« ENFUMAGE », L’EDITORIAL DE JEAN-EMMANUEL DUCOIN DANS L’HUMANITE DE DEMAIN MERCREDI
Un supplément d’âme à bon compte ; un nouvel alibi pour le patronat… Ainsi
pourrions-nous définir l’un des articles de la loi Pacte qui prévoit la
possibilité d’un nouveau statut juridique dénommé « société à mission ». Pour
ses promoteurs, au grand bonheur du Medef, il s’agirait du niveau le plus
abouti pour inclure des objectifs sociaux et environnementaux dans l’objet
social de sociétés volontaires. L’idée pouvait soulever quelques espoirs, dans
un contexte de financiarisation à outrance de l’économie. À l’arrivée ? Rien.
Si l’entreprise a « une raison d’être » et « contribue à un intérêt collectif »
(que de mots faciles à intégrer dans une charte d’intention !), il ne reste
aucune des idées portées par les syndicats, par exemple le renforcement du nombre
d’administrateurs salariés dans les conseils d’administration ou de
surveillance des entreprises… Donc, il y aura l’affichage symbolique… et les
actes. « Il faut que tout change pour que rien ne change. » Nous ne minimisons
pas l’intérêt de l’introduction de la « raison d’être » dans les statuts de
l’entreprise. Mais comment croire, alors que le grand patronat récupère déjà
cette aubaine d’affichage et de communication, à son impact sur la
gouvernance ? Le message délivré est clair. Rien ne va plus dans cette société
globalisée ? L’entreprise est là pour nous sauver ! La bonne blague…
Nous ne pensons pas que tous les entrepreneurs soient par nature des
salauds, des profiteurs avides de pouvoir et d’argent. Ce que nous pensons, en
revanche, c’est que les entreprises ont connu une sorte de déformation de leur
gouvernance, résultat d’une industrialisation de l’actionnariat, qui a doté les
investisseurs de techniques destinées à maximiser leurs bénéfices, à n’importe
quel prix. Oui, nous vivons sous la pression du dumping social, fiscal,
environnemental : le marché cherche en permanence à amoindrir les règles pour
se livrer à cette guerre économique qui réduit toutes les dépenses, sauf la
rémunération du capital. Ce nouveau texte de loi de « bonne conscience » aidera
les entreprises à enfumer les crédules. Seulement les crédules…
Soyez le premier à commenter !
Enregistrer un commentaire