PIERRE LAURENT : « LA JEUNESSE ET LE CLIMAT, UN NOUVEAU RÉCIT COLLECTIF »
Par Pierre Laurent, président du Conseil national du PCF.
Le vendredi 15 mars, partout dans le monde, des millions de jeunes vont se
mobiliser dans des milliers de marches pour le climat et la sauvegarde de la
planète.
C’est un événement considérable qui prend de semaine en semaine une ampleur
croissante.
Une génération de jeunes femmes et hommes qui incarnent l’avenir a décidé
de prendre en charge cet enjeu existentiel pour le devenir de l’humanité et de
chacune et chacun d’entre nous. L’humanité va à sa perte si elle ne tourne pas
le dos au plus vite aux logiques qui nourrissent le réchauffement climatique, à
ce dérèglement dont l’activité humaine et des décisions économiques et
politiques prises chaque jour sont la cause.
Cette volonté d’agir, cette prise de conscience d’une génération qui refuse
l’inéluctabilité de la catastrophe, est porteuse d’un débat politique majeur
sur les causes de cette situation et les solutions à y apporter. Ce n’est pas
seulement l’émergence nécessaire de comportements individuels et collectifs
plus responsables qui est appelée par ces mobilisations. Le système
capitaliste, prédateur des humains et des ressources de la planète, est mis en
accusation et, à travers lui, des logiques qui régissent pour l’essentiel les
rapports sociaux sur la planète et dont la raison d’être, l’accumulation du
capital et le maintien d’un taux de profit sans cesse plus élevé pour les
actionnaires, nous conduit dans le mur.
Ces mouvements planétaires interviennent dans une période historique
charnière, caractérisée par la recherche par un nombre chaque jour plus grand
d’humains sur notre planète d’un nouveau récit d’avenir collectif. Quel projet
d’humanité sommes-nous capables d’inventer et de construire, sans que jamais
plus les femmes et les hommes de notre époque n’en soient dessaisis ? C’est la
quête de ce récit émancipateur, anticipateur d’un nouveau destin commun, qui
rend si importante cette déferlante inédite.
Les forces capitalistes, les organisations qui se revendiquent du système,
ou celles qui continuent de penser, tout en le critiquant, qu’il demeure un
horizon indépassable, travaillent chacune à leur manière à intégrer les
inquiétudes exprimées mais elles sont de plus en plus bousculées par la
profondeur des questions soulevées. Le récit culpabilisant qu’elles cherchent à
imposer pour continuer à faire du « tout-marché » l’horizon de l’humanité,
voire la solution aux problèmes et aux drames qu’il a lui-même engendrés,
répond de plus en plus mal à la recherche d’une transformation plus systémique,
qui nécessitera de réconcilier véritablement trois grandes ambitions :
l’ambition écologique, l’ambition sociale et l’ambition démocratique.
Les communistes ne détiennent pas la recette miracle, mais ils ont une
conviction : c’est dans cette triple direction, conçue de plus en plus comme
une imbrication de ces trois dimensions, qu’il convient de chercher, d’agir et
de proposer. Ce que nous avons nommé « écommunisme » lors de notre récent
congrès.
L’alliance de
l’écologie et du social pour une société du bien commun
L’humain n’assurera pas sa survie contre la nature mais avec elle. Et il
n’atteindra pas cet objectif en laissant perdurer les rapports sociaux de
prédation et de domination qu’impose la logique de développement, et désormais
surtout de crise et d’inégalités, du système capitaliste. Sans l’alliance de
l’écologie et du social pour changer les rapports sociaux, les conditions de
production et de consommation, les conditions d’accès de tous au bien-vivre,
sans l’espoir de vivre mieux pour des centaines de millions d’êtres humains où
qu’ils vivent, l’idée d’humanité perd son sens, la société du bien commun n’est
qu’un rêve.
L’invention des solutions concrètes, locales comme mondiales, dans la cité
comme dans l’entreprise, à ces immenses défis se fera dans le mouvement qui se
déploie partout dans le monde. Et sûrement pas hors de lui. La place des
communistes est dans ce mouvement pour, chaque fois, contribuer à faire émerger
des projets politiques collectifs capables de gagner du terrain pour de
nouveaux modes de production et de consommation qui marient la justice et
l’égalité dans toutes les sociétés et entre toutes les sociétés, la durabilité
des produits, le refus des prédations et des gaspillages, le respect du travail
humain comme du renouvellement des ressources… Toutes solutions incompatibles
avec le court-termisme de la recherche et de l’accumulation du profit.
L’ambition démocratique est une clé pour avancer. Qui, dans nos sociétés,
doit décider ? C’est le point commun entre ces mobilisations pour le climat,
celles des gilets jaunes et l’investissement citoyen dans le grand débat
national : le retour en force d’une volonté citoyenne de reprise de pouvoir sur
les grands choix qui engagent l’avenir du pays et du monde. C’est aussi le
paradoxe de ce moment politique qui peut parfois nous dérouter : ce nouvel
investissement citoyen massif naît de la défiance massive à l’égard des échecs
de la politique. La société demande plus que ce que la politique lui a
jusque-là offert. Certains l’utilisent pour nourrir le désaveu de la démocratie
et le populisme. Mais ne nous y trompons pas : l’exigence de politique nouvelle
et de renouvellement démocratique est un grand motif d’espoir si elle sait
rencontrer et construire des solutions à la hauteur de ces espoirs. Les
citoyens reprennent la parole. Aidons à ce qu’ils ne lâchent plus. Réinventer
la démocratie réinventera la politique. Et ouvrira le chemin pour réinventer la
solidarité humaine dans la diversité de chacune et chacun, de chaque peuple.
Cette aspiration est au cœur de notre époque et des mobilisations pour bâtir un
avenir à l’échelle humaine.
« Agir dans tout lieu, penser avec le monde », c’est le moment de mettre en
pratique l’invitation du poète Édouard Glissant.
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