L'intervention d'Hervé Bramy en séance du Conseil général
Séance départementale du 12 décembre 2013
Débat sur le redécoupage des cantons
Monsieur le Préfet ;
Monsieur le Président;
Mesdames, Messieurs, les Conseillers Généraux,
Monsieur le Président;
Mesdames, Messieurs, les Conseillers Généraux,
Nous sommes réunis pour nous prononcer sur le projet de décret de redécoupage des cantons de la Seine-Saint-Denis.
Ce projet suscite de vives inquiétudes et un fort mécontentement, comme nous avons déjà eu l’occasion de l’exprimer. C’est parce qu’il est, avant toute chose, le produit d’une loi « relative à l’élection des conseillers départementaux … » qui, certes, a fait disparaître les Conseillers Territoriaux, que nous avons condamnée en son temps, mais une loi marquée du refus du dialogue, voire certaine fois d’une intransigeance absolue, qui s’est conclue, par voie de conséquence, par l’absence de consensus, comme l’ont relevé les députées et sénateurs(trices) du Front de Gauche, lors du débat parlementaire.
Aussi, avant d’entrer dans l’appréciation de ce décret de redécoupage, permettez-moi de revenir sur les modalités de scrutin retenues pour la désignation des futurs conseillers départementaux.
Ce nouveau mode de scrutin départemental porte, pour nous, le risque d’une profonde atteinte à la pluralité d’expression politique, dont cette assemblée départementale est pourtant actuellement le reflet. Ce mode de scrutin est une bien mauvaise originalité, surprenante à plus d’un titre, en France, voire même en Europe. C’est un scrutin binominal à deux tours, dont le seul avantage – il est vrai– est de garantir une représentation à parité des hommes et des femmes dans les assemblées départementales. Je tiens à préciser, cela va sans dire, que les militant(e)s et les élu-e-s communistes et Front de Gauche comprennent et partagent ce souci d’élargir la représentation paritaire dans les assemblées départementales. En effet, personne ne peut se satisfaire d’une représentation de 13% de femmes dans les conseils généraux. Mais en aucun cas, nous ne soutenons ce scrutin binominal qui tend à amoindrir, voire gommer, toute pluralité d’expression.
Pourquoi avoir retenu ce mode de scrutin, plutôt qu’un vote sur liste paritaire à la proportionnelle intégrale, qui lui seul, permettait de concilier représentation paritaire et pluralisme politique comme c’est le cas pour les conseils régionaux et les communes ? Nous ne comprenons pas ce choix et le trouvons dangereux pour la démocratie, car il porte en germe un renforcement du bipartisme politique. En effet, l’élection d’un ticket homme/femme issu d’un même parti par canton, là où deux élus de sensibilités différentes pouvaient être choisis, va entraîner mécaniquement l’élection de deux élu-e-s d’un même courant politique… Bref, avec ce choix, au nom de la parité, on risque de tuer le pluralisme politique ! Notre attachement à la démocratie, au pluralisme politique ne peut nous conduire à souscrire à une telle évolution !
A quoi peut servir la réduction du pluralisme politique ? Ce scrutin binominal plus que contestable, s’accompagne, et c’est la raison même de ce redécoupage, d’une réduction du nombre de cantons de 40 à 21. Cette décision va créer de la confusion chez nos concitoyens dans certains des nouveaux cantons, contribuer à éloigner davantage encore les élu-e-s des citoyens, et ce à l’encontre de ce qui devrait être fait. Ce que me demandent les habitants, chaque semaine dans mes audiences ou sur les marchés de ma ville du Blanc-Mesnil, c’est de pouvoir se prononcer sur les choix politiques qui les concernent, d’être associés aux décisions. Ils veulent que leurs voix soient entendues, et ça nécessite des lieux de décisions politiques cohérents avec des territoires cohérents, tout le contraire de la suppression d’un échelon administratif ou d’une reconcentration des pouvoirs de l’autre côté du périphérique.
Comment ne pas voir un lien entre le projet qui nous est présenté, et la discussion en ce moment même à l’Assemblée Nationale du projet de loi sur la métropolisation ? En effet, plusieurs grands élu-e-s, parmi lesquels deux sénateurs de Seine-Saint-Denis qui siègent au sein de notre assemblée, se sont prononcés publiquement pour la fusion de Paris avec les trois départements de la petite couronne parisienne, ce qui signifierait purement et simplement la disparition du département de la Seine-Saint-Denis. Vous faites adopter une réforme du mode de scrutin des conseillers départementaux, puis vous présentez un projet de redécoupage électoral pour mieux dissoudre le département dans le projet de métropole du grand Paris.
