LE BLOG DES COMMUNISTES DE ROMAINVILLE

mercredi 20 mars 2019

MOUVEMENT SOCIAL. 300 000 MANIFESTANTS SUR LES PAVÉS POUR PESER


                     


À Paris, à Lyon et dans toute la France, hier, salariés, chômeurs, retraités, syndiqués et gilets jaunes, à l’appel de la CGT, FO, Solidaires, la FSU, l’Unef et l’UNL, ont tenu à porter le débat dans la rue pour influer sur les décisions politiques à venir.

Soleil et sondage réconfortants étaient au rendez-vous, hier, pour accompagner la mobilisation interprofessionnelle. Selon le baromètre Odoxa, 73 % des Français soutenaient cette journée nationale de grèves et de manifestations syndicales. « Quand il n’y a pas d’autres solutions, on mobilise », affirmait Yves Veyrier, le numéro un de Force ouvrière, rejoignant dans le carré de tête parisien ses homologues de la CGT, de Solidaires, de la FSU, de l’Unef et de l’UNL, à l’origine de l’appel à défiler dans les rues. « La mobilisation continue, assurait Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT. C’est un tout, avec ce qui se fait le samedi avec les gilets rouges, jaunes, verts. Le grand débat est, semble-t-il, terminé. Les questions sont sur la table et il faut des réponses sur les salaires, la justice fiscale, les services publics. »
S’il était impossible à ces organisations syndicales de participer au grand raout présidentiel sans risque d’être instrumentalisées, elles tiennent toujours à peser sur les décisions politiques à venir en matière sociale. « Nous ne voulons pas rester spectateurs, insistait Yves Veyrier, mais nous ne pouvions pas participer. Nous voulons garder notre liberté d’expression. Aujourd’hui, dans la rue, nous allons faire en sorte d’être entendus sur le pouvoir d’achat et la hausse du Smic. »
« La méthode et le fond de la réforme Blanquer font réagir »

« C’est pas par les débats, c’est pas par les bla-bla qu’on obtiendra satisfaction », pouvait-on entendre tout au long du parcours. « Le secteur de l’éducation est assez mobilisé cette fois-ci, remarquait Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU. La méthode et le fond de la réforme Blanquer, actuellement au Parlement, font réagir : rien n’a jamais été discuté avec la communauté éducative. Et la loi risque d’augmenter les inégalités scolaires. » Quelques centaines de mètres plus bas sur le boulevard, des enseignants tout de rouge vêtus se sont justement regroupés. Sous une pancarte « Enseigner sans en saigner », Barbara, 32 ans, en charge de classes de CM1-CM2 à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), a barré ses lèvres au feutre rouge. « La loi Blanquer va passer sans qu’on soit informés ou consultés. L’article 1 nous demande de nous taire, de ne pas diffuser nos idées, y compris dans la sphère privée, c’est choquant ! » À ses côtés, le directeur de son école, syndiqué au SNU, s’inquiète des remplacements possibles d’enseignants par des surveillants, des vacataires, du personnel non formé : « Sans parler de tous les postes para-enseignants comme psychologue ou médecin dans les écoles qui vont disparaître. Comment va-t-on travailler ? Je suis bientôt à la retraite, mais, si j’avais eu encore dix ans à travailler, j’aurais changé de secteur. » Et ce n’est pas leur salaire qui suffira à faire taire ces « stylos rouges ».
« On est tous là pour défendre le pouvoir d’achat, qu’on soit du public, du privé, ou retraités, renchérit Patricia Lasalmonie, secrétaire générale de FO RATP. Perso, la seule réponse, c’est d’augmenter tous les salaires. Il nous faut de vraies mesures collectives, et pas des petites augmentations individualisées ou quelques primes pour les uns. Je suis obligée de vivre à 70 km de Paris pour me loger car la ville est trop chère. Il y a trente ans, à la RATP, on habitait tous aux portes de Paris. » Sous une triple casquette CGT-retraitée-PCF et portant gilet jaune, Marie-Hélène Bourlard distribue des tracts pour les élections européennes. L’ouvrière est candidate sur la liste conduite par Ian Brossat, présent lui aussi à la manifestation avec d’autres responsables communistes, parmi lesquels le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, et le sénateur de Paris Pierre Laurent. « Les gens demandent à vivre dignement du fruit de leur travail, explique Marie-Hélène Bourlard, c’est pourquoi ils sont aujourd’hui dans la rue. Il nous faut un Smic européen qui ne soit pas tiré vers le bas, mais qui atteigne le niveau de celui du Luxembourg à 2 000 euros. » Redistribuer les richesses, vivre dignement, des slogans qui font écho aux revendications des salariés d’Air France, des finances publiques, des hôpitaux, des sans-papiers qui occupaient la veille encore l’entreprise Pinault et Gapaix, en Seine-Saint-Denis (voir notre article en dernière page)…
« Macron président des riches ! » « Grand débat : grand blabla ! »

