Une soirée télé qui signe un échec
le 17 Novembre 2010
Il n’y a guère plus éclatant aveu d’échec que cette occupation massive des chaînes de télévision par Nicolas Sarkozy pendant la longue, trop longue soirée d’hier. Le discours présidentiel ne passe plus. Trop d’engagements reniés, de tromperies auxquelles des millions de gens modestes ont cru avant de découvrir l’ampleur de l’imposture, ont réduit à néant la confiance, ont avivé la crise politique. Ce serait faire injure au chef de l’État que d’imaginer que celui-ci n’a pas pris la mesure du discrédit. Quand on a épuisé tous les ressorts du storytelling, manière anglo-saxonne de dire qu’on vous raconte des histoires, il ne reste plus à ce président qu’à tenter la méthode du poing sur la table faute de pouvoir séduire et embobiner les Français.
Ceux-ci, du moins ceux qui ne font pas partie du club
des happy few du libéralisme, ont beaucoup appris en trois ans, parce qu’ils ont beaucoup souffert.
« La France qui se lève tôt » pensait légitime de « gagner plus », comme l’avait martelé le candidat Sarkozy pendant toute la campagne présidentielle. Cette même France a vu, ébahie, la création du bouclier fiscal pour les plus riches, l’exonération des heures supplémentaires qui ont fait perdre des milliards au budget et contribué à l’augmentation du chômage. La vraie nature du pouvoir façon Sarkozy n’a guère tardé à se révéler comme une machine à organiser une curieuse répartition des richesses… En faisant la poche des pauvres
pour rétribuer les riches.
L’annonce plusieurs mois auparavant DU remaniement, qui devait marquer en apothéose le dernier acte du quinquennat, faisait partie du dispositif de propagande et de diversion au même titre que l’ouverture de la chasse aux Roms, application pratique du « débat » sur « l’identité nationale ». Mais le scénario a été quelque peu perturbé par la levée en masse du monde du travail contre la remise en cause de la retraite à soixante ans, premier étage de la fusée contre le système solidaire légué le Conseil national de la Résistance et un siècle de lutte du mouvement ouvrier. La loi a été votée, honteusement, par une majorité parlementaire, en dépit de l’évident rejet des Français. L’UMP a imposé sa loi, mais les centristes, qui aujourd’hui font mine de se dresser contre l’humiliation qui leur est faite et plaident pour la restauration d’un second pilier de droite, qu’ont-ils fait sinon accompagner l’UMP dans sa charge contre les retraites ? Aujourd’hui sortis du gouvernement, Hervé Morin et Jean-Louis Borloo permettront à Nicolas Sarkozy de récupérer
des voix au second tour après un détour par le centre.
Comment faire passer un jeu de chaises musicales autour du même premier ministre pour un remaniement gouvernemental, face à des citoyens incrédules qui se battent pour les retraites, de meilleurs salaires, contre la casse des services publics ? L’équation que devait résoudre un président bousculé dans ses plans était hors de sa portée, quand neuf Français sur dix prévoient que le gouvernement fera la même politique et que Fillon III, avant même son premier Conseil des ministres, était rejeté par 64 % des citoyens ? Squatter les soirées télévisées des Français atteint vite ses limites. L’histoire fourmille d’exemples qui montrent que
la propagande d’État n’a jamais pu empêcher durablement les changements politiques.
Jean-Paul Piérot
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