« DOCTRINE ET BANANES », L’EDITORIAL DE MICHEL GUILLOUX DANS L'HUMANITE DE DEMAIN MARDI
Pourquoi être plus dur envers le Venezuela que l’Arabie saoudite ? Parce
que « c’est un pays de notre hémisphère », entendez : de notre sphère
d’influence, a répondu dimanche le conseiller à la sécurité nationale de Donald
Trump à des journalistes de CNN qui l’interrogeaient. Le même John Bolton a
renvoyé ses interlocuteurs à la « doctrine Monroe », du nom du président
états-unien qui l’exprima au début du XIXe siècle. En bref, que les Européens
s’affrontent dans leurs querelles coloniales voire la guerre, mais qu’ils ne
s’immiscent point dans les affaires de Washington. Tout le continent, ses
ressources et ses peuples, devient du même coup chasse gardée des intérêts de
ses grandes firmes.
Au siècle dernier, leurs noms ont écrit cette doctrine en lettres de sang.
United Fruit est associée au « massacre des bananeraies » en Colombie, en 1928,
que Garcia Marquez décrira dans son grand œuvre Cent Ans de solitude. Le
Guatemala illustre mieux encore la chose, où l’on voit cetTE inventrice des
sinistres « républiques bananières » organiser, en 1954, pour « promouvoir la
démocratie » un putsch contre un président trop démocrate et social à son goût,
et surtout artisan d’une réforme agraire. Avec l’aide d’une CIA omniprésente,
elle soutient un fantoche qui s’autoproclame président – déjà… Des décennies de
sang s’ouvrent pour le peuple guatémaltèque. Les années 1970 voient les géants
des télécoms prendre le relais. Avec ITT, et toujours la CIA, fer de lance de
l’assassinat du président Allende et du gouvernement d’Unité populaire au Chili
et de la dictature de Pinochet. John Bolton renvoie sa propre inspiration à
l’ère de Reagan, qui, lui, soutint les sanguinaires « contras » au Nicaragua.
L’homme débutait alors sa carrière de faucon ultraconservateur.
Mais cette ligne néocoloniale n’est pas d’un seul. Il y a un an, en février
2018, Rex Tillerson, l’ex-PDG d’Exxon encore à la Maison-Blanche, faisait le
tour des pays membres du groupe de Lima en se réclamant déjà de cette même
doctrine Monroe. Depuis, les élections prévues au Venezuela à la demande de
l’opposition, en mai, ont été boycottées, sous pression américaine. Il y a là
comme une mauvaise odeur d’essence, cette fois. Et puis, un extrémiste de
droite, soutenu par les mêmes alliés américains, a été élu chef de l’État brésilien,
tandis que le président Lula croupit en prison. La justice et la démocratie
progressent grâce à Trump, il n’y a pas à dire.
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