De nombreux aliments nourrissent la révolte
Le gouvernement n’a pas cédé mais le mouvement n’a pas mis genou à terre. Les syndicats
vont devoir trouver les moyens de lui donner corps et visibilité sous d’autres formes.
Le ministre du Travail, Éric Woerth, espérait, au soir de la journée de mobilisation de jeudi, « une sortie de crise dans les jours ou les semaines qui viennent ». Il avait noté dans la journée « un ralentissement significatif de la mobilisation ». « Ralentissement », « essoufflement », « décélération », Éric Woerth avait commenté de ces mêmes termes chacune des journées d’action syndicale depuis le début septembre. Avec plus ou moins de prudence, les médias lui emboîtent le pas. La palme revenant sans surprise au Figaro qui titrait hier sur « les syndicats mis en échec ».
Le rêve thatchérien de nicolas Sarkozy
Sans doute le Figaro a-t-il pris pour réalité le rêve thatchérien de Nicolas Sarkozy : par son intransigeance absolue, briser les reins du mouvement syndical. Or ce n’est pas ce qui s’est passé. En pleines vacances, se privant pour l’essentiel des « bataillons » des enseignants et lycéens, au lendemain du vote de la loi et alors que le premier ministre avait cru fermer le ban en assénant que « la loi de la République doit être désormais acceptée par tous », les syndicats ont rassemblé plus de 2 millions de personnes ! C’est moins il est vrai que neuf jours auparavant. Mais depuis quand, en France, une manifestation de 2 millions de personnes passerait-elle pour un non-événement ?
Les huit organisations syndicales en tirent le même enseignement : une mobilisation « impressionnante ». Et aucune n’émet l’intention de tourner la page. « La retraite à 60 ans, c‘était un acquis, cela redevient une revendication », disait jeudi un manifestant marseillais à l’Humanité. Cela signifie d’abord que le vote de la loi n’enterre pas la question. Cela veut dire aussi que cette revendication, qui aujourd’hui s’adresse à la droite, peut demain s’adresser à la gauche si elle est au pouvoir. Que la gauche ait, dans sa totalité, accompagné le mouvement a fortement encouragé la mobilisation. Qu’elle soit incapable de répondre positivement avec ensemble à cette revendication est certainement un lourd handicap.
Pour une autre politique économique et sociale
Car si la page de la retraite n’est pas tournée pour le mouvement social, ce sujet qui l’a cristallisé n’est pas le seul aliment de la révolte. Depuis décembre 2008, les syndicats ont impulsé une action parce que « ce n’est pas aux salariés de payer la crise ». Dit autrement, ils ont porté l’exigence d’une autre politique économique et sociale pour le pays. La réforme des retraites a fédéré toutes les colères. Le gouvernement n’a pas cédé mais le mouvement n’a pas mis genou à terre. D’autres revendications, sociales (salaire, emploi, sécu) mais aussi celles qui tiennent au respect de la volonté populaire peuvent-elles à leur tour cristalliser la révolte ? Les syndicats à l’heure où la grève reconductible semble devoir laisser la place à d’autres formes, trouveront-ils les moyens de donner corps et visibilité au mouvement qui s’est ancré dans les entreprises et les territoires ? Ce pourrait être les questions des jours qui viennent. La réunion intersyndicale du 4 novembre et les manifestations de samedi prochain pourraient fournir de premières réponses.
Olivier Mayer
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