron a, dans son allocution, évoqué «les plus précaires, les plus démunis, les personnes isolées (pour qui) nous ferons en sorte, avec les grandes associations, les collectivités locales et leurs services, qu’ils puissent être nourris, protégés, que les services que nous leur devons soient assurés». Propos louables en la circonstance. Mais l’appel à la solidarité citoyenne, importante, n’y suffira pas. Quant aux associations caritatives, privées de leurs bénévoles âgés, elles doivent fermer les accueils, réduire leurs aides: elles aussi appellent au secours. D’autant que la fermeture des restaurants et les mesures de confinement vont précariser davantage ceux qui se nourrissent d’invendus, quels qu’ils soient…

Des mairies progressistes montrent déjà l’exemple, distribuent des repas, viennent en aide à ceux qui vivent dans la rue et les bidonvilles, où ils courent le risque de contracter le Covid-19. Le gouvernement ne pourra se contenter de compter sur des associations à bout de souffle et des collectivités exsangues après des réductions monumentales de dotations de l’État. Gérald Darmanin, le ministre des Comptes publics, déclare: «On dépensera sans compter.» Même pour les oubliés? Même pour l’humain d’abord?

mercredi 18 mars 2020

« La baguette », le billet de Maurice Ulrich !



Premier jour. Il est sept heures. La boulangerie n’est qu’à cent mètres. D’ordinaire, quelques petits pas qu’on ne compte guère. Une cinquantaine de mètres sont relativement à couvert dans une rue étroite. Après, c’est une zone exposée. Il faut traverser l’avenue, s’aventurer sur la petite place en se forçant à marcher normalement, respirer doucement, se préparer à répondre tranquillement, sans laisser passer l’émotion. 

« Bonjour Monsieur, vous pouvez nous montrer votre attestation dérogatoire de déplacement, s’il vous plaît ? » La politesse dans ces cas-là semble toujours une menace…pour le moment, pas de police en vue. La boulangerie est toute proche. Plus que quelques mètres. Les jeunes boulangères se maîtrisent remarquablement. Les rayons sont garnis. 

Le pain est cuit et rien ne trahit l’angoisse. Il faut revenir maintenant. Ce sera plus facile. En cas de contrôle, la baguette rend les explications plus crédibles. Enfin, c’est fait. Porte fermée, il est sept heures dix. Plus que quinze heures avant la fin de la journée.

« Le jour d’après », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité de ce jour !



Le monde entier tourne au ralenti, la France vit désormais sous confinement. Cette « guerre sanitaire » va mettre tous les humains à l’épreuve. La première des solidarités consiste à respecter scrupuleusement les consignes des autorités sanitaires. Dans la panique générale, contre « le chacun pour sa peau », la fraternité peut jouer un rôle décisif. Alors que les plus riches se carapatent dans leurs îles privées, les plus fragiles, les plus précaires, sont les plus exposés. L’État doit garantir la sécurité de tous, qu’ils soient ouvriers à la chaîne, SDF, réfugiés ou caissières de supermarché. Ce n’est pas encore le cas. Et viendra le temps du bilan.

Il y a un an tout juste, démarrait le plus long mouvement social que l’hôpital ait connu. Des aides-soignantes, des médecins alertaient les pouvoirs publics sur le risque que faisait peser le manque de moyens sur notre système de santé. L’hôpital public, ce « joyau » que le monde entier nous jalousait, a été dilapidé. Aujourd’hui, un an plus tard, ces lanceurs d’alerte, gazés lors des manifestations, sont au front. Ils font face, quoi qu’il leur coûte, pour sauver des vies. « Ces héros en blouse blanche », comme les appelle à juste titre le président de la République, sauront se rappeler à son bon souvenir au moment voulu.

Emmanuel Macron a affirmé, lundi soir, que « le jour d’après ne serait pas un retour au jour d’avant », et promis de « tirer toutes les conséquences ». Il faudra le prendre au mot. Les crises ont cette vertu qu’elles obligent à des remises en question profondes. Ce sera de la responsabilité de la gauche et de tous les progressistes de remettre ce monde à l’endroit, une fois la crise sanitaire passée. En attendant, plus que jamais, face aux extraordinaires défis du moment at au risque d’une opacité des décisions publiques, notre rédaction fera tout son possible pour vous proposer une information rigoureuse et indépendante. Pour continuer de vous offrir chaque jour un peu d’Humanité.


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