Jean-Pierre Dubois " Sortir d'urgence du système monarchique "
Vous avez alerté à de nombreuses reprises sur les dangers du système de « monarchie élective ». Pensez-vous que l’élection de François Hollande peut modifier cette concentration des pouvoirs ?
Jean-Pierre Dubois. Durant sa campagne, François Hollande a fait une série de propositions qui vont dans le bon sens, comme le droit de vote des étrangers aux élections locales, la règle du non-cumul des mandats… Mais il n’a pas remis en cause le principal problème des institutions actuelles, c’est-à-dire leur caractère monarchique. L’élection présidentielle, considérée comme la plus importante, est plus motivée par des choix de personnes que par des projets. Je m’inquiète d’entendre aujourd’hui le PS invoquer la nécessité d’une « majorité pour le président ». C’est un piège qui pousse à faire croire aux citoyens que l’essentiel est de choisir une personne, alors que c’est maintenant, avec les législatives, que les Français vont choisir la nature des politiques qui vont être menées. L’Assemblée ne doit pas être une chambre d’enregistrement des volontés du président de la République. Il ne faut surtout pas que les socialistes aient à eux seuls la majorité absolue au Parlement, y compris pour eux-mêmes. La gauche a manqué le rendez-vous de la refondation de la République en 1981, en partie pour ces raisons.
Vous avez beaucoup contribué au débat sur la nécessité d’une VIe République. Qu’attendez-vous de la nouvelle majorité en la matière ?
Jean-Pierre Dubois. Je ne pense pas que M. Hollande s’engage dans cette direction, dès lors qu’il ne se l’est pas appropriée durant la campagne, en dépit de ses objectifs affichés en matière de « République exemplaire ». Pour l’instant, il n’est pas question de réforme profonde des institutions. La Ve République a piégé la gauche. On a persuadé les Français que choisir le président constituait un pouvoir extraordinaire, et après ? La logique des carrières, du pouvoir, a conduit à accepter la monarchie élective. Pourtant, la gauche ne pourra reprendre une dynamique démocratique que si elle dépasse cela, si elle donne des gages aux Français qui se sentent dépossédés du pouvoir réel. La « monarchie républicaine » qui fait tout espérer d’un homme conduit forcément à la désillusion et au « tous pourris ». Pendant cinq ans, le président fait ce qu’il veut sans aucun contrôle. À la fin le peuple dit s’il est content ou pas. Cela ressemble plus à de la télé-réalité qu’à la démocratie. Il n’y aura pas de transformation sociale sans dynamique démocratique nouvelle. Le PS, parti du président, n’en prendra sans doute pas l’initiative, c’est aux citoyens de forcer le passage.
Quelles mesures concrètes le nouveau gouvernement pourrait-il prendre dès aujourd’hui ?
Jean-Pierre Dubois. Je fais crédit à M. Hollande de sa volonté de sortir de l’hyperprésidentialisme. Il a dit qu’il comptait modifier le mode de scrutin, qui déforme la représentation nationale, en introduisant une dose de proportionnelle. Il s’est aussi engagé à réformer le Conseil supérieur de la magistrature pour garantir l’indépendance du parquet, mais aussi la désignation des responsables de chaînes publiques par une autorité indépendante. Ce serait déjà un énorme progrès. Si on ne peut pas changer tout de suite la Constitution, on peut au moins, grâce à un rapport de forces politique, faire en sorte que soient entreprises une série de réformes pour démocratiser les institutions.
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