LE BLOG DES COMMUNISTES DE ROMAINVILLE

mardi 21 février 2012

Réponse à Claude Bartolone : " La Seine Saint Denis a encore de beaux jours devant elle " ! (Robert Clément)

Ainsi, celui qui en 2008, voulait faire entrer la Seine Saint Denis dans le 21ème siècle propose de lui faire faire un bond en arrière d’un demi-siècle. Pour combattre les inégalités sociales et procéder à une autre répartition des richesses, Claude Bartolone propose en effet la fusion de notre département avec Paris, les Hauts de Seine et le Val de Marne. Rien de très innovant. C’est ce que propose le maire UMP des Pavillons sous bois, le maire de Sevran et dernièrement le Médef.

C’est un fait indiscutable, l’agglomération parisienne, qui constitue l’espace le plus riche de notre pays, est aussi un lieu d’inégalités dans tous les domaines (salaires, emploi, logement, éducation, transports…)
Ces fractures se sont accrues ces cinq dernières années sous les coups de boutoir de la politique destructrice du gouvernement Sarkozy-Fillon. Elle a conduit à une explosion des dépenses sociales touchant davantage la Seine Saint Denis que les autres départements de la petite couronne. Elle s’est accompagnée d’une attaque en règle contre les finances des collectivités locales. Certaines se trouvent au bord de l’asphyxie. Si je partage le constat de Claude Bartolone, sa réponse ne me paraît pas être à la hauteur des enjeux. Elle est marquée, à mon sens, par deux défauts majeurs. L’illusion qu’un grand soir institutionnel serait susceptible de répondre aux défis qui sont à relever et surtout une vision ne dépassant pas le cadre de la politique actuelle, d’où l’absence de toute proposition portée par une nouvelle majorité de gauche.

L’acte de naissance de la Seine Saint Denis et des autres départements appartenant aujourd’hui à l’Île de France, résultait à l’évidence d’un choix politique. Avec le recul, et tout en prenant en considération les conditions de l’époque, il nous faut aujourd’hui répondre à une question : Fallait-il conduire cette décentralisation ? Pour ma part je réponds oui. Et faut-il revenir 50 ans en arrière ? Sans plus d’hésitation, je dis non, et je m’en explique. D’abord, parce que je ne souhaite pas que disparaisse notre département, sage de son passé, impatient de la jeunesse de ses habitants, où au fil du temps se sont élaborées des solidarités, des savoir-faire, des liens qui unissent les femmes et les hommes au réel. Je ne veux pas que disparaisse l’unité profonde de notre département, sa cohérence. Je ne veux pas que disparaisse une terre où plongent de multiples racines, une terre qui réunit le monde, une terre qui a souffert de la souffrance des hommes, une terre parfois violentée, qui a connu les bidonvilles, les cités de transit, une terre qui souffre encore du chômage, de la mal vie, de l’incertitude du lendemain, mais aussi une terre, de culture, de création, de coopération où se fabrique l’avenir. Je connais bien cette terre de Seine Saint Denis, j’ai vu les mutations profondes qui l’ont labouré durant ces trente dernières années. Je connais bien ses habitants, ses femmes, ses hommes, pour m’être souvent trouvé à leurs côtés lorsqu’il fallait s’insurger contre l’injustice, le mépris et l’intolérance. Je ne fais pas partie de celles ou de ceux qui s’offusquent lorsque les jeunes de nos quartiers nous disent qu’ils sont du « neuf-trois » ou du « neuf-cube ».J’y vois au contraire une marque de fierté et d’attachement à notre département et à son histoire. À leur manière, ils nous disent qu’ils veulent être reconnus et respectés, qu’ils ne sont pas des « moins que rien ».

Je le dis avec gravité, j’ai ressenti dans les propos du Président du Conseil général comme un sentiment d’impuissance, une sorte de renoncement, d’autant plus incompréhensibles que nous nous trouvons à la veille d’importantes échéances électorales. La gauche devrait les aborder avec la volonté de faire renaître l’espoir, de créer une vraie dynamique de changement. Au lieu de cela, Claude Bartolone donne l’impression, comme François HOLLANDE d’ailleurs, de baisser les bras face à la finance, répétant à chaque passage dans les médias que « l’argent public sera rare » et appelant nos concitoyens à faire preuve de modération et de réalisme. Une formule de l’interview accordée au journal le « Monde » illustre à merveille cet état d’esprit, je la cite : « Les élus franciliens ne doivent pas aller demander à François Hollande, s’il est élu, de régler les contradictions de cette région ». Cela veut-il dire que rien ne changerait avec la victoire de la gauche et que les inégalités sociales et territoriales dont souffre notre région ne trouveraient de solution que dans un partage, certes nécessaire, entre Paris et les trois départements de la petite couronne ?

Nous retrouvons là, la contradiction qui travaille en profondeur le Parti socialiste. Alors que la mise en œuvre d’un vrai changement exige de s’émanciper de la tutelle des marchés financiers et de faire des choix répondant aux besoins humains, alors que s’impose une maîtrise publique des banques, une autre utilisation de l’argent et du crédit au niveau national et européen pour financer des projets économiquement et socialement utiles, alors que le pays a besoin d’une fiscalité nouvelle, alors que tout appelle à des pouvoirs nouveaux pour les salariés et les citoyens, alors que doit s’affirmer un rôle nouveau des collectivités territoriales disposant des moyens nécessaires pour assumer leurs missions, force est de constater que le candidat socialiste, comme Claude Bartolone, continuent de s’inscrire dans le cadre de l’actuelle politique européenne, pourtant rejetée par une majorité de nos concitoyens. La priorité étant accordée à la réduction des déficits, renvoyant à plus tard la réponse aux attentes sociales de millions de français-e-s.

