« LES ALGÉRIENS N’EN SONT PLUS LÀ », L’EDITORIAL DE PATRICK APEL-MULLER DANS L’HUMANITE DE DEMAIN JEUDI
Toujours trop tard. Le pouvoir algérien, secoué par l’immense protestation,
essaie de rattraper son peuple. Il l’a tenté une première fois en renonçant à
un cinquième mandat d’Abdelazziz Bouteflika et en annonçant une phase de
consultation sur la Constitution. la rue n’en était déjà plus là. Le chef
d’état-major de l’armée a tenté d’accélérer le mouvement en proposant
l’application de l’article 102 de la Constitution qui prévoit
l’empêchement du président pour cause de maladie grave et durable. Mais la
population n’en est déjà plus là. Elle voit bien que l’avenir serait alors
confié durant la période de quatre mois et demi d’intérim à un pilier du
régime, le président du Sénat, et que rien ne lui garantirait un changement du
système dont elle a fait progressivement sa revendication.
L’opération qui consisterait à changer de personnage pour mieux faire
perdurer le régime ne fait guère de dupes à Alger. L’armée algérienne, qui
affiche son poids dans la vie publique, vient de reconnaître le besoin de
sortir de l’impasse et confirme à cette étape qu’elle refuse l’affrontement.
Mais les manifestants qui ont aiguisé, semaine après semaine, leur vision
politique, craignent que « le pouvoir profond » – les clans qui se
partagent le pouvoir – décide d’un passage de témoin sans transformation de la
société, en profitant de l’absence d’une alternative évidente.
Une nouvelle étape s’ouvre donc et avec elle une nouvelle épreuve de force.
Seules des garanties démocratiques sur la période de transition, associant les
forces qui se sont mises en mouvement et débouchant sur des élections honnêtes,
peuvent éviter qu’une fracture divise sévèrement le pays. Alors, et alors
seulement, la belle énergie dont a fait montre la jeunesse – plus de la moitié
des 42 millions d’Algériens ont moins de 30 ans – pourra donner à
tous un nouvel élan. En l’avidité des accapareurs et l’inquiétude des puissants
résident au contraire tous les risques.
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