REMANIEMENT.UN POUVOIR MACRONISTE RABOUGRI (MAUD VERGNOL)
En nommant une députée
LaREM issue de la droite et deux de ses conseillers à l’Élysée, le président
confirme son isolement et le rétrécissement politique de sa majorité.
Le signal est terrible. Alors qu’Emmanuel Macron peine à faire atterrir le
grand débat, le casting du remaniement laisse peu de doute sur l’isolement
politique du chef de l’État, qui cherche à resserrer les rangs autour de lui.
Ce sont ainsi deux conseillers de l’Élysée, Sibeth Ndiaye, 39 ans,
actuelle conseillère presse et communication du chef de l’État, et son
conseiller économique de 37 ans, Cédric O, qui ont pris hier leurs fonctions de
secrétaires d’État, la première comme porte-parole du gouvernement, le second
au Numérique.
Tous deux font partie du club des orphelins de DSK, qui après la
chute du patron du FMI, ont participé dès fin 2015 à la création du phénomène
Macron, bien avant que celui-ci n’affiche publiquement ses ambitions
présidentielles. Fille d’un ex-député et d’une haute magistrate sénégalais, la
communicante, passée par les rangs de l’Unef puis du PS, n’a pas bonne presse
dans les médias. « Nous (les) appelons quotidiennement quand on a
des divergences d’interprétation », confiait-elle en 2017 à l’Express, affirmant
« a ssumer parfaitement de mentir pour protéger le
président ». Elle s’était également illustrée lors de la
disparition de Simone Veil, le 30 juin 2017. Le Canard enchaîné avait
alors dévoilé le texto que la responsable presse aurait envoyé à un
journaliste : « Yes, la meuf est dead. »
C’est elle
aussi qui avait cru bon de diffuser, en juin 2018, la courte vidéo où
Emmanuel Macron, en pleine préparation du futur « plan pauvreté »,
déplorait que les aides sociales coûtent « un pognon de
dingue ». Un coup de com ravageur pour le président des très très
riches, qui avait pourtant été pensé par le service com de l’Élysée comme un
excellent storytelling... « C’est la technocratie et
l’arrogance au pouvoir. Moi, je suis sidéré qu’on place dans un gouvernement
autant de personnes qui n’ont rien vu de l’état de la France, qui n’ont pas vu
la fracture territoriale, sociale, ces zones rurales et ces quartiers qui se
sentent abandonnés ! » a fustigé hier l’écologiste Yannick
Jadot.
Autre choix qui fait grincer des dents, même au sein de la majorité :
celui d’Amélie de Montchalin, diplômée d’HEC et d’Harvard, soutien d’Alain
Juppé pendant la primaire de la droite en 2017, ultralibérale convaincue, qui
sera donc chargée de l’épineux secrétariat d’État aux Affaires européennes, au
moment où l’UE traverse la pire crise politique de son histoire, avec le risque
imminent d’un Brexit sans accord.
La députée de l’Essonne de 33 ans s’était
fait remarquer au début du quinquennat en prenant en main le vote du premier
budget, défendant avec zèle la suppression de l’ISF, avant de diriger d’une
main de fer les députés de LaREM aux côtés de Gilles Le Gendre. Amélie de
Montchalin n’avait pas non plus ménagé sa peine pour justifier la hausse de la
CSG. Nommer « celle dont le plus grand fait d’armes est la
suppression de l’ISF » constitue « un signal terrible
envoyé à la mobilisation des gilets jaunes », a dénoncé hier la maire
de Lille, Martine Aubry. « J’ai cru que ces nominations étaient
un poisson d’avril », a également réagi Fabien Roussel.
Le
secrétaire national du PCF juge comme une provocation la nomination d’une
députée qui a défendu bec et ongles la suppression de l’ISF « au
moment même où les Français réclament son rétablissement » et regrette
la nomination de conseillers technocratiques « hors sol et coupés
de la réalité ». « Ce remaniement est un
remaniement technique qui met l’église au milieu du village », a tenté
de justifier hier le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin. Reste le
symbole d’un pouvoir hyperconcentré à l’Élysée, où le chef de l’État, fragilisé
par le départ de ses fidèles, apparaît plus isolé que jamais.
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