Le Brexit, ou la seconde mort de la Résistance (Pierre Serna)
Churchill le dit en 1940, jamais dans l’histoire de l’humanité le destin de
la liberté n’avait reposé sur les épaules de si peu de gens, faisant référence
aux pilotes de la Royal Air Force déchaînés contre les bombardiers allemands,
tentant de faire plier l’Angleterre, alors que la France, par la voix de
Pétain, avait commencé une politique de collaboration. Le vieux conservateur
n’avait pas entièrement tort, si ce n’est que c’était tout le peuple anglais,
et non quelques héros, qui s’était élevé à la hauteur de son destin, quand tant
de peuples pliaient sous la botte nazie.
L’esprit de Résistance naquit sur
cette île ombrageuse, mais aussi dans l’esprit des cheminots communistes, des
pêcheurs bretons, des soldats-citoyens, refusant la défaite, tel Marc Bloch,
ensuite fusillé par les nazis. Cinq ans plus tard, en 1945, le souffle de la
Résistance souffla sur la reconstruction française et européenne, redonnant
l’espoir, inventant un État providence fondé sur une plus grande solidarité,
sur des lois protectrices et la volonté de construire l’Europe des peuples.
Presque soixante-quinze ans plus tard, ces idées de construction d’un monde
nouveau ont disparu, saccagées doublement par le libéralisme irresponsable et
le repli nationaliste mortifère.
Chaque jour, le libéralisme autoritaire de
l’extrême centre détruit ce lien entre l’État et ses administrés, déconstruit
cette politique sociale. Il défait cette priorité urgente, au-dessus de toutes
les autres, celle d’une l’éducation nationale forte, avec des professeurs
correctement payés, ayant réellement la possibilité de devenir des vecteurs
d’ascension sociale. Le Code du travail se voit constamment rogné, le sentiment
de vivre dans un État policier permanent. De l’autre côté de la Manche, le
repli identitaire est le contraire du fier esprit de liberté et de solidarité
qui porta les Britanniques à combattre la peste brune.
Un nationalisme rance,
égoïste, au risque de remettre le feu aux poudres avec l’Irlande, se développe.
Soixante-dix ans après 1945, tout semble à refaire. La puissance de l’argent et
la haine du ressentiment social forment des nuages noirs sur l’Europe. C’est
pourtant notre avenir qui se joue là, dans la construction d’une Europe des
citoyennes et des citoyens, avec un projet politique d’unité et de démocratie.
À nous de retrouver cette flamme. Celle de Résistance.
Soyez le premier à commenter !
Enregistrer un commentaire