« LE PEUPLE ALGÉRIEN N’EST PAS DUPE », L’EDITORIAL DE PATRICK APEL-MULLER DANS L’HUMANITE
« Abdelaziz
Bouteflika, constatant qu’il ne pouvait briguer un cinquième mandat, a décidé
de prolonger le quatrième. »
L’ampleur de la mobilisation populaire algérienne contraint le régime à
manœuvrer. Ce que les manifestants résument par la formule paradoxale :
« Abdelaziz Bouteflika, constatant qu’il ne pouvait briguer un cinquième
mandat, a décidé de prolonger le quatrième. » La ruse est éventée. Le pouvoir
n’a plié que pour ne pas rompre et, en violant la Constitution par
l’allongement du mandat présidentiel, il cherche à gagner du temps pour bâtir
une solution de rechange et édifier une Constitution à sa main. Passé la joie
d’avoir marqué un point, les manifestations ont redoublé et réclament un
changement radical du système et non seulement un ravalement de façade.
L’archipel d’intérêts privés, de puissances financières, de pouvoirs
politiques et militaires qui gouvernent sous Bouteflika veut garder le contrôle
du pays. L’avènement comme premier ministre du ministre de l’Intérieur qui avait
menacé les protestations démocratiques en affiche la couleur. Quitte à faire
cause commune avec l’opposition islamiste qui regarde le tour de passe-passe à
l’œuvre, avec la sympathie de l’auteur du livret. Ce sont en effet ses
propositions que reprend le clan dirigeant.
Trop peu et trop tard. Il est très probable que le recul attribué au
président Bouteflika ne désarmera pas les millions d’Algériens qui font ces
dernières semaines une expérience politique accélérée qui avive l’exigence
démocratique et les aspirations à la justice sociale. Même tronquée dans sa
version officielle, la transition est à l’ordre du jour. Et en dépit des
souhaits des gouvernements des grandes puissances – dont la France –, elle ne
pourra pas s’accommoder de simulacres. Jusqu’à présent, le mouvement n’a pas
été réprimé par une armée et une police qui, dans les rangs de la troupe,
éprouvent de la sympathie pour les revendications. Nous n’avons pas fini de
regarder, avec passion, voire espoir, vers l’Algérie et sa jeunesse qui reprennent
le mot d’ordre de leur grand écrivain Kateb Yacine : « Forçons les portes du
doute. »
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