MOBILISATION. À L’HEURE DES ARBITRAGES, LES SYNDICATS DONNENT DE LA VOIX
Après les
mobilisations sociales et environnementales de samedi, les syndicats prennent
le relais et appellent à la grève et à la mobilisation, ce mardi 19 mars, pour
faire entendre leurs revendications sur les salaires et les services publics,
alors que le grand débat touche à sa fin.
À l’heure des conclusions, alors que le grand débat s’est officiellement
achevé ce vendredi, les syndicats veulent « se faire entendre » et ne pas
rester « spectateurs, ni caution de décisions qui pourraient être prises en matière
sociale », revendique Yves Veyrier, secrétaire général du syndicat Force
ouvrière, qui fait son grand retour chez les « contestataires », renforçant
ainsi l’intersyndicale CGT, Solidaires, Unef, UNL, UNL-SD. Des syndicats qui,
pour ne pas participer à l’« enfumage », ont boycotté les rendez-vous
thématiques du grand débat organisés la semaine dernière, regrettant que « le
gouvernement reste enfermé dans ce qu’il pense être un véritable débat, alors
que, concrètement, les réponses ne sont pas en phase avec le mouvement
social ». Pour la CGT, l’heure est désormais à « la mobilisation générale ».
Un mois après la première journée de convergence avec les gilets jaunes, le
5 février, qui a vu défiler plus de 300 000 personnes, les syndicats souhaitent
amplifier le mouvement. D’autant que, depuis plusieurs semaines, les militants
sur le terrain s’activent de débats publics en initiatives sur la défense des
services publics, de distributions de tracts en rédaction de cahiers
revendicatifs dans les entreprises. En tête des doléances, la hausse des
salaires, mais également la défiance sur la future réforme des retraites,
l’exigence d’une plus grande justice fiscale – via la suppression de la TVA sur
les produits de première nécessité et la remise en vigueur de l’ISF – ou encore
l’attachement réaffirmé aux services publics de proximité… Autant de
revendications qui rejoignent les attentes des gilets jaunes. « Cela confirme
que nous ne sommes pas en dehors de ce que vivent les salariés », relève Sandra
Buaillon, membre de la commission exécutive de la CGT.
Les luttes dans les
entreprises restent encore timides
Dans ce contexte social tendu, où la mobilisation pour le climat s’ajoute
désormais aux manifestations hebdomadaires des gilets jaunes, les convergences
se multiplient. Mais alors que la colère monte chaque jour un peu plus, l’enjeu
est désormais qu’« elle s’exprime de façon plus construite », analysait début
mars dans les colonnes de l’Humanité Dimanche Philippe Martinez, secrétaire
général de la centrale.
Car si les liens continuent indéniablement de se tisser localement entre
militants syndicaux et gilets jaunes, les luttes dans les entreprises restent,
pour leur part, encore timides. D’ailleurs, poursuit Sandra Buaillon, « le
patronat est actuellement bien trop tranquille et c’est à nous de remettre le
débat là où il doit être, c’est-à-dire dans l’entreprise ». Timides certes, les
luttes dans les entreprises n’en sont pas pour autant inexistantes : « Geodis
Calberson à Gennevilliers, Fonderie du Poitou, Ford Blanquefort, les postiers
de Plaisance-du-Touch, Peugeot à Hérimoncourt, Solvarea à Croissy-Beaubourg, la
centrale thermique de Provence à Gardanne, les salariés d’Avermes de Manitowoc,
ceux de l’usine Saint Louis Sucre à Marseille », la CGT dresse la liste des
entreprises mobilisées, auxquelles s’ajoute un secteur public à bout de
souffle, dans les finances publiques ou chez les douaniers.
Porter la colère dans les entreprises et agir par la grève est, selon Yves
Veyrier, « le seul moyen d’action pour les syndicats quand ils n’ont pas été
entendus. Dans les entreprises, on observe que la grève, quand il y a
revendication sur les salaires, permet d’obliger les employeurs à se mettre
autour de la table ». Si ce 19 mars semble « bien parti », le secrétaire général
de Force ouvrière estime toutefois que si toutes les organisations « s’étaient
associées, cela aurait donné, évidemment, plus de force ».
Les organisations
syndicales mises sur la touche par le gouvernement
Car, à contre-courant, la CFDT semble tracer son chemin. Ainsi depuis
novembre, le premier syndicat a toujours pris ses distances avec le mouvement
des gilets jaunes, y voyant entre autres « une forme de totalitarisme » et
poussant au grand débat pour s’afficher comme le « meilleur opposant » à Emmanuel
Macron. Et alors que les organisations syndicales sont mises sur la touche par
le gouvernement, des ordonnances Macron à la réforme de l’assurance-chômage,
Laurent Berger veut encore faire croire au dialogue et n’hésite pas à tacler
« certaines organisations syndicales », en prenant le soin de ne pas les
nommer. Des syndicats qui, selon le cédétiste, seraient responsables de
« fragiliser la démocratie sociale et, par ricochet, le syndicalisme » en
« s’opposant à tout ». Le secrétaire général de la CFDT exposait ainsi la
semaine dernière à Nicolas Hulot 66 propositions pour « un pacte social et
environnemental », sans que ni la CGT, ni l’association Attac, entre autres, ne
soient associées. Et celui qui voit l’implication de la jeunesse dans la lutte
environnementale d’un bon œil, jugeant la « cause juste », l’oppose dans la
foulée aux « mouvements qui parlent de tel article, de telle loi, et qui auront
beaucoup moins d’impact sur leur vie que le réchauffement climatique ». Une
prise de position à rebours des organisations qui appellent aujourd’hui à
l’action et pour qui les jeunes, « dont les difficultés ne cessent de
croître », sont au contraire pleinement concernés. La « réforme du lycée et de
la voie professionnelle », la « progression de la précarité étudiante » et le
« gel des prestations sociales ne font qu’attaquer le droit d’étudier ».
Clotilde Mathieu
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