CAC 40 : et il faudrait encore les aider !
Les grands groupes ont dépensé 43 milliards d’euros en 2013 pour choyer les actionnaires. Et pourtant le gouvernement veut leur octroyer de nouvelles aides, sans conditions, avec le pacte de responsabilité.
Plus besoin de tendre l’oreille pour le savoir : les patrons et leurs relais médiatiques le serinent sur toutes les antennes, la France souffre d’un «problème de compétitivité» lié au «coût du travail». Le Medef réclame des dizaines de milliards d’euros de baisse des prélèvements obligatoires pour «donner de l’air à l’économie», et le gouvernement obtempère, d’abord avec son crédit d’impôt compétitivité emploi (Cice) et maintenant avec son projet de suppression pure et simple des cotisations famille payées par les entreprises. Le pacte de responsabilité avancé par François Hollande va se traduire, derrière le mirage des «contreparties», par un gigantesque cadeau de 30-35 milliards d’euros aux entreprises, mais c’est une condition sine qua non, nous jurent les experts dominants la main sur le cœur, pour «accrocher le train de la croissance».
Le problème avec ces ritournelles, c’est qu’elles ne peuvent pas masquer bien longtemps le coût du capital. D’après une étude citée dans les Échos hier matin, les groupes du CAC 40 ont «brûlé» 42,6 milliards d’euros l’année dernière sous la forme de dividendes ou de rachat de leurs propres actions. Un chiffre en hausse de 4% par rapport à 2012 : 36 milliards d’euros ont été distribués aux actionnaires et 6,6 milliards ont servi à détruire des actions pour renforcer le pouvoir des plus gros d’entre eux.
Sur le podium du CAC 40, d’après le rapport «exclusif» des Échos, on retrouve Total (5,55 milliards d’euros de dividendes et de rachat d’actions), Sanofi (5,31 milliards d’euros) et GDF Suez (3,55 milliards d’euros), suivis par EDF (2,48 milliards), Airbus (2,46 milliards), L’Oréal (2,16 milliards), BNP Paribas (1,86 milliard), Danone (1,65 milliard), LVMH (1,61 milliard) et Axa (1,56 milliard).
Dans les rangs patronaux, les chiffres de cette gigantesque gabegie financière ne suscitent jamais d’émoi. Mais quand on les rapproche des cadeaux que les groupes du CAC 40, vont pouvoir engranger avec le Cice, le crédit impôt recherche (CIR) ou la suppression des cotisations famille, il y a de quoi susciter l’indignation.
Chez Sanofi, pas de problème de trésorerie
Total, champion du CAC 40, et numéro un pour les versements aux actionnaires, passe sans complexe au guichet des aides publiques. Il ne laisse rien, ni le crédit d’impôt recherche, qui lui vaut une enveloppe de 70 millions d’euros, ni le crédit d’impôt compétitivité, qui lui vaudra environ 20 millions. Quant à l’exonération totale des cotisations famille, elle pourrait soulager le mastodonte du pétrole de quelque 70 millions d’euros.
Chez Sanofi, l’un des tout premiers groupes mondiaux du secteur de la pharmacie, on ne souffre pas vraiment de problème de trésorerie ou de taux de marge (bénéfice brut). Le labo a versé 3,6 milliards d’euros à ses actionnaires sous la forme de dividendes, et il a consacré 1,7 milliard d’euros à ses rachats d’actions. Pour autant, Sanofi ne refuse par les aides publiques. Au titre du Cice, le groupe encaissera prochainement 20 millions d’euros, selon une estimation de la direction. Au titre du CIR, il engrange déjà environ 130 millions d’euros. Et Sanofi, comme les autres, bénéficiera de la suppression des cotisations patronales famille. Soit, d’après une estimation, un allégement de plus de 86 millions d’euros.
Tout cela n’empêche pas le groupe de refuser la moindre augmentation générale de salaire en 2014, de s’obstiner à mettre en œuvre un plan de restructuration prévoyant la liquidation du centre de recherche de Toulouse et de centaines d’emplois, après avoir tiré un trait sur 4 000 CDI ces cinq dernières années, rappelle Thierry Bodin, coordinateur des syndicats CGT.
Du côté de GDF Suez, à l’époque de la mise en place du Cice par le gouvernement, Gérard Mestrallet, le PDG du groupe, avait évalué son montant dans sa boîte à 120 millions d’euros. Sur la base du poids des effectifs de la multinationale en France, on peut par ailleurs estimer à 175 millions d’euros le bénéfice que GDF Suez peut attendre de l’exonération totale des cotisations famille… «Nous n’avons pas encore les montants pour les dividendes et les rachats d’actions pour l’année dernière mais, en 2012, ils étaient plutôt autour des 5,1 milliards d’euros, explique Éric Buttazoni, délégué central CGT. Après, ce qui est sûr, c’est que, nous, on n’a vraiment pas besoin des patates du gouvernement, on attend plutôt d’eux qu’ils contrôlent et orientent les investissements pour un pôle public…»
Les dividendes explosent. Selon une étude publiée l’année dernière, les dividendes distribués par les plus grandes entreprises françaises ont été multipliés par sept dans les vingt dernières années. Comble de cynisme et d’ironie, c’est en 2007-2008, au début de la crise, que le record des dividendes a été battu avec 58 milliards d’euros distribués, contre 43 milliards en 2013. Sur la même période, les salariés n’ont pas vu leur salaire progresser dans les mêmes proportions…
Soyez le premier à commenter !
Enregistrer un commentaire