L'Elysée, hanté par l'entrée en lutte de la jeunesse, crie au populisme
Incapable de contester l’ampleur grandissante des mobilisations, la droite dénie aux jeunes le droit de manifester contre une réforme qui, entre autres, pénalisera l’emploi.
Populisme ? Au lendemain d’une journée de grèves et de manifestations de grande ampleur, la droite s’essaie à la contre-attaque. La veille, elle avait été sonnée par la rue. Hier, obsédée par sa tentation démagogique développée au cours de l’été, en particulier avec l’affaire des Roms, elle développe une accusation de cour de récréation à l’encontre des syndicats et des partis politiques de gauche : relayer le mouvement populaire dans son rejet de la réforme des retraites serait tout simplement « populiste ».
Mardi soir, sur RTL, Yvan Rioufol, porte-parole de l’ultradroite et chroniqueur au Figaro, avait vendu la mèche sur la conception de la droite du droit à manifester : constatant la force du mouvement populaire, il y voit un danger « pour la démocratie », une « dictature de la rue ». « Nous ne sommes pas un pays dirigé par la CGT, nous ne sommes pas un pays dirigé par des comités d’étudiants et de salariés ou de syndicalistes », a éructé Thierry Mariani (UMP), rapporteur général de la commission des Finances du Sénat. L’outrance est à mettre sur le compte du dépit face à un constat politique d’échec. Discréditer la légitimité du droit de grève et de manifestation semble désormais le dernier recours. Ainsi s’explique l’acharnement à mettre en doute la capacité de la jeunesse à contester la réforme.
Car le sarkozysme a désormais une hantise : l’entrée en lutte massive de jeunes qui cumulent les inquiétudes sur l’échec scolaire, la formation et le chômage, quand est demandé aux plus anciens de continuer à travailler jusqu’à 67 ans. Lors des questions d’actualité à l’Assemblée nationale, Jean-François Copé est lui-même monté au créneau. Il a dénoncé une gauche qui « instrumentalise » et « l’irresponsabilité » du PS. Aussitôt suivi par le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, qui a focalisé sur les incidents enregistrés au moment de la dispersion des rassemblements. Pour se contredire dans la même foulée en annonçant seulement 45 mises en examen pour quelque 3,5 millions de manifestants. À croire que si les rares débordements n’avaient pas réellement existé, il les aurait inventés. Ou suscités ? La palme du mépris revient à Thierry Mariani. « Il y a un côté festif, il faisait tellement beau mardi, c’était une tellement belle journée d’automne... »
La contre-attaque avait été peaufinée dès mardi soir dans le bureau du président de la République en présence de quelques ministres affidés. Lesquels ont été en outre investis d’une mission : décider leurs collègues à mettre leurs doutes dans la poche et à monter au front médiatique. Sur le fond, l’Élysée n’a pas à l’évidence l’intention de manœuvrer en recul dans l’immédiat et attend la mobilisation de samedi et son éventuelle poursuite après le prochain week-end. Nicolas Sarkozy, en Conseil des ministres, a donné le ton : « Ce n’est pas la protestation de la rue qui fait qu’on doit revenir sur une réforme qui est indispensable », aurait-il déclaré. Ajoutant : « Quelles que soient les difficultés de mise en œuvre d’une réforme aussi importante, le gouvernement doit, dans l’intérêt général, poursuivre avec détermination et sang-froid. » Intérêt général ou tentation totalitaire quand 71 % des Français contestent la réforme ?
Dominique Bègles
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