LE BLOG DES COMMUNISTES DE ROMAINVILLE

mercredi 9 janvier 2019

MATIGNON. PHILIPPE S’INSPIRE DE LA DROITE POUR DÉFAIRE LE DROIT DE MANIFESTER (OLIVIER MORIN)


Les mesures annoncées par le chef du gouvernement lundi soir, déjà en germe dans une proposition de loi adoptée au Sénat, font craindre une remise en cause de la liberté de manifestation et d’opinion.
Une main de fer dans un gant d’acier. C’est la réponse du premier ministre aux aspirations populaires qui s’expriment largement dans le pays, avec colère ou non, allant jusqu’à mettre en péril le droit de manifester. En annonçant, lundi soir sur TF1, une future loi durcissant les sanctions contre les casseurs et les manifestations non déclarées, l’exécutif compte augmenter encore le pouvoir des préfets en les autorisant notamment à prononcer des interdictions de manifester contre de potentiels auteurs de troubles. Les représentants de l’État pourront même obliger ces derniers à pointer dans les commissariats ou les gendarmeries. Un fichage qui inquiète au plus haut point la Ligue des droits de l’homme (LDH). Son président, Malik Salemkour, dénonce « une surenchère sécuritaire et une fuite en avant du gouvernement ». Pour lui, ces mesures visent à confondre les casseurs et les opposants politiques, et menacent directement la liberté de manifester, mais aussi la liberté d’opinion. « Et pas seulement de quelques-uns, mais de tous. » Sans compter qu’en renforçant les pouvoirs des préfets, c’est bel et bien une « police administrative », voire une « police politique » qui s’exercerait. D’autant que si l’État veut stopper les manifestations, « il ferait mieux de répondre d’abord aux demandes sociales qui s’y expriment », juge Malik Salemkour, qui ajoute que, même sans « loi anti-casseurs », les pouvoirs publics disposent déjà de l’arsenal nécessaire pour appréhender les éventuels participants violents.
Ficher les « casseurs potentiels »
Le premier ministre et ses services s’appuient sur des mesures prises il y a plus de dix ans contre le hooliganisme. En août 2007, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie avait alors pris un arrêté visant à créer un Fichier national des interdits de stade (Fnis). Une liste où sont notamment consignés l’identité, l’adresse, le nom du club de supporters et la photographie des personnes concernées, ainsi que les raisons de l’interdiction. Lors de l’Euro de football organisé neuf ans plus tard par la France, un palier est encore franchi puisqu’une loi permet alors aux clubs de refuser dans les stades des personnes qui ne sont même pas inscrites au Fnis. C’est sur cette notion de « casseurs potentiels » qu’Édouard Philippe compte élaborer la future loi qui pourra « être déposée et discutée par l’Assemblée nationale, début février », a-t-il encore annoncé.
Une loi qui rappelle furieusement celle proposée par Bruno Retailleau (LR) et adoptée par la majorité de droite du Sénat en octobre 2018… et contre laquelle la majorité présidentielle s’était alors prononcée. La droite, qui encourageait déjà l’exécutif à « casser les casseurs », prévoyait alors de ficher les personnes interdites de manifestation, de transformer en délit le fait de cacher son visage et de permettre à l’État de poursuivre les casseurs pour leur faire payer les dégradations. La gauche sénatoriale s’était alors vigoureusement opposée à cette proposition de loi dangereuse. Le sénateur PS Jérôme Durain évoquait même la réminiscence de la loi « anti-casseurs » adoptée en 1970 par le gouvernement Chaban-Delmas, puis abrogée en 1981 avec l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir. Avec les annonces d’Édouard Philippe, la majorité compte bien damer le pion à la droite, tout en utilisant un travail législatif élaboré par les parlementaires LR qui lui convient bien.
Amnesty International s’inquiète
Si la volonté de réduire le droit de manifester n’est pas nouvelle, les menaces qui pèsent sur ce droit fondamental se font plus pressantes. Amnesty International note même que « depuis l’instauration de l’état d’urgence, un glissement dangereux s’est opéré ». L’organisation non gouvernementale explique que « des stratégies de maintien de l’ordre sont mises en place qui impactent fortement des droits fondamentaux dans l’objectif de prévenir des risques qui pourraient avoir lieu, sans aucune preuve concrète et solide que des événements dangereux pour la nation vont en effet arriver ».
Olivier Morin

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