« EN VAIN », L’EDITORIAL DE MAURICE ULRICH DANS L’HUMANITE DE DEMAIN MERCREDI
C’est un nouveau record d’enfilage de perles. Il n’a fallu pas moins de
huit heures à Emmanuel Macron en compagnie d’une soixantaine d’intellectuels
pour réaffirmer au total qu’il n’entendait en rien changer de politique. Une
phrase pourrait résumer le bilan de cet exercice narcissique de la parole
présidentielle, à propos des inégalités. « Elles sont un dysfonctionnement du
capitalisme contemporain mais, si j’ouvre ce débat, je tue la politique que je
mène. » Laquelle mise, selon lui, sur la capacité à investir, pour les
résultats que l’on sait. La poursuite du chômage, la baisse de la croissance et
les milliards versés sans résultat aux entreprises et aux actionnaires.
On pourrait sinon s’interroger sur la forme. Qu’est-ce que cela veut dire
quand on prétend à une rencontre de haut niveau avec des intellectuels qui
auraient, selon ses mots, « la responsabilité de structurer le débat » et qu’on
déclare d’un autre côté que ceux qui continuent à manifester ne savent même
plus pourquoi ils le font ? Raison pour laquelle on leur promet toujours plus
de matraque et de LBD. Emmanuel Macron ne peut se départir du mépris et de
l’arrogance qui l’habitent mais c’est aussi une stratégie. S’il feint d’écouter
le pays, c’est pour mieux discréditer la parole de ceux qui attendent de vraies
réponses, en termes de justice sociale et fiscale, en termes de pouvoir
d’achat, en termes de démocratie. On ne saurait oublier que tout a été fait
pour casser cette parole.
Curieusement, de nombreux commentateurs qui estimaient la partie gagnée,
tressant des concerts de louanges à la merveilleuse idée du grand débat, ont
changé de discours en quelques heures. La tension n’est pas retombée, elle
s’est aggravée avec la gestion calamiteuse de samedi dernier et un recours
minable aux fusibles. Mais surtout Emmanuel Macron pourra discourir autant de
temps qu’il voudra devant les publics qu’il se choisit, le pays, et la journée
de mobilisation d’hier, approuvée par 73 % des Français, le confirme, attend
bien autre chose que de vaines performances.
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