« POKER MENTEUR », L’EDITORIAL DE SÉBASTIEN CREPEL DANS L’HUMANITE DE DEMAIN LUNDI
Alors, qui dit vrai ? Depuis dix jours, les membres du gouvernement
semblent s’être donné le mot pour se contredire sur la question du maintien ou
non de l’âge d’ouverture des droits à la retraite. Au point que plus personne
n’y comprend rien. Jean-Paul Delevoye le jure à son tour : « Il n’y a pas de
loup » embusqué dans les discussions sur le futur système à points, qui
« repose sur un âge légal minimum de départ à la retraite à 62 ans ».
C’est « une certitude », ajoute le haut-commissaire chargé de la réforme dans
le Journal du dimanche.
Est-on rassuré ? Pas du tout. Tâchons d’y voir clair. Désormais, deux
discours coexistent au sommet de l’État. Ils ne se contredisent qu’en
apparence. D’un côté, Jean-Paul Delevoye invoque « les engagements pris » de ne
pas toucher à l’âge légal. De l’autre, l’Élysée et Matignon continuent de jouer
la partition du « tout est sur la table », dans la perspective d’une prise en
charge accrue du risque de dépendance liée au grand âge.
En fait, ce sont deux sujets distincts, au moins dans leur temporalité.
L’ex-ministre de Jacques Chirac ne prend pas beaucoup de risque d’être démenti
en affirmant que, pour l’instant, il n’est pas question de repousser l’âge de
la retraite. De toute façon, insiste-t-il, « les 62 ans ne doivent plus
être un couperet » (sic) dans le nouveau système. En clair, tout sera fait pour
qu’on parte plus tard, même en cas de maintien de l’âge légal.
Cette dernière condition n’engage toutefois en rien le gouvernement sur le
chantier à plus long terme de la dépendance. Le haut-commissaire le reconnaît :
« C’est au financement de ce défi sociétal que la ministre de la Santé faisait
référence, tout comme le premier ministre et Gérald Darmanin. » Ce chantier
pourrait interférer avec les retraites si est retenue, comme y songe
l’exécutif, l’option de financer les nouveaux besoins à cotisations constantes.
L’une des solutions serait alors de réduire encore la masse des pensions, et
repousser l’âge de la retraite est un moyen qui a fait ses preuves. La position
du gouvernement est donc unie. Mais elle n’est pas exprimée clairement, c’est
ce qui lui permet de brouiller ses plans, comme dans une partie de poker
menteur.
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