LE BLOG DES COMMUNISTES DE ROMAINVILLE

lundi 29 novembre 2010

Conseil général de la Seine-Saint-Denis : Pourquoi les partenariats publics-privés sont-ils dangereux pour le système éducatif ?

Nous publions cette contribution parue dans la rubrique TRIBUNES ET IDEES de "l'Humanité" de ce jour.Financement des collèges : le désengagement de l'Etat signée de Guy TRÉSALLET (FSU 93), MICHEL HERVIEU (FCPE 93) FRANÇOIS DUKAN (FSU 93) CLÉMENT DIRSON (SNES) CATHERINE MANCIAUX (SNUPDEN) SERGE RETCHEISS (SNUIPP) MARIE-FRANÇOISE DAUPRAT (UNATOS) ET RÉMY ADELL (SDU-CLIAS)

Le 17 octobre, l’assemblée départementale de la Seine-Saint-Denis a voté un plan exceptionnel d’investissement pour les collèges, mais près de la moitié (construction de 6 nouveaux collèges et 5 reconstructions) est envisagée en partenariat public-privé, pour 324 millions d’euros.
Ce contrat de partenariat, lancé par le gouvernement Raffarin en juin 2004 dans une logique de désengagement de l’Etat et d’ouverture au privé, vise, selon les termes mêmes du conseil général, « à confier à un tiers une mission globale ayant pour objet le financement, la construction, l’entretien et la maintenance des équipements… La rémunération de l’entreprise fait l’objet du paiement d’un loyer pendant toute la durée du contrat, à partir de la livraison du collège ».
Depuis 2004, on recense 396 projets déposés dans des domaines très différents (équipements urbains, TIC, construction de prisons…) Très peu de collectivités avaient eu recours à ce financement pour les collèges, mais depuis 2009, le phénomène s’accélère, 11 départements l’envisagent à ce jour !
On craint que le conseil général n’ait raison quand il explique qu’avec ces projets, « c’est le visage de la Seine-Saint-Denis qui peut changer ».
Le propriétaire, pour rentabiliser son investissement, pourra être amené à louer ses équipements : gymnase à des associations, salles pour activités diverses, restaurant scolaire…tout cela (on peut l’espérer) hors temps scolaire. Comment feront l’agent d’accueil, qui « doit » 1743 heures annuelles, et l’équipe de cuisine, dans ces conditions d’ouverture élargie ? Une seule solution, recourir à l’embauche, et certainement pas dans le cadre de la fonction publique. Ce qui est annoncé, c’est clairement la fin du recours aux fonctionnaires et la dégradation du service public.
Comment apporter du crédit aux « engagements » pris sur le maintien des personnels et de leurs missions ? De quel poids pourra bien peser le Conseil général dans des négociations face à des groupes financiers dont les seules motivations sont celles du profit, alors qu’il n’a pu boucler le budget 2010 (il manquait 75 millions d’euros) ? D’autant qu’il y aura obligatoirement des pressions du propriétaire sur le collège, chargé de l’entretien courant. Face à un propriétaire privé, quelles latitudes pour les chefs d’établissement, les gestionnaires ?
Les enseignants EPS ont déjà des difficultés à gérer l’occupation des salles (toujours insuffisantes) de sport. Quel sera leur poids pour réclamer des créneaux horaires au nom de la pédagogie et de l’intérêt des élèves, face à un propriétaire décidé à louer les équipements pour cause de rentabilité, surtout lorsque son représentant sera présent au conseil d’administration ?
De grands groupes feraient passer la qualité d’un service public avant la recherche de leur profit ? Comment s’assurer des règles d’utilisation des bâtiments hors temps scolaire, de la qualité du bâti et du sérieux des travaux d’entretien quand l’entreprise n’est propriétaire des murs que pendant une vingtaine d’années ?
En février 2008, Philippe Séguin, président de la Cour des comptes, dénonçait ces projets « qui consistent à aller chercher des tiers financeurs et à bâtir des usines à gaz, en oubliant que celui qui emprunte pour le compte de l’Etat le fait à un coup plus élevé ». Pour exemple, le centre des archives diplomatiques des affaires étrangères, à La Courneuve : L’autorisation d’occupation temporaire du domaine public, consentie à Icade, se traduit par 41% de surcoût à la charge du contribuable. »
Même critique de la part de l’ordre national des architectes : « Procédure très onéreuse en raison de la limitation drastique de la concurrence de milliers d’entreprises à trois ou quatre majors, toujours les mêmes, qui se partagent les marchés, avec des risques réels d’entente et de collusion. » Les artisans et les PME, privés de l’accès à la commande, sont, au mieux, soumis à une sous-traitance sauvage. Les seuls frais de procédure pour mettre au point des contrats aussi complexes dépassent pour certains marchés le million d’euros.
Les taux d’emprunt pourraient être de 9% en partenariats publics-privés, contre 2% pour des emprunts « classiques ». Qui va payer les frais des surcoûts ? Quelle autre solution que de rogner sur les dotations de fonctionnement de tous les collèges du département et de pénaliser l’ensemble des collégiens ?
Comme d’autres départements, la Seine-Saint-Denis a certes grand besoin de poursuivre les investissements en matière de collèges, en particulier pour lutter contre les inégalités. Mais d’autres choix sont possibles plutôt que l’abandon du service public au privé.

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