LE BLOG DES COMMUNISTES DE ROMAINVILLE

lundi 6 janvier 2020

Réformistes ou réformateurs ? Les mots piégés… (Tribune de Charles Sylvestre dans l’Humanité de ce jour !)



Donc la France se diviserait entre syndicats réformistes et…et quoi exactement ? Des syndicats révolutionnaires ? Mais c’est difficile de faire passer Force ouvrière ou la Confédération générale des cadres pour des organisations prêtes à renverser l’ordre social. Alors, on a trouvé : les syndicats réformistes veulent bien discuter, tandis que les autres ne veulent rien entendre ; aux dernières nouvelles, les premiers seraient des progressistes et les seconds, des jusqu’au-boutistes. Avec çà, la science sociale, à l’ère macronienne, avance à grands pas !
Il va falloir attirer l’attention des experts et commentateurs des conflits sociaux en cours qui reprennent ce vocabulaire simpliste sur quelques épisodes de l’histoire contemporaine légèrement plus complexes en matière de réforme et de classement des rôles joués par les uns et les autres. Le 23 avril 1919, le gouvernement Clemenceau, effrayé à l’idée d’une grève générale qui se profile, fait adopter par le Parlement la journée de travail de 8 heures. Le mot d’ordre a été lancé à Londres, en 1864, par le congrès de l’Association internationale des travailleurs, où siège un certain Karl Marx. En France, en 1919, le syndicalisme est alors regroupé dans la Confédération générale du travail (CGT), où se trouvaient à l’évidence des « réformistes » et des « révolutionnaires ». En juin 1936, la semaine de 40 heures est adoptée avec les deux semaines de congés payés. Le syndicalisme est divisé jusque-là entre majoritaires (CGT), les « réformistes » de l’époque, et les unitaires (CGTU). Les « révolutionnaires » du moment. Mais, en mars, à la veille de la grève la CGT est réunifiée.

Les deux tendances du mouvement ouvrier, ceux qui « discutent » (des modalités) et ceux qui « ne voulaient rien entendre » (de ce qui leur était proposé), se sont retrouvées dans cette réforme historique du Front populaire. En 1945, la loi créant la sécurité sociale est adoptée avec ses branches maladie, famille, vieillesse. Le ministre du Travail, Ambroise Croizat, est un ouvrier métallurgiste, syndicaliste, communiste. Ces trois qualités en figurent un socle. Dans le vote se retrouvent à nouveau des « révolutionnaires », des « réformistes » et des partisans du général de Gaulle. Un élan national, sorti de la Résistance, n’était pas de trop pour pareille loi de civilisation. Le projet actuel est, à cet égard, un projet de pure réaction.

Le mot « réformiste » est un mot piégé. Le « réformiste » est censé vouloir la réforme par principe, quelle qu’elle soit ; celui qui ne l’est pas, ou dont il a été décrété qu’il ne l’était pas, la refuserait encore par principe, et quelle qu’elle soit. Le mot le plus juste, à l’usage, n’est pas celui de réformiste mais celui de réformateur. Le premier est une attitude, le second une action. Jaurès a réglé son compte à cette dualité trompeuse. Au congrès socialiste de 1908, à Toulouse, sa motion, qui fait la, quasi-unanimité, affirme deux choses capitales et complémentaires : «  Le Parti socialiste est un Parti de révolution », et « c’est parce qu’il est un parti de révolution qu’il est le plus essentiellement réformateur ». Les trois épisodes de 1919, 1936 et 1945 sont de cette veine qui, visiblement, na’ pas dit son dernier mot.

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