LE BLOG DES COMMUNISTES DE ROMAINVILLE

dimanche 16 octobre 2011

Pierre Laurent : "Montebourg, le jeune lion qui finit par miauler"

Nous publions une interview de Pierre Laurent parue dans le JDD.Chef du Parti communiste français depuis juin 2010, Pierre Laurent nous reçoit dans son spacieux bureau de la place du Colonel Fabien pour l’entretien de la semaine du JDD.fr. Allié à Jean-Luc Mélenchon au sein du Front de gauche, Pierre Laurent revient sur la primaire socialiste, les différences entre Aubry et Hollande, et expose ses solutions face à la crise. Le secrétaire national du PCF se montre optimiste pour l’avenir de son champion et de ses idées défendues pour la présidentielle.

Arnaud Montebourg a annoncé qu’il votera François Hollande au second tour de la primaire socialiste. Est-ce un choix cohérent ?
"C’est un choix qui doit surprendre beaucoup de ceux qui ont voté pour lui au premier tour. On le présentait comme le jeune lion qui rugissait très fort, il finit en miaulant très doucement. A ceux qui ont voté Montebourg au premier tour, je leur dis : le seul programme qui reste fidèle à ce que vous avez essayé de dire, c’est celui du Front de gauche. Nous leur tendons la main. Son bon résultat au premier tour, alors qu’il défendait des thèmes proches des vôtres, est-il un signe positif pour vous?Les idées portées par le Front de gauche commencent à rayonner très au-delà de notre électorat et sont en voie d’être majoritaires dans la gauche et le pays. Mettre un coup d’arrêt au pouvoir des marchés financiers est une idée très rassembleuse".
Vous aviez déclaré que la primaire n’était pas "l’exercice démocratique que l’on prétend". Dimanche dernier, il y a eu 2,5 millions de votants. N’est-ce pas un signe de vitalité démocratique ?
"Il faut rendre hommage aux gens qui se sont déplacés. Ils marquent leur volonté de se mêler au débat politique et c’est toujours mieux que de se tenir à distance. Reste l’inconvénient originel de la primaire : nourrir un présidentialisme néfaste pour la vie démocratique".
En termes de projet, voyez-vous une différence entre celui de François Hollande et de Martine Aubry ?
"Nous avons entendu une Martine Aubry combative qui dit vouloir se distinguer de la stratégie de rigueur totalement assumée par François Hollande. Mais les mesures qu’elle annonce sont insuffisantes. Ses intentions sont louables mais les moyens ne sont pas au rendez-vous".
Vous semblez quand même avoir une préférence pour Martine Aubry.
"Je n’ai pas dit cela. Je n’ai pas été voté au premier tour, je n’irai pas voter au deuxième et je ne donnerai pas de consigne de vote".
A la Fête de l’Humanité, où François Hollande n’était pas venu, vous aviez lancé aux socialistes présents : "soyez de gauche"…
"Au PS et à Europe Ecologie - les Verts, ils ne sont pas tous de gauche au sens où moi je l’entends. Sur des questions qui sont à nos yeux décisives pour sortir de la crise - l’augmentation des salaires, la reprise du contrôle public des banques, l’interdiction des licenciements boursiers - il y a une timidité persistante du projet socialiste. L’objectif de rupture avec les logiques financières est le seul moyen de sortir de la crise. Avez-vous entendu des propositions de Martine Aubry ou de François Hollande incompatibles avec le programme du Front de gauche porté par Jean-Luc Mélenchon? Le retour à un déficit public zéro tel que l’a annoncé François Hollande ne me paraît pas compatible avec la relance d’une véritable politique de gauche. Le seul désendettement sain est celui qui s’appuiera sur la relance sociale et sur la mise à contribution forte des revenus du capital et des revenus financiers. Pour EELV, la sortie du nucléaire est un point non négociable pour un accord gouvernemental avec le PS".
Quels sont vos limites à une éventuelle participation dans l'éxecutif ?
"Nous ne pourrons pas participer à un gouvernement qui mènerait des politiques d’austérité violente. Nous ne participerons pas à un gouvernement à la Zapatero [Premier ministre espagnol, Ndlr] ou à la Papandreou [Premier ministre grec, Ndlr]. Nous travaillons à ce que les conditions soient réunies pour qu’une majorité de gauche mène une autre politique que celles-ci".
Le Front de gauche pourra-t-il gouverner avec le PS en 2012 ?
"Nous sommes très loin de cette question-là. Le vrai débat à gauche commence maintenant. Les rapports de force ne sont pas figés. Il n’est pas temps de faire des compromis entre états-majors. Il faut se tourner vers les citoyens en leur demandant : vous qui voulez le retour de la gauche au pouvoir, souhaitez-vous la retraite à 60 ans à taux plein? Nous disons oui! L’inscription de la règle d’or d’une manière ou d’une autre dans les budgets de la France ? C'est non. Le contrôle des politiques publiques françaises par la Commission européenne ? Non plus.
