LE BLOG DES COMMUNISTES DE ROMAINVILLE

jeudi 26 décembre 2019

« TUTUS », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité de ce jour !



On l’oublie souvent : une grève est un kaléidoscope. Toutes les lumières, tous les sons de la vie, même ceux qui semblent les moins apparentés, s’y réfractent et s’y côtoient, brisant l’uniforme grisaille quotidienne pour laisser transparaître l’unité cachée des choses. Quelle trame commune relie les gilets orange des agents d’Enedis ou de la SNCF, les complets verts du métro parisien et les tutus blancs qui ont illuminé, mardi, le parvis du Palais Garnier, comme des flocons tombés des nuages ? Le travail. Le travail qui se cache dans chaque activité humaine, dans la beauté et la peine, la légèreté et la force, l’extraordinaire et le banal. Dans la grâce unique, inoubliable, et la répétition du geste à en mourir d’ennui. Tout cela parfois présent en un seul métier, même si nous n’en voyons qu’une facette.

Les danseuses de l’Opéra sont des artistes exceptionnelles, et des salariées comme les autres. Leur talent est le fruit d’un travail éreintant, pour lequel elles cotisent à la retraite à un régime qu’on dit spécial parce qu’il leur garantit un âge de départ en fonction de ce que leur corps endure à enchaîner les pointes pendant des années. Comme les cheminots, les enseignants, les dockers et tous les employés de ce pays, les artistes de l’Opéra ne veulent pas perdre leur droit au repos chèrement payé, lorsque la cervelle, les pieds ou le dos n’en peuvent plus, voire un peu avant si ce n’est pas trop demander. C’est ce que les tutus en grève sont venus dire en mettant l’art et la beauté à portée de tous. Car la grève, c’est aussi cela : un élan de générosité et d’éducation populaire.

À ceux qui ont une vue monochrome des événements, qui ne perçoivent que les cris là où il y a discours articulé, que les poings brandis là où il y a des chants, des rires et de la joie, et qui s’émerveillent devant le ballet du Lac des cygnes mais conspuent les grévistes en bleu de chauffe, nous disons : ouvrez vos yeux et vos oreilles. Ce sont des voix semblables qui montent d’un même chœur, et que l’opéra à ciel ouvert a réunies.

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