« Rapport aveugle et faux remède », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité de ce jour !
Il y
a une logique de l’absurde à l’œuvre dans le rapport sur l’autonomie et la
dépendance qui va être remis demain à la ministre de la Santé. En grossissant à
peine le trait, il propose de couper le bras au patient pour remplacer celui
qui fonctionne mal. Nul ne peut nier à priori que les questions liées au
vieillissement prennent une importance grandissante dans la société. Les personnels
des Ehpad ne cessent d’alerter sur la situation de leurs établissements et des
personnes qui s’y trouvent.
Dans
un livre poignant, Suzanne, le journaliste Frédéric Pommier leur fait écho en
évoquant, comme pourraient le faire nombre de proches, le cas de sa grand-mère,
92 ans : « On me parle des repas immangeables et, quand on sait que
certains cuisiniers n’ont que 4, 50euros pour faire quatre repas dans la journée,
çà peut difficilement être bon. On me raconte des toilettes, que le personnel n’a
pas le temps de faire en entier, les douches, pour Suzanne c’était une fois par
semaine »… Et que dire de toutes celles et tous ceux qui n’ont pas les
moyens de payer une maison de retraite et sont condamnés à la solitude et à une
dépendance plus grande encore.
Oui,
le rapport pose le problème, les problèmes, mais c’est la réponse envisagée qui
est absurde, disions-nous. En résumé, il faudrait financer l’autonomie et la
dépendance à volume constant. Autrement dit, en agissant sur les retraites et
les dépenses de santé. C’est dire d’abord que le problème n’est pas envisagé à
sa véritable échelle. Dans les décennies à venir, il faudra inventer bien d’autres
choses que des équilibres comptables pour assurer le bien-être du grand âge. Comment
ne pas voir, sinon, mais le rapport est délibérément aveugle semble- t-il, qu’en
rognant sur les dépenses de santé, qu’en envisageant de prendre sur les
retraites ou de reporter l’âge du départ, le prétendu remède va aggraver le
mal. On sait que moins on se soigne, plus on travaille longtemps, et plus on
risque de mal vieillir. Les questions du vieillissement sont aujourd’hui au cœur
du fonctionnement de nos sociétés, en France et ailleurs, parce qu’elles posent
celles du rapport au travail, aux transports, les questions de l’environnement,
mais aussi celles d’une fiscalité plus juste, de services publics plus proches
des citoyens, dont les plus âgés. En les ignorant, le rapport participe du
cynisme du macronisme. Feindre de réformer pour au total régresser. Ce sont
sans doute ces questions parmi d’autres que posait samedi à Nice, la retraitée,
Geneviève Legay.
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