La presse vous prête, Monsieur Le Président, un avis favorable à cette dissolution des départements, contre l’avis des présidents des Hauts-de-Seine et du Val-de-Marne. Il est vrai que vous ne souhaitez pas qu’une date soit d’ores et déjà fixée pour cette fusion, mais cela ne change rien à votre position.
Si certains trouvent l’action du département inutile, nous pensons au contraire que la Seine-Saint-Denis a été une terre de fortes innovations sociales, éducatives, culturelles et écologiques. Par exemple lorsqu’elle fut la pionnière d’un dispositif de lutte et de prévention contre les violences faites aux femmes qui se généralise aujourd’hui à travers la France. Innovation également lorsque le Conseil général remboursait la moitié de la carte de transport imagin’R aux collégiens et lycéens, lorsqu’elle permettait à chaque élève de sixième d’avoir un ordinateur portable, quasi-indispensable aux recherches et au travail scolaire, autant de mesures que vous avez supprimées…
Je le dis simplement mais avec solennité, quel que soit le découpage final nous irons à la rencontre de nos concitoyens pour les appeler à retrouver ensemble l’élan créatif qui a façonné l’originalité de la Seine-Saint-Denis. Quel que soit le découpage final, nous œuvrerons aux rassemblements les plus larges pour nous sortir de l’austérité qui structurent significativement les politiques publiques ici et dans le pays. Quel que soit le découpage final, nous créerons les dynamiques citoyennes aptes à inventer un autre avenir à notre département qui redonnera toute sa place à l’humain.
J’en viens maintenant au fond de cette proposition de redécoupage des cantons. Je me limiterai ici aux principes. Peu avant l’été, le PCF a communiqué au Préfet de l’époque, en lien avec les conseillers généraux du groupe Communiste et Front de Gauche, un projet destiné à alimenter la réflexion sur ce projet de redécoupage. Hélas, Monsieur le Préfet, cette proposition n’a été que très partiellement prise en compte.
Pour tout vous dire, les incohérences de ce projet sont évidentes et dans des secteurs trop souvent en profonde contradiction avec les dynamiques communales en Seine-Saint-Denis. Il nie de façon caricaturale de nombreuses réalités géographiques, territoriales et humaines, là où notre proposition de carte, que je tiens à disposition de celles et ceux qui seraient intéressés, se montrait respectueuse tant des logiques territoriales, des cantons actuels, des nouvelles exigences démographiques sur la taille des cantons, tout en respectant le pluralisme actuel de notre assemblée.
Au lieu de ça, nous nous retrouvons avec des particularités territoriales pour lesquelles nos concitoyens, qui n’ont à aucun moment été associés, auront bien du mal à se retrouver. C’est vrai, par exemple, de la ville d’Epinay comme de Tremblay-en-France jusqu’à Montfermeil, à l’opposé des logiques intercommunales. Je précise pour ce dernier projet de canton que cela n’est pas la proposition de Pierre Laporte et de François Asensi mais bien celle du PCF dans les conditions que j’ai déjà indiquées. Enfin j’aurais préféré un canton plus peuplé et donc de loin la proposition que nous avions proposée pour mon canton qui réunissait dans leur intégrité les villes de Blanc Mesnil et de Dugny, dont la partie de celle-ci qu’on appelle le Pont Yblon située sur le même versant de l’aéroport que Blanc Mesnil, et dont la population est intégrée à la vie de ma ville. Nous développons d’ailleurs de multiples coopérations afin de faciliter la vie des dugnysiens et des blanc-mesnilois. Enfin dans la configuration actuelle, que comprendront les habitants de la petite partie de Drancy à la cohérence de leur nouveau canton ?
Il est toutefois un aspect malgré tout positif à ce redécoupage. Il permet de reconstituer l’unité territoriale des villes d’Aubervilliers, d’Aulnay-sous-Bois, de Bondy et de Pantin.
Plus qu’à un travail de redimensionnement des cantons, le redécoupage opéré en Seine-Saint-Denis est un travail dont l’inspiration partisane est malgré tout, à nos yeux, évidente.
Je le regrette car il était possible de faire autrement comme nous l’avons formalisé avec notre carte pour à la fois, je le redis, maintenir des réalités démocratiques et territoriales proches de celles d’aujourd’hui sans gommer le pluralisme politique exprimé durant des décennies dans ce département !
Pour toutes les raisons que je viens d’exprimer, cette proposition ne peut retenir mon assentiment. Par conséquent, je voterai donc contre ce décret.
Enfin, je regrette profondément que ce vote ne soit exprimé qu’à titre consultatif, alors qu’il reflète la position des principaux intéressé-e-s… Nous verrons ce que sera l’expression de la majorité des élu-e-s, mais il faudra tenir compte de ces différences d’appréciations. Je vous affirme que les élus de notre groupe restent assurément déterminés à faire évoluer cette carte !
Je vous remercie de votre attention,
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