LE BLOG DES COMMUNISTES DE ROMAINVILLE

mercredi 4 novembre 2009

Débat sur "l'identité nationale": Benjamin Stora nous livre son point de vue


« Cette initiative est très curieuse : elle ne correspond à aucune demande de définition de l’identité nationale émanant de la société. Cette question, en réalité, ne préoccupe ni le mouvement associatif, ni les partis politiques, ni les syndicats et ce que l’on appelle le mouvement ouvrier. C’est une proposition de débat qui vient d’en haut, de l’Etat. Là se situe le problème. Je me suis toujours méfié des initiatives étatiques relatives à l’écriture de l’histoire de la nation. On se souvient de la mobilisation des historiens contre la loi du 23 février 2005 définissant le système colonial comme « positif ». Ce genre d’initiative trahit une sorte d’obsession de l’Etat, qui veut à tout prix encadrer, régir l’écriture de la nation française. Le « débat » voulu par Eric BESSON va, en outre, se tenir dans des lieux hautement symboliques : les préfectures. Participer à un débat sur la nation française, sur l’histoire de France, en se rendant à des convocations en préfecture, là où sont délivrés ou refusés les papiers aux étrangers, voilà qui est franchement très spécial.
Personnellement, je ne répondrai pas à une telle convocation. En revanche, je suis favorable à l’ouverture d’un débat sur l’histoire de France, jusque dans ses aspects -osons le mot !-négatifs. De Vichy à la guerre d’Algérie, il y a beaucoup à dire sur l’histoire de France. Sur ses lumières, celles de la Révolution française, comme sur ses ombres celles de la collaboration ou de la colonisation. Pour cela les enseignants, qui sont en première ligne, ont besoin de moyens, et non d’injonctions ; Ils n’ont pas besoin d’aller dans les préfectures pour transmettre l’histoire de ce pays et ses valeurs républicaines.

On ne peut pas nier les interrogations sur le devenir de la nation française dans le monde, dans l’espace européen ou dans l’espace méditerranéen. Ce sont là de vraies questions politiques géostratégiques. Il faut redéfinir la question nationale en France au regard de ces nouvelles données. C’est une évidence. Mais faire de l’immigration l’unique facteur de définition ou de redéfinition de l’identité nationale est très problématique, pour ne pas dire plus ; D’autant qu’est mobilisé, ici, un champ lexical dangereux, celui de la « fierté d’être français », un mot d’ordre aux visées xénophobes introduit par l’extrême droite française il y a une trentaine d’années.

Ce débat ne vise malheureusement pas à unifier, à produire de la cohésion nationale. Il risque au contraire de procéder par stigmatisation. Aux antipodes de la recherche de boucs émissaires, il faudrait, au contraire, essayer d’agréger, d’intégrer toutes les mémoires, y compris les mémoires blessées, dans un même récit national. L’enjeu central et difficile est celui de la construction d’un nouveau récit républicain. Je plaide, pour ma part, pour l’ouverture et l’enrichissement de ce récit national, pour une transmission des valeurs de la République. Mais dans le refus de toute stigmatisation »

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