En prenant connaissance de cette proposition, je me suis demandé s’il était question de répondre aux difficultés financières du Département ou de s’attaquer réellement aux inégalités sociales et territoriales. S’il s’agit de la première hypothèse, ce que je crois, pourquoi revenir au « département de la Seine » ? Il est parfaitement possible de répartir les richesses en mutualisant les droits de mutation et grâce à une péréquation intégrant les revenus des habitants et les dépenses sociales.

Claude Bartolone nous dit dans son entretien à « Libération », je le cite : « En 2008, quand Philippe Dallier a préconisé la fusion des quatre départements dans son rapport, j’étais réservé. Je pensais que la péréquation financière suffirait à corriger les inégalités. Force est de constater que ce n’est pas le cas ». Mais à quel système de péréquation fait-il référence ? Celui inventé par le gouvernement a consisté à faire payer davantage la Seine Saint Denis. Que s’est-il passé depuis 2008, sinon le vote de la réforme Sarkozy-Fillon, véritable machine de guerre contre la République, que la gauche au pouvoir devrait s’empresser d’abroger dans sa totalité. Une majorité bien ancrée à gauche ne pourrait-elle pas mettre en chantier une véritable réforme des finances locales prévoyant un calcul de la taxe d’habitation qui prenne en compte les revenus des habitants ? À un moment où les dividendes des actionnaires explosent, n’est-il pas temps d’envisager la taxation des actifs financiers ? Par ailleurs, l’asphyxie financière des départements, et particulièrement du nôtre, est due pour l’essentiel aux dépenses liées à l’APA et au RSA et non compensées par l’État. Sa dette, à l’égard de la Seine Saint Denis s’élève à 900 millions d’euros. Il est justifié de demander son remboursement.
Pour ma part, parce que j’estime que l’État doit assurer la cohésion sociale sur tout le territoire et permettre l’égalité des droits fondamentaux pour tous je suggère que le versement du RSA soit, à nouveau, assumé par l’État. Quant à l’autonomie des personnes âgées dépendantes, son inscription comme un droit, au même titre que le droit à la santé ou à la retraite s’impose. Il implique la création d’une 5ème branche de la sécurité sociale.

Mettre ses espoirs dans « un grand soir institutionnel » pour réparer les forts déséquilibres et les profondes inégalités sociales et territoriales dont souffre notre région est tout aussi mortifère que le statu quo. Mieux vaut prendre les choses à l’endroit et mettre au cœur de la réflexion, ce qui fait la vie quotidienne des habitants : salaires, emploi, formation, logement, transports, services publics. Et comment imaginer que nous pourrions y répondre sans que soient portés d’autres choix, d’autres logiques économiques, sociales, écologiques et démocratiques. L’agglomération parisienne est une mégapole internationale. Elle ne peut se passer de l’intervention de l’État en tant que garant de la solidarité nationale.

Pour justifier la « voie technocratique » qu’il préconise, Claude Bartolone écrit (toujours dans Libération) : « La création d’un département comme la Seine Saint Denis pouvait se comprendre à un moment où les usines étaient là et où les gens vivaient et travaillaient au même endroit. Aujourd’hui, ils bougent…Il faut une gouvernance qui corresponde à la vie réelle des habitants ». Loin de moi l’idée de nier les mutations intervenues ces trente dernières années dans notre département et notre région. Mais pourquoi ce raisonnement ne s’appliquerait-il pas à d’autres départements de l’Île de France ? L’immense majorité des salariés du Val d’Oise ou de la Seine et Marne travaillent hors de leurs murs. Faudrait-il donc supprimer aussi ces deux départements ?
Ce « département unique » présente, par ailleurs, deux autres inconvénients. Il éloignerait nos concitoyens des pouvoirs de décision et aurait le fâcheux désavantage de réduire le fait métropolitain à Paris et aux trois départements qui l’entourent en ignorant les autres territoires.
Cela conduirait inévitablement à un affaiblissement du rôle de la Région, à un moment où celui-ci devrait être affirmé. Ce département, nous dit-on, serait « spécialisé dans le social ». Ainsi il y aurait, d’un côté, Claude Bartolone, le dirigeant du Parti socialiste, qui milite contre la suppression de la clause de compétence générale des départements que comporte la réforme des collectivités territoriales de Sarkozy et, de l’autre, le Président du Conseil général de la Seine Saint Denis qui se prononce pour un département avec une spécialisation des compétences. Comprenne qui pourra.

Le fait métropolitain dans l’agglomération parisienne est une réalité, mais elle ne saurait se réduire à Paris et aux trois départements qui l’entourent. La réflexion engagée par Paris Métropole et qui n’en ait qu’à ses débuts m’apparaît en tous cas plus prometteuse et plus innovante que ce retour au 20ème siècle.

Robert Clément

Soyez le premier à commenter !

Enregistrer un commentaire


  ©Template Blogger Elegance by Dicas Blogger.

TOPO