Dans l'Humanité de ce jour : " les dessous chics" par Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon
Le 22 février 1984, Antenne 2 diffuse une
émission surprenante par sa violence idéologique. Son objectif est de
faire comprendre que les services publics, les protections sociales et l’État redistributeur
des richesses, c’est ter-mi-né ! Christine Ockrent annonce au journal
télévisé de 20 heures qu’un Conseil des ministres exceptionnel a pris des
mesures d’urgence, dont la baisse de 20% des allocations des chômeurs ou l’établissement
d’une liste de médicaments qui ne seront plus remboursés. Le téléspectateur est
sous le choc : ces mesures sont en conformité avec le tournant libéral
pris sous le masque de la « rigueur » et de la « désinflation
compétitive » par le gouvernement socialiste depuis 1983.
Yves Montand apparaît et annonce que « ce flash est faux. Vous
avez eu peur, et c’est normal car vous vous y attendiez ! » Selon lui
la France connaît aujourd’hui « une véritable mutation » et
doit rentrer « dans un monde nouveau ». Il se charge donc avec
enthousiasme et cynisme d’expliquer les raisons de la crise de manière « aussi
passionnante qu’un film ».
Yves Montand montre, reportages à l’appui, que les privilèges des
Français sont tellement intégrés dans la vie quotidienne qu’ils paraissent « naturels ».
Après la demande d’un treizième mois de salaire, d’un quatorzième, et pourquoi
pas d’un dix-septième : toujours plus ! Or ces privilèges, « c’est
fini ! » proclame avec vigueur Yves Montand. Michel Albert est aussi
présent. C’est un oligarque comme les aime le libéralisme avec des fonctions
dans la finance combinée avec du pouvoir dans les institutions européenne et
dans les médias et enfin au cœur de l’État avec la responsabilité de la
planification dans le développement de l’économie. Il n’hésite pas à parler « d’un
retournement historique, l’Europe commençant à glisser vers le
sous-développement ». Il menacera même l’Europe, si les mesures ne sont
pas prises, « de devenir une sorte d’Afghanistan » !
Les experts libéraux de droite comme de gauche, assumant désormais la
liberté totale des mouvements du capital, ponctuent de leur savoir cette
émission, comme Denis Kessler diplômé d’HEC et futur numéro deux du Medef, ou
Alain Minc, inspecteur des finances après être sorti de sa promotion de l’ENA,
qui était en 1984, directeur de la compagnie Saint-Gobain. Ce dernier
personnage est emblématique de ces libéraux qui peuvent conseiller les Présidents
de la République de la gauche libérale ou de la droite extrême : François
Mitterrand et Nicolas Sarkozy. La conclusion d’Yves Montand : « Notre
bateau tangue. Il menace de couler. Que le gouvernement soit de droite ou de
gauche, on ne peut plus gouverner ce bateau. Les recettes politiques ne
marchent plus. Toutes les issues sont bloquées. Les idéologies, c’est de la
blague, çà ne sert plus à rien. » Yves Montand présente en apothéose une
rencontre idyllique entre Reagan et Thatcher, certainement dépourvus de toute
idéologie, et un reportage fiction dans lequel les ouvriers d’une entreprise
préfèrent se mettre à temps partiel avec un demi-salaire plutôt que d’être
confrontés au chômage.
L’histoire bégaie. Les spéculateurs ont mis en péril la finance
mondiale. Les travailleurs devront payer les pots cassés. Après Thatcher, ils
ont Blair. Après Sarkozy nous avons Hollande. Il va falloir que l’histoire
parle clair.
Cet
article est paru dans l’Humanité de ce jour. À un moment où son existence est
menacée, nous avons voulu souligner l’importance de la présence, chaque jour,
du journal de Jean Jaurès. Comme l’écrit Edmonde Charles-Roux, écrivaine,
Présidente d’honneur des Amis de l’Humanité : « La disparition de l’Humanité
serait un grand malheur » et Marcel Trillat d’ajouter: « Tant
que l’Huma est là, il y a de l’espoir ».
Telles
sont les raisons pour lesquelles, nous vous invitons à agir vite en participant
à la souscription exceptionnelle pour
sauver l’Humanité. "Laisser disparaître ce journal aujourd’hui, ce serait comme se
mettre un bâillon sur la bouche" !
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