À Lyon, environ 9 000 personnes avaient défilé dès le matin, de la Manufacture des tabacs à la préfecture du Rhône, à l’appel de l’intersyndicale, au son de « Macron président des riches ! » et « Grand débat : grand bla-bla ». Comme dans le cortège parisien, les fonctionnaires et singulièrement les enseignants étaient présents en nombre, aux côtés de travailleurs du privé. « On est en train de se faire exploser par le président le plus mal élu de la Ve République », insiste Brahim Gacem, secrétaire général de Force ouvrière aux hospices civils de Lyon. « La loi sur le statut de la fonction publique revient à casser le statut de fonctionnaire et à faciliter les privatisations », dénonce le syndicaliste. D’après lui, tout ce que fait Emmanuel Macron – de l’attaque contre le salaire différé que constituent les baisses de cotisations sociales à la dernière loi santé – est « 100 % libéral ». « On va encore fermer des maternités et éloigner des femmes enceintes du lieu où elles pourront accoucher », redoute-t-il. Pour Brahim Gacem, la seule solution pour faire plier l’exécutif : « Bloquer l’économie ». « Il faut les acculer, jusqu’à ce qu’ils risquent de tout perdre, à ne pas céder », souligne-t-il.
Une perspective que soutient également Renaud, gilet jaune lyonnais, présent comme quelques dizaines d’autres manifestants aux chasubles fluo dans le cortège intersyndical hier. « Les gilets jaunes ont apporté une énergie au mouvement social, il ne faut pas la perdre ! Mais, pour cela, il faut qu’aux manifestations du samedi s’ajoutent des grèves reconductibles dans les entreprises », insiste-t-il, estimant qu’« un seul jour de grève ne suffirait pas : il en faudrait au moins quinze ».
Si Nadjet et Noura, militantes CGT dans la métallurgie du Rhône, jugent que le salut ne passera que par « un mouvement de grève qui tape au portefeuille », elles disent avoir « du mal » à faire bouger leurs collègues. Pourtant, les raisons d’être en colère abondent. « Dans la plupart des entreprises de la métallurgie, les augmentations de salaire accordées en négociations annuelles obligatoires (NAO) ne sont même pas au niveau de l’inflation », déplore Nadjet, salariée chez un sous-traitant automobile. Et ce ne sont pas les miettes lâchées par l’exécutif en décembre qui ont été de nature à calmer les esprits. « En général, les entreprises lâchent la prime gilets jaunes juste avant les NAO pour minimiser les augmentations de salaire », analyse Nadjet.
« Le grand débat, ça a été une grande fumisterie ! » dénonce pour sa part Noura. Les deux femmes s’indignent que des thèmes aient été « décrétés tabous dès le début ». Les dernières annonces du premier ministre, Édouard Philippe, consistant à durcir encore l’arsenal répressif des forces de police inquiètent. « La liberté de manifestation est remise en cause sous couvert de lutter contre les casseurs », dénonce Noura. « C’est flippant, on se sent en danger quand on manifeste, mais on ne peut pas rester chez nous. On ne peut pas arrêter comme ça », affirme Renaud, gilet jaune.
Kareen Janselme (à Paris) et Loan Nguyen (à Lyon)


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