Défense européenne ou sécurité collective (Yann Le Pollotec)
L’Europe de la défense n’est qu’une
apparence, la seule réalité qui existe est l’OTAN avec sa stratégie belliciste
de guerre préventive et sa soumission aux choix politiques et industriels des
USA. La suspension du traité sur les forces nucléaires intermédiaires (1)
conduit à une reprise de la course aux armements sur le continent, alors que sa
signature avait permis un important mouvement de désarmement (2).
L’Union européenne ne conçoit aujourd’hui
sa politique de défense qu’intégrée et subordonnée à l’OTAN. La
« Politique européenne de sécurité et de défense commune » et les
projets d’armée européenne ne sont que des mythes. L’UE n’a aucune capacité de
défense autonome. Seul le Fonds européen de la défense a une réalité avec ses
13 milliards investis dans quelques niches technologiques.
L’UE concourt avec L’OTAN, à aggraver les
tensions avec la Russie. L’installation de bases antimissiles états-uniennes en
Europe participe de la reprise de la course aux armements nucléaires.
Aujourd’hui la géolocalisation joue un
rôle stratégique déterminant. Avec le GPS, les USA sont en situation de
monopole, ce qui leur donne le contrôle des armées de l’OTAN, France comprise.
L’arrivée du système européen Galileo offre une alternative. L’UE et la France
doivent s’en saisir et s’émanciper du GPS.
Emmanuel Macron entend utiliser le militaire
pour assouvir ses ambitions européennes. Son objectif est
de faire d’une Europe de la défense « en complémentarité de l’OTAN »,
l’un des principaux piliers de la relance politique de l’UE vers une Europe
fédérale.
Les ambitions de Macron se heurtent à de
fortes oppositions au sein de l’UE. Macron n’a pas les moyens de se prévaloir
d’une hégémonie militaire sur le continent. L’état de l’armée française est
fortement dégradé voire clochardisé. Elle est enlisée au Mali dans une
sanglante guerre d’usure. Ses capacités réelles face aux nouvelles menaces
comme la cyber guerre interrogent. Malgré 50 milliards de dépenses pour sa
modernisation sur vingt ans, la crédibilité de sa force nucléaire peut être
remise en cause par les nouvelles technologies de détection sous-marine.
À une défense européenne pilier de l’OTAN
il faut opposer une Europe de la sécurité collective émancipée de l’OTAN. Une
sécurité collective s’appuyant sur la recherche d’une convergence à géométrie
librement choisie des politiques de défense nationale des différents États de
l’UE implique que notre pays prenne la décision de quitter l’OTAN. Cet acte
produirait un choc salvateur qui permettrait d’ouvrir la voie à la dissolution
de l’OTAN et à la fondation d’une sécurité collective européenne et
méditerranéenne, de l’Atlantique à l’Oural, libérée des armes nucléaires,
fondée sur la paix, la coopération et l’indépendance de chaque peuple.
Au XXIe siècle, au temps de la
mondialisation, de la révolution du mariage des bits et atomes, de la
raréfaction des matières premières, des crises climatiques, de la transition
énergétique, une politique de défense assurant la paix et la souveraineté des
peuples d’Europe n’est pas uniquement une question militaire, c’est avant tout
une affaire de stratégie géopolitique globale. On ne peut mettre en œuvre une
politique de défense sans penser éducation, recherche et développement,
politique industrielle et technologique, santé, démographie, agriculture,
maîtrise des ressources naturelles…
Les réseaux de télécom, les centres de
stockage de données, les logiciels sont devenus les champs de bataille de
véritables cyber-guerres : espionnage industriel et économique, hacking,
destruction de données et de nœuds de communication… Ces cyber-guerres peuvent
mettre à genoux un pays, aussi surement qu’une campagne de bombardement massif,
comme l’a montré le black-out électrique du Venezuela. Les USA pratiquent un
espionnage industriel et commercial massif. La défense de l’UE se joue plus
dans le cyberespace avec des hackers qu’avec des divisions blindées. Cela doit
impliquer la renaissance d’une industrie européenne des NTIC (3), et de
n’utiliser dans les armées, les institutions, les infrastructures stratégiques
que des logiciels libres ou européens et de bannir les systèmes propriétaires
made in USA.
L’Union européenne doit élaborer sa
doctrine de sécurité collective à partir de cette volonté politique et en lien
avec le contexte géopolitique et stratégique réel, et avec l’objectif de
protéger les intérêts vitaux des peuples d’Europe, leur souveraineté
démocratique et leur indépendance. Cette élaboration permettra d’évaluer les
menaces et de définir les moyens nécessaires pour y parer, y compris en terme
d’industrie de défense.
L’UE et la France doivent mener une
politique extérieure visant à la résolution des conflits dans le respect des
droits humains, du droit de chaque peuple à disposer de lui-même, mais aussi en
promouvant les notions de Communs mondiaux. Cette politique doit conduire à la
sécurité collective, à un processus de désarmement multilatéral y compris
nucléaire, et à la paix.
Yann Le Pollotec, membre du Conseil
national du PCF.
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