Depuis quelque temps, le patronat s’exerce, avec un certain succès il faut l’avouer, à l’art de la répétition. Tel le perroquet sur son perchoir
qui, quelle que soit la question posée,
siffle la même réponse, les cercles dirigeants répètent
en boucle le même refrain : pour maintenir la France dans
le peloton de tête des pays développés, il faut créer un « choc
de compétitivité ». La droite n’est pas la dernière à vénérer ce nouveau Graal. Elle en rajoute même, Jean-François Copé déclarant hier que l’UMP veut « accompagner »
la « jacquerie » des patrons contre un gouvernement jugé « anti-entrepreneur, anti-activité, anti-croissance ». Assurance maladie, retraite, politique familiale ou assurance chômage ne sont pas les seuls piliers du modèle social concernés par cet œuvre de destruction. Voilà pourquoi la négociation sur la sécurisation de l’emploi entre les syndicats et le patronat, qui entre aujourd’hui dans le vif du sujet, est déterminante. Laurence Parisot évoque une « négociation majeure ».
Sur ce point, nous sommes d’accord. Sur ce point seulement.
Car la présidente du Medef intègre, dans
son vénéré choc de compétitivité, un autre objectif, tout aussi glaçant : franchir « un pas très significatif
vers la flexisécurité ». Dans sa vision, il s’agit de flexibiliser le travail, de sécuriser
les procédures pour
les entreprises, notamment celles du licenciement que le Medef veut rendre plus facile, plus rapide et à moindre coût. En juillet, lors de la conférence sociale, la patronne des patrons avait menacé de boycotter la négociation si n’y figurait pas une extension de flexibilité. Pourtant, depuis trente ans, aucune des nombreuses étapes de précarisation du travail (CDD, intérim, temps partiel, etc.) ne s’est traduite par une baisse significative du chômage.
La lettre de cadrage du gouvernement affirme vouloir remettre le CDI au cœur du débat, qu’il redevienne la forme normale d’embauche. On ne peut que souscrire à l’objectif. Le CDI doit alors garder les protections qui l’entourent, ou tout du moins en développer de nouvelles. On ne se souvient que trop bien de l’entourloupe Villepin, qui, avec le contrat première embauche, voulait vendre aux jeunes un CDI ultra-précaire, facile à rompre, sans indemnités au cours
des deux premières années. Si la notion de flexibilité
est mal perçue en France, c’est qu’elle correspond toujours à une mise en insécurité du salarié.
Au nom de quoi cette réalité pourrait être effacée d’un coup de baguette magique ? François Hollande évoque son souhait que se dégage
de cette négociation un « compromis historique »,
un équilibre « gagnant-gagnant » entre flexibilité
et sécurité. Que comprendre de ce glissement de langage qui gomme les fondations du Code du travail ? Depuis plus de cent ans, tout notre droit social s’est construit
sur l’idée que le travailleur n’est pas l’égal de l’employeur et qu’il doit bénéficier de garanties sociales qui
le protègent dans sa relation de dépendance. Le schéma
est-il à repenser ? Sûrement pas dans son principe
à l’heure où les actionnaires détiennent tant de pouvoirs.
Mais il peut beaucoup évoluer si s’ouvre enfin sérieusement le vaste chantier de la sécurisation
de l’emploi. L’enjeu pour les syndicats, même s’ils
n’en ont pas tous la même définition, va être d’imposer
la thématique dans la négociation. Et de convaincre
que la conquête de nouveaux droits pourrait créer
un véritable choc, positif celui-là, un choc de confiance, seul vrai remède pour la relance de la croissance.
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