Parmi vos propositions pour lutter contre la crise se trouve "le contrôle social des banques". Qu’est-ce que c’est ?
"Il faut une prise de contrôle des banques et pas seulement que l’Etat ait quelques strapontins dans les conseils d’administration, comme je l’ai entendu lors du dernier débat entre François Hollande et Martine Aubry. Il faut recréer un très grand pôle public bancaire en nationalisant des banques et en les joignant à des outils qui existent comme la caisse des dépôts pour financer le développement social et écologique. Deuxième chose : la France doit demander le changement du statut et du rôle de la Banque centrale européenne. Il est invraisemblable que l’Europe se prive de son pouvoir de création monétaire".
L’accord mercredi des pays de la zone euro sur le renforcement du Fonds européen de stabilité financière(FESF, pouvant participer au sauvetage des banques et prêter aux États en difficulté), est-il une bonne nouvelle ?
"Non, puisque ce Fonds ne peut être utilisé aujourd’hui qu’à la condition de mener des politiques d’austérité et que cet argent aille aux banques. La France n’a pas voté un plan d’aide à la Grèce mais un plan d’aide aux créanciers de la Grèce. Le peuple, lui, ne verra pas un centime de cet argent".
Dans sa lettre de réponse à Arnaud Montebourg, Jean-Luc Mélenchon propose un protectionnisme européen… Reprenez-vous à votre compte le mot "protectionnisme" ?
"Les mots sont piégés puisqu’ils sont utilisés à tort et à travers. L’important est de les définir. Je suis pour des protections sociales et environnementales qui luttent contre les pratiques de dumping. Il faut développer les échanges avec tout le monde, mais des échanges équilibrés. Nous sommes pour des critères qui permettent aux uns et aux autres de converger vers le haut.
Vous êtes donc contre la "démondialisation"?
"La fermeture des frontières ne réglera pas le problème. Il faut organiser différemment les échanges et pour cela, il faut protéger tous les salariés, y compris des pays émergents, contre les pratiques qui les mettent en concurrence permanente"
Vous critiquez la personnalisation de la vie politique. N’est-ce pas ce qui arrive au Front de gauche ?
"Je ne trouve pas. La seule force qui s’engage dans la campagne présidentielle en revendiquant le collectif, c’est précisément le Front de gauche".
Au PCF, certains disent que "vous êtes un inconnu qui gagne à être connu". Êtes-vous satisfait du rôle que vous jouez dans la campagne ?
"Mon objectif dans la vie n’est pas d’être plus ou moins connu. Cela dit, je ne suis pas l’inconnu que vous semblez décrire. Notre fonctionnement collectif répond à nos ambitions de départ".
Jean-Luc Mélenchon semble avoir une attitude plus ronde. Le lui avez-vous demandé ?
"C’est important d’incarner le rassemblement tout en montrant sa détermination, son courage, sa ténacité. Il faut montrer ces deux visages".
Quel est votre objectif pour l’élection présidentielle ?
"Je ne veux pas faire de pronostics. Mon objectif est d’être le plus haut possible pour affaiblir la position de Nicolas Sarkozy, de le battre, et de créer un rassemblement à gauche sur des bases combatives".
Comment voyez-vous l’espace politique dont vous disposez, avec le NPA qui a du mal à recueillir ses parrainages et Montebourg qui a fait campagne sur des thèmes proches des vôtres ?
"Notre espace est ouvert pour progresser. Le projet du Front de gauche est en adéquation avec ce que pensent beaucoup de personnes. Nous l’avons senti à la Fête de l’Humanité et dans d’autres initiatives. Un mois après la sortie de notre programme [L’humain d’abord, Ndlr], 150.000 exemplaires ont été diffusés. Cela signifie qu’il se passe quelque chose".
Vous balayez les critiques négatives sur l’état actuel du Parti communiste tout en insistant sur la volonté de le rénover et de le relancer. N’est-ce pas paradoxal ?
"Le parti communiste a un potentiel militant important. Les partis qui, en France, disposent d’un tel réseau et de deux groupes parlementaires se comptent sur les doigts de la main. Mon ambition est de redevenir une force de premier plan dans la gauche et dans le pays. Je sais que nous avons des énormes efforts à faire de transformation, de clarification et de mise en cohérence de notre projet politique. L’exigence et la lucidité ne sont pas contradictoires".

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