« LE LAPIN », L’EDITORIAL DE MAURICE ULRICH DANS L’HUMANITÉ
L’illusionniste ne sort jamais du chapeau que le lapin qu’il y a mis. Sans
trop s’avancer, on a tout de même le sentiment qu’Emmanuel Macron ce soir ne va
retenir de son grand débat que ce qu’il voudra y voir pour poursuivre et
amplifier sa politique. C’est bien ce qui semble se dessiner avec ce qu’il
avait lui-même évoqué dans son allocution non diffusée souhaitant que les
Français « travaillent davantage ».
Revoilà donc, au passage, les fainéants à qui il ne cédera rien, ceux qui
n’ont qu’à travailler pour se payer un costard ou traverser la rue pour avoir
du boulot. Emmanuel Macron est toujours très déterminé quand il s’agit du
travail des autres, des plus modestes. Plus profondément, comment ