« BLANQUER ET L’EFFET BOOMERANG », L’EDITORIAL DE LAURENT MOULOUD DANS L’HUMANITE DE DEMAIN VENDREDI
La fin de l’arrogance pour Jean-Michel Blanquer ? Depuis sa prise de
fonction, le ministre de l’Éducation nationale a revêtu l’uniforme de l’habile manœuvrier.
Usant d’un redoutable savoir-faire médiatique, ce proche du très libéral
institut Montaigne a su imposer, au grand dam des représentants syndicaux, son
train de réformes droitières et autoritaires, tout en conservant une relative
mansuétude de l’opinion publique. Mais voilà. La belle mécanique, si appréciée
du président Macron qui l’avait désigné comme son meilleur ministre, semble bel
et bien s’enrayer face à la contestation qui surgit dans le monde de
l’éducation.
Les signes alarmants se multiplient pour le locataire de la rue de
Grenelle. Le 19 mars, les enseignants ont été exceptionnellement nombreux
à se mettre en grève. 40 % des profs du primaire, soit le taux le plus
haut depuis 2017. Ce samedi, rebelote, une large intersyndicale battera le pavé
contre la réforme du lycée et la loi Blanquer, tandis que des organisations
appellent déjà à une nouvelle journée de grève le 4 avril. Enchaînement
spectaculaire. Auquel s’ajoute, ces dernières semaines, une multitude d’actions
de « désobéissance » d’enseignants qui démissionnent de leur fonction
de prof principal, mettent 20/20 à tous les élèves ou boycottent des conseils
de classe... Même le SE Unsa, syndicat au départ favorable à la réforme du
lycée, s’est désolidarisé du ministre !
Jean-Michel Blanquer, s’il est aussi pragmatique qu’il le dit, ne peut
ignorer ce profond malaise. Et doit bien constater que la
« confiance », qu’il appelle de ses vœux sur les plateaux télé, se
délite un peu plus chaque jour auprès des personnels. Selon un récent sondage,
seuls 4 % des profs estiment que la réforme du lycée, qu’ils sont pourtant
chargés d’appliquer, va dans le bon sens. 4 %… Difficile de faire pire.
En vérité, cette contestation n’a rien d’une surprise. Elle couve depuis le
départ. En matière de dialogue social, Jean-Michel Blanquer s’inscrit dans la
droite ligne de son ami Laurent Bigorgne, patron de l’institut Montaigne, qui
considère les syndicats enseignants comme « un milieu où les
archéos pèsent beaucoup et ne veulent aucun vrai changement ». Le
ministre n’avait donc que mépris et autoritarisme à offrir aux représentants
syndicaux. Et finalement à l’ensemble des personnels qui, au lieu d’une
construction commune, voient depuis des mois les réformes libérales – et
les restrictions budgétaires qui les accompagnent – tomber sur eux avec la
verticalité d’un parpaing. Un tel dédain ne peut que revenir en boomerang à son
auteur. Un si bon élève du gouvernement ne devrait pas l’ignorer.
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