LE BLOG DES COMMUNISTES DE ROMAINVILLE

samedi 8 mai 2010

A. Chassaigne (PCF): le capitalisme est mortellement destructif pour l'écologie

A. Chassaigne (PCF) a défendu la motion de rejet préalable du texte bidon sur le Grenelle 2 de l'environnement.

ll a mis en avant une autre vision du combat écologique en démontrant que le capitalisme n'est pas éco-compatible.
Voici des extraits de son intervention à l'assemblée nationale.

Le projet de loi Grenelle 1, suffisamment consensuel, semble-t-il, pour avoir suscité l’enthousiasme parlementaire du plus grand nombre, n’avait pourtant pas reçu notre assentiment. L’année écoulée est venue confirmer nos craintes quant à sa portée réelle, et plus encore quant à la fermeté des intentions écologiques de ce gouvernement. (..)

Notre exaspération porte sur les résultats, les contenus des mesures et des moyens proposés, issus de ces trois années d’activité dans le champ de la réflexion environnementale. Car au gré des engagements non tenus, des paroles contradictoires aux petites phrases qui en disent long, au gré des fanfaronnades et des reculades, le reflux environnemental de ce gouvernement est patent !

Une question vient donc immédiatement à l’esprit de toutes celles et de tous ceux, citoyens, représentants associatifs et syndicaux, scientifiques, élus locaux, qui partagent une même préoccupation pour l’avenir de notre planète : pourquoi un tel renoncement ? Pourquoi renoncer si rapidement à porter une véritable politique écologique à la hauteur des défis environnementaux de notre siècle ? (..)

La pensée occidentale des rapports de l’homme à la nature oscille entre deux pôles extrêmes : d’un côté, la nature est vue comme la puissance suprême, spontanée et créatrice, à l’origine de toute vie et de toutes choses, qui fait naître et mourir, imposant sa loi à la contingence humaine ; de l’autre, elle est conçue comme un ensemble de phénomènes soumis à des lois, que les sciences ont pour vocation de percer et de maîtriser pour en prendre le contrôle.
Dans les deux cas, les maîtres mots sont « contrainte » et « domination », que celles-ci soient assurées par la nature ou par les progrès des sciences et techniques. Entre ces deux extrêmes, le problème demeure entier de trouver les conditions d’une harmonie entre les hommes et la nature. Je parle bien ici des hommes, et non pas de « l’homme ».
Car c’est sur la base de ce concept de l’homme, conçu d’abord comme un individu, que se fondent toutes les approches néolibérales pour traiter des rapports hommes-nature – comme d’ailleurs chez certains tenants de l’écologie profonde. Elles excluent donc ainsi, par un coup de baguette magique, toute logique de domination sociale et économique de l’analyse des problématiques écologiques. À cette fin, il faut évacuer le caractère social de l’homme en limitant la compréhension du monde à la seule thèse, devenue religion, de l’individualisme.

Une telle démarche évite tout naturellement de se poser les bonnes questions, de savoir si ce sont certains hommes, certaines classes d’hommes, par le biais de leur système social ou de production, et certaines institutions, qui ont une responsabilité prépondérante dans les menaces écologiques qui pèsent aujourd’hui sur la planète ; cela évite de formuler des critiques de fond susceptibles d’apporter des remises en cause conceptuelles, scientifiques, sociétales et politiques ; cela permet de couper court à toute mobilisation des intelligences pour discerner le vrai du faux, la conséquence de la cause, le déterminant de l’accessoire ; cela évite bien des détours par la raison si chère aux Lumières, en multipliant les références au sens commun, à l’inné, à ce qui « va de soi »…

C’est pourtant sur une base bien plus vaste qu’il nous faut analyser les problèmes environnementaux planétaires qui se posent à nous. Le grand public est aujourd’hui largement sensibilisé aux détériorations de l’état de la planète, ainsi qu’aux risques globaux qui en découlent. Tel est le cas des principales manifestations en cours ou attendues du réchauffement climatique lié aux émissions de gaz anthropiques : l’élévation du niveau des eaux, l’accentuation de la polarisation géographique des précipitations, l’intensification des phénomènes météorologiques violents et des inondations, les déplacements d’aires de répartition animales et végétales, les perturbations des systèmes de production agricoles, l’épuisement des sols, les pénuries d’eau douce, l’appauvrissement majeur de la biodiversité.

Sans excès d’alarmisme, tout porte à penser que de telles évolutions, si fondamentales pour les hommes et leurs sociétés, exacerberont au niveau local, régional et international les conflits liés à l’accès à l’eau, à l’appropriation des ressources énergétiques ou aux migrations dites « écologiques » dues aux déplacements massifs et forcés de populations ne pouvant plus trouver les moyens de leur subsistance sur leur territoire.

Les grands problèmes que nous soulevons ici ne peuvent être saisis sans se référer à un cadre théorique qui prenne pour objet le système global, mondial, dans lequel nous vivons. Nous ne pouvons concevoir que ce système et ses orientations soient le fruit de la seule nature humaine ou de l’agglomération d’hommes ayant chacun une action autonome et prédéterminée par la nature. Ce ne sont donc pas les hommes en général, mais bien des groupes, des classes et des nations dominantes qui dirigent la marche du système.

Ce système est structuré par des rapports complexes d’interdépendance lui donnant sens. En ce début du XXIe siècle, ce système est celui du capitalisme mondial.

C’est sur la base de cette analyse que s’impose la compréhension des relations existantes entre les hommes et la nature, et non pas seulement sur la base de comportements individuels ou de situations locales spécifiques.
Le problème central du devenir écologique de la planète lié aux conséquences des activités humaines se pose donc en ces termes : le système capitaliste mondial est aujourd’hui devenu une menace contre l’humanité et l’ensemble de la biosphère terrestre ! Une citation pour illustrer ce postulat : « La cause de tous les désordres écologiques, de la pollution, de la raréfaction des énergies, est le modèle capitaliste et libéral que tout le monde avait pour référence jusqu’à aujourd’hui.
Or, ce modèle n’est pas tenable. Mais il y a évidemment de grandes résistances à changer les choses car cela dérange de nombreux intérêts. » Ces mots ne sont pas ceux d’un député communiste, mais ceux de Nicolas Hulot, en conclusion de son interview à Aujourd’hui en France, le 2 avril dernier, où il expliquait sa décision de se retirer du Grenelle. Vous vous en doutez, je partage son point de vue. C’est le signe d’une véritable prise de conscience et de l’effort d’analyse indispensable auquel je faisais référence au début de mon intervention ; c’est sur cette base qu’il nous appartient de placer le débat.

À quelques mois d’intervalle, ces propos résonnent comme un écho approbateur à ceux qu’Hugo Chavez prononçait à la tribune lors du Sommet de Copenhague en décembre dernier : « On pourrait dire … pour paraphraser le grand Karl Marx, qu’un fantôme parcourt les rues de Copenhague, et je crois que ce fantôme rôde en silence dans cette salle ; il est là parmi nous, il se faufile entre les rangées, il sort en dessous, monte, et ce fantôme est un fantôme effrayant.…« Presque personne ne veut le nommer : c’est le capitalisme ! Les peuples sont là, ils rugissent, on les entend là, dehors. … Ne changeons pas le climat, changeons le système et, en conséquence de cela, nous commencerons à sauver la planète. Le capitalisme, le modèle de développement destructif est en train d’en finir avec la vie. Il menace d’en finir définitivement avec l’espèce humaine. »

L’exemple de Copenhague est particulièrement éclairant : il démontre le refus manifeste des classes et des nations dominantes de porter le débat climatique mondial sur les bases que nous venons de définir ; il démontre comment les dirigeants du capitalisme mondial ont œuvré contre toute remise en cause des fondements de ce système qui menace la vie sur notre planète. Il ne fallait en effet pas être dupes des priorités fixées par les pays du Nord lors de la négociation de Copenhague.
Il n’était même pas besoin d’être un observateur parlementaire attentif, comme je l’ai été avec d’autres au sein du Bella Center, pour comprendre ce qui se tramait dans les couloirs et les arrière-salles. Depuis des mois, les économistes d’ambassade, les experts de tout poil issus des think tanks néolibéraux étaient mobilisés pour disséquer les opportunités des recettes néolibérales applicables au changement climatique, avec trois mots d’ordre : un, sauvegarder par tous les moyens le système ; deux, faire valoir des outils de marché hautement spéculatifs pour prendre en compte la gestion des gaz à effet de serre par le système ; trois, mobiliser le changement climatique pour trouver un prétexte à l’extension du libéralisme en prêtant caution à la délocalisation et à l’externalisation dans les pays en développement des entreprises polluantes et émettrices de gaz à effet de serre. (…)

Dans la continuité des tentatives qui ont suivi la convention-cadre de l’ONU sur le changement climatique de 1992, et plus particulièrement dans la continuité de l’un de ses prolongements, le protocole de Kyoto de 1997, la conférence de Copenhague, douze ans plus tard, mettait les nations dominantes au pied du mur. Pourtant, c’est avec la même boîte à outils que celles-ci avaient décidé de s’attaquer au péril climatique, en développant toujours plus les mécanismes de flexibilité issus de Kyoto, au premier rang desquels le marché des droits à polluer, destiné ainsi à une extension mondiale.

La réalité de l’après-Kyoto et de l’application des recettes libérales à la lutte contre les émissions mondiales de gaz à effet de serre est loin de rassurer, tant l’ensemble des pays émetteurs se sont éloignés des objectifs, pourtant très insuffisants, qu’ils s’étaient fixés en 1998. Qualifié de meilleur élève, l’Europe offre un exemple particulièrement parlant. En effet, avec la mise en place du système communautaire d’échange de quotas d’émission de carbone, l’Union européenne a été la pionnière pour instituer un marché de permis de polluer échangeables sur un marché libre et non faussé.
Cet outil est le pendant écologique de l’innovation financière qui a conduit à la crise financière que nous connaissons. Son soubassement idéologique est simple : permettre l’octroi d’indulgences aux firmes transnationales « subventionnées-carbone » pour qu’elles puissent réaffirmer leur hégémonie planétaire en délocalisant leur activité dans les pays à bas coûts salariaux pour faire du développement plus propre. C’est la panacée pour les plus zélés exploiteurs qui trouvent là une véritable caution écologique pour délocaliser toujours plus vite.
C’est aussi un alléchant et prometteur terrain de jeu pour tous les Madoff en culotte verte, pour tous les fonds spéculatifs et tous les requins de la finance ! Il fallait bien leur offrir un nouveau débouché après les déboires qu’ils ont connus sur les marchés de l’immobilier ! L’atmosphère en cadeau, pourquoi ne pas y avoir songé plus tôt ?
Ces émissions doivent faire l’objet d’un commerce mondial favorisant naturellement les gens les plus riches qui s’empresseront d’acheter sur le marché des permis d’émission négociables ou de capitaliser sur les grandes forêts mondiales, réserves de carbone bientôt monnayables.
Ce système les autorise ainsi à demeurer les plus gros pollueurs, sans rien changer à leur comportement destructeur pour l’environnement. Mes chers collègues, le Grenelle de l'environnement est devenu le rêve incarné du libéralisme écologique français, laissant, dans les faits, le soin à la main invisible de résoudre l'ensemble des problèmes environnementaux de notre pays.
Voilà pourquoi chaque mécanisme avancé dans le cadre des conclusions du Grenelle est désormais retravaillé et passé au crible du libéralisme, afin de préserver les intérêts du système, la rentabilité du capital.

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