ÉLECTIONS EUROPÉENNES. LAREM PRENDRA LE PRÉSIDENT MACRON AU PIED DE LA LETTRE (GREGORY MARIN)
Le chef de l’État
lance la campagne de la République en marche dans la presse européenne. Sans
sortir du clivage « progressistes-nationalistes », il l’adoucit, refusant de
choisir entre « une ouverture béate et le retour au nationalisme ».
En Macronie, le ruissellement fonctionne surtout en matière de prise de
décisions politiques. Il fallait donc attendre qu’Emmanuel Macron parle pour
que la campagne de la République en marche pour les élections européennes soit
officiellement lancée. C’est chose faite. En signant une tribune qui a vocation
à être publiée, dans plusieurs journaux en France et en Europe, disponible
depuis hier soir sur Internet, le chef de l’État donne « les bases » de la
campagne européenne de la République en marche. Le secrétaire d’État auprès du
ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, estimant que « c’est le rôle
du président de proposer une orientation pour l’Europe », en avait déjà livré
la teneur hier matin sur France Info. « On est dans une transition, il y a des
risques très forts. » Évoquant la « montée du nationalisme », le Brexit, des
« enjeux économiques forts », le cadre LaRem estime qu’il y a besoin d’un
« leadership en Europe et, aujourd’hui, c’est Emmanuel Macron qui l’incarne ».
Peut-on souscrire à l’idée émise par Gabriel Attal que « les peuples
européens sont en attente d’un leadership » ? Le chef de l’État en tout cas y
croit, qui a choisi l’Italie, avec laquelle il était en froid sur le traitement
de l’immigration (malgré des résultats très similaires), pour donner un
avant-goût de sa campagne, sous la forme d’un entretien dans l’émission Che
tempo che fa, sur la Rai Uno. « Cette campagne, elle, ne doit pas être entre
une ouverture béate et le retour au nationalisme », a plaidé Emmanuel Macron. On
perçoit toujours le clivage « progressistes-nationalistes » cher à LaRem et à
son véritable patron, mais le ton s’est quelque peu radouci.
Les marcheurs n’ont
pas de tête de liste, mais un président en campagne
Lors du discours de la Sorbonne, en septembre 2017, il avait fustigé « les
passions tristes de l’Europe » – nationalisme, identitarisme, protectionnisme,
souverainisme de repli –, qui menaçaient l’idée qu’il se fait du fédéralisme
européen (sur laquelle LaRem rallie pour cette campagne le Modem et l’UDI),
voire la simple bonne entente entre les peuples. Aujourd’hui, il ne condamne
plus aussi ouvertement les « ennemis de l’Europe », l’Italien Matteo Salvini en
tête, ou Viktor Orban en Hongrie. En proposant, refrain connu, une « Europe qui
peut mieux protéger les peuples », Emmanuel Macron mord sur les marges de ces
« populistes » qu’il dénonce par ailleurs, notamment en France le Rassemblement
national de Marine Le Pen qui, de souverainiste et antieuropéen, est passé sous
l’influence des identitaires de son premier cercle à une vision européenne et
localiste. L’« Europe des peuples » est donc une dénomination qui peut séduire
l’ensemble de l’arc politique européen… et assurer, peut-être, une visibilité
au Parlement européen à l’Alliance des démocrates et des libéraux (Alde) à
laquelle LaRem devrait se rallier, en vue d’arbitrer entre des
sociaux-démocrates en perte de vitesse et une droite qui se réorganise autour
de ses éléments les plus durs.
Emmanuel Macron et son mouvement ont identifié l’urgence de changer de ton.
C’est qu’afficher des convictions pro-européennes sans débouchés politiques ne
suffit pas : lors du discours de la Sorbonne, en septembre 2017, le président
rêvait tout haut d’une « Europe refondée », avançant une cinquantaine de
propositions… qui dix-huit mois plus tard n’ont pas trouvé de traduction. Le
président devait hier s’adresser « aux peuples et pas aux institutions »,
assurait au Monde le président du groupe la République en marche à l’Assemblée
nationale, Gilles Le Gendre, en promettant des « solutions très concrètes » :
« Il va proposer des choses qui parlent aux peuples, qui répondent aux
anxiétés, aux espoirs. » L’exact inverse de ce qu’avec l’exécutif et la
majorité il se propose de faire en France. Mais il faut bien commencer quelque
part…
Pour donner « un cap et une impulsion », dixit Gabriel Attal, aucune figure
n’a été désignée pour conduire la liste. Ni à la République en marche, ni au
gouvernement. Circulent les noms de la ministre des Affaires européennes,
Nathalie Loiseau, et de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, soutenue par
François Bayrou et qui aurait les faveurs de l’Élysée. Le suspense se dissipera
fin mars, lors de la publication de la liste. Jusque-là – et sans doute au-delà
–, la tête de liste s’appelle, on l’aura compris, Emmanuel Macron.
Grégory Marin
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