Retraites : Le Parti socialiste affiche ses contradictions idéologiques
"Il est bon d'être crédible lorsqu'on s'approche de la présidentielle" assure Marisol Touraine, en charge des retraites au PS et proche de Strauss-Kahn. Est-ce en allant à l'encontre de ce que porte le mouvement social qu'on devient crédible ? Au PS, poser la question ne suffit visiblement pas à y répondre. Le point sur les débats en cours.
C'est en plein coeur du conflit sur les retraites que, paradoxalement en termes d'image politique, le Parti Socialiste affiche ses contradictions idéologiques. L'impopularité du président de la République et du gouvernement, l'ampleur de la mobilisation, intacte après six journées de grèves et de manifestations successives depuis la rentrée (fait inédit dans l'histoire des mouvements sociaux en cette période de l'année), devraient pousser le principal parti de l'opposition de gauche à coller au maximum de ce que l'on appelle la "rue" : les salariés en fait, mobilisés déjà depuis le printemps dernier contre la réforme des retraites, rejoints aujourd'hui par les lycéens et les étudiants qui se font eux aussi plus nombreux et plus actifs à mesure que se multiplient les journées d'action. Or, c'est en plein coeur de ce mouvement dont toutes les enquêtes montrent qu'il va bien au delà de la réforme en cours, que la toute première dirigeante de ce parti, Martine Aubry, choisit d'afficher une position qui a fait (et fait encore) grincer beaucoup de dents...Sur France 2, le 14 octobre dernier, elle se prononce pour un maintien de l'âge légal de départ à la retraite à 60 ans, et pour un rallongement de la durée de cotisation à 41,5 ans voire 42 ans. Autrement dit, les 60 ans deviennent une barrière symbolique puisque la plupart des salariés n'auront jamais atteint 42 années de cotisation à 60 ans. Par cette "nuance", elle semble aligner la position du PS sur celle des libéraux qui depuis des années essaient de nous faire avaler qu'il est nécessaire de travailler plus longtemps pour préserver le système de retraite par répartition. Il ne s'agit pas d'une erreur de communication ou d'un dérapage. Cette position du PS n'est pas nouvelle et ne vient pas surgir comme une sorte de compromis dans une situation bloquée. En début d'année, Martine Aubry avait déjà fait grincer des dents au sein de la gauche en levant le "tabou" de la retraite à 6O ans. Mais si ce tabou est à nouveau ouvertement levé sur un plateau de télévision à un moment où les salariés défilent par millions dans les rues et sont donc particulièrement attentifs aux prises de position sur ce dossier, la perspective de l'élection présidentielle et le bras de fer que se livrent plus ou moins directement les éléphants présidentiables n'y sont pas étrangers...Les tenants de l'aile droite et du social-libéralisme au sein de la direction, discrets en cette période de mouvements sociaux, n'en font pas moins pression. Le premier d'entre eux, directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, dirige donc une organisation internationale qui vient de remettre un rapport favorable à la réforme des retraites en France. Certains de ses soutiens au sein du PS le pousseraient à se prononcer rapidement sur son éventuel retour en France, forts de sondages le plaçant comme le meilleur candidat pour battre Sarkozy...Le rapport du FMI sur les retraites et ses recettes "anti crise" en Grèce et dans les pays Baltes devraient pourtant donner à réfléchir. Ainsi, si DSK réalise l'exploit d'être bien placé pour battre le président le plus impopulaire de la Vème République, ce n'est donc pas sur le fond, c'est à dire sur la nature de l'alternative politique que devra porter la gauche si elle revient au pouvoir. Le fond semble en revanche davantage préoccuper la gauche du PS. Benoît Hamon, a délicatement invité la première secrétaire, Martine Aubry, à tenir compte du mouvement social pour revoir la position des socialistes sur l'allongement de la durée de cotisation. Dans le sillage du porte-parole la gauche du PS, d'Henri Emmanuelli à Pascal Cherki, dénonce une faute politique de la première secrétaire et réclame un recadrage de la position du parti. Manuel Valls, dans le camp opposé puisqu'il redoute une "mélenchonisation du PS", réclame lui aussi de la clarté : "Les socialistes doivent être clairs. Nous ne reviendrons pas à la retraite à 60 ans de type 1981" assène-t-il dans les colonnes du "Figaro". Mieux encore, dans le même quotidien, Marisol Touraine, chargée des retraites au PS et proche de Dominique Strauss-Kahn, livre l'enjeu de ce bras de fer dans le parti : "Il est bon d'être crédible lorsqu'on s'approche de l'élection présidentielle, ne pas être uniquement dans la posture de contestation". Bref, ce bras de fer, nouveau seuil annonçant le débat des primaires socialistes, semble résumer presque à lui seul les contradictions idéologiques d'un Parti socialiste dont la direction n'a décidément pas encore tourné la page de la social-démocratie européenne...
Diégo Chauvet
Article paru dans "l'Humanité Dimanche" du 28 octobre 2010
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