LE BLOG DES COMMUNISTES DE ROMAINVILLE

mercredi 30 décembre 2009

Les flambeurs

Les boursicoteurs prospèrent et, à l'autre bout de la chaîne, le chômage augmente. Ce qui pourrait sembler un paradoxe ou une immoralité est à la base du capitalisme.
Par Jean-Paul Piérot.
30/12/2009
Rassurons-nous, la morosité ne gâchera pas partout les fêtes du nouvel an. La crise qui perdure, le chômage qui frappe les uns et menace les autres, les retraites, nouveau chantier de démolition à l’ordre du jour de l’action gouvernementale en 2010, le système de santé à la défense duquel se dresse toute la communauté médicale participent d’un climat peu propice aux débordements d’allégresse. Mais l’ambiance sera sauvée par le CAC 40, qui s’apprête à clore l’année au beau fixe. La Bourse de Paris abordait cette dernière semaine en flirtant avec le seuil des 4 000 points. Depuis plus d’un an, pareil résultat n’avait pas été atteint. Le « rallye » de fin d’année, selon l’expression en usage chez les « happy few » du capitalisme financier, s’annonce déjà comme un succès, de quoi exciter l’appétit du monde des actionnaires à l’heure du réveillon.
Cette embellie, qui ne profite qu’à ceux qui profitent déjà, serait-elle annonciatrice d’une sortie de crise pour toute la société ? L’histoire a appris aux salariés ce qu’il fallait penser de la célèbre phrase d’Helmut Schmidt : « Les profits d’aujourd’hui sont les emplois de demain. » Tout porte à prévoir bien au contraire que 2010 ne promet pas au monde du travail des lendemains qui chantent. Le bilan désastreux de l’année qui s’achève se solde par la destruction nette de près de 380 000 emplois. Les pressions actionnariales pour obtenir le maximum de profit dans le délai le plus court possible, au détriment des investissements en fort recul cette année , les destructions d’emplois industriels vont se poursuivre. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour le prévoir…
La Bourse flambe, les boursicoteurs prospèrent et, à l’autre bout de la chaîne, le chômage augmente, la précarité s’étend… Ce qui pourrait sembler un paradoxe ou une immoralité est à la base du capitalisme : quand une direction d’entreprise restructure, licencie, délocalise, elle suscite un intérêt accru du monde financier. Car ce sont des signes de détermination à augmenter la marge de profit, à faire bouger toujours davantage la répartition de la richesse créée au profit des actionnaires. Le secteur de l’automobile, qui a bénéficié d’un plan de soutien de la part du gouvernement, voit la valeur des actions monter en flèche alors que les constructeurs mettent en place des plans de suppressions d’emplois six mille chez PSA et huit mille chez Renault , intensifient la production, soumettent les salariés à du chômage partiel.
Pour qui se place dans une perspective de transformation progressiste, la question d’un autre financement des entreprises ne peut être esquivée. On ne peut se satisfaire d’un système qui mette celui qui avance de l’argent en achetant des actions dans une situation de contradiction antagonique avec ceux qui produisent les richesses. Armé d’une volonté politique, il serait possible de commencer à changer la donne, et de réduire dans un premier temps l’omnipotence de l’actionnariat dans le destin de l’entreprise et de ses salariés. C’est tout autre chose que les mots creux de Nicolas Sarkozy sur la « moralisation » du capitalisme. Une démarche de gauche doit mettre l’accent sur deux leviers : la démocratie, qui garantit des droits nouveaux pour les salariés à intervenir sur la stratégie de l’entreprise ou du groupe, et l’accès au crédit, sélectif, dont bénéficieraient les entreprises qui font le choix de l’emploi et des investissements productifs. Un dispositif que seuls rendraient possible un pôle public financier et des politiques régionales tournées vers ces objectifs. Puissent de tels débats marquer la campagne des élections régionales. La démocratie y gagnerait.

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