Les bouches s'ouvrent, et l'horizon s'assombrit
Depuis son installation le nouveau gouvernement a fait ce qu’on peut appeler le service minimum. Citons les quelques mesures symboliques, comme la baisse des salaires des ministres, la fin des parachutes dorés pour les dirigeants de grandes entreprises publiques comme Air France, le dialogue renoué avec les partenaires sociaux. Toutes dispositions que nous saluons. Pour le reste, il ne fallait pas trop en dire. La prudence dans les propos des ministres était de mise. Il fallait patienter et attendre l’été avec la tenue de la conférence sociale. Oui, mais les bouches commencent à s’ouvrir. Ainsi le ministre des finances, Pierre Moscovici a estimé dimanche que la question d’une sortie de la Grèce de la zone euro « se posera sans doute », si le pays revient sur ses engagements à l’austérité pris auprès de l’UE et du FMI en cas d’arrivée au pouvoir de la gauche radicale.
Ces propos sont d’une extrême gravité. C’est d’abord une ingérence dans la vie démocratique de la Grèce. Au nom de quoi un ministre français pourrait s’arroger le droit de dire au peuple grec : « Ne votez pas pour « Syriza » parce que cette formation veut annuler le mémorandum imposant à la Grèce des mesures de rigueur ». Il va jusqu’à donner sa préférence indiquant : « Il serait hautement préférable que sorte des élections grecques un gouvernement qui soit pro-européen et pro-euro ». Autrement dit une alliance entre la droite et le parti socialiste. Sauf que le parti Syriza ne propose ni de sortir de l’UE ni de l’euro.
Il est donc urgent que le gouvernement français s’engage à respecter les résultats des élections en Grèce
Par ailleurs, et chacun(e) peut le constater les plans d’austérité conduisent à la récession, en Grèce certes, mais dans toute l’Europe. En s’en faisant le chantre, Pierre Moscovici admet du même coup que notre pays ne passerait pas au travers. Il valide ainsi le pacte budgétaire Sarkozy-Merkel, que le président de la République dit vouloir renégocier. Les propos de son ministre des finances videraient-ils de leur sens une telle annonce ?
On pourrait le croire, en écoutant ce que disait ce dimanche Claude Bartolone au grand rendez-vous d’Europe1. Passons sur son silence sur la droite et l’extrême droite. Passons sur la conception hégémonique et dominatrice qui est la sienne en matière de rassemblement de la gauche. Il souhaite qu’il se réalise, mais à condition que ses alliés soient dociles et soumis, tout juste bons à faire l’appoint pour élire des socialistes, au second tour des élections. Nous en savons quelque chose en Seine Saint Denis.
Partant de l’idée que la logique du quinquennat, accorde la primauté à l’élection présidentielle, il déclare qu’il serait donc logique, puisque François Hollande a été élu président de la République, que le PS ait la majorité absolue à l’assemblée nationale, sans Europe Écologie les Verts, et cela va sans dire, sans le Front de gauche.
On en est à se demander après une telle démonstration comment François Hollande a pu être élu, après avoir obtenu 28% des voix au premier tour. Pour justifier cette majorité absolue au seul PS, Claude Bartolone prend l’exemple de l’Europe. Ses propos sont assez hallucinants. Il nous dit à propos de cette renégociation du traité : « S’il devait y avoir le sentiment, chaque matin, le doute de savoir ce que sera la reprise par l’assemblée nationale des propos de François hollande, ça ne fonctionnera pas ».
Autrement dit, pour fonctionner, l’assemblée nationale doit être une « assemblée godillot » répondant au doigt et à l’œil au Président. Nous sommes au regret de constater que Claude Bartolone s’est totalement installé dans une dérive monarchique que nous dénoncions récemment sur ce blog.
Que le PS souhaite avoir les mains entièrement libres sur l’Europe est d’autant plus inquiétant, que nous avons encore en mémoire le passage en force de Sarkozy sur la constitution européenne avec la complicité du PS et plus récemment son abstention qui a permis à la droite de faire adopter le mécanisme européen de stabilité (MES). Ce n’est pas ce qu’attendent les françaises et les français qui ont voté pour chasser Sarkozy. Ils veulent que le changement promis devienne concret et qu’il réussisse. Ils ne veulent pas des « efforts partagés » qu’on leur promet tous les jours, ils veulent un partage des richesses. Il s veulent que leur vote leur apporte du bien être, une vie meilleure maintenant. C’est le nombre de député-e-s du Front de gauche qui leur apportent cette garantie.
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