« PRINTEMPS PRÉCOCE », L’EDITORIAL DE PATRICK APEL-MULLER DANS L’HUMANITE
Le vieux président a été traîné en Suisse pour que lui soit rédigé un
certificat de santé complaisant et, revenu, il a fait déposer sa candidature au
Conseil constitutionnel. Ce simulacre n’éteindra pas la colère de la rue
algérienne, pas plus que le limogeage du directeur de campagne d’Abdelaziz
Bouteflika. Le pays n’en est plus à se contenter d’un bouc émissaire. Le sens
de la responsabilité a basculé dans cette Algérie où les plaies de la décennie
de sang, celle de la guerre civile face au terrorisme islamiste, restent à vif.
Le pouvoir, en maintenant jusqu’au grotesque le statu quo, joue avec le feu
tandis que les manifestants affichent leur pacifisme, revendiquent un nouvel
élan, ne tolèrent plus la corruption et la stérilisation des richesses
nationales. Longtemps, l’opinion a craint que se lever ferait courir le risque
d’un scénario à la syrienne. La jeunesse se sent assez forte pour l’éviter ; le
sera-t-elle assez pour éviter le retour d’un réflexe de peur ?
Le régime s’est appuyé sur le combat pour l’indépendance pour légitimer son
maintien. Aujourd’hui, des milliers de jeunes brandissent les figures du passé
comme des appels au changement, à plus de justice sociale, de dignité et de
démocratie, à un État au service de tous. En face d’eux, demeure une coalition
d’intérêts variés, des clientèles, de prévaricateurs. L’armée algérienne, qui a
toujours joué un rôle majeur, semble immobile sous le portrait figé d’un
président muet. Beaucoup dépendra de son attitude. Pour l’heure, elle n’a pas
fait le choix d’une répression féroce.
L’élan algérien est regardé avec circonspection par les grandes puissances,
qui craignent une déstabilisation d’un pays stratégique en Afrique et dans le
monde arabe. Mieux vaudrait, dit l’expérience, qu’elles ne s’en mêlent pas.
Mais comment les démocrates et les progressistes français pourraient ne pas se
sentir solidaires de cette vitalité que ne sont pas parvenus à récupérer les
affairistes qui lorgnent sur les richesses algériennes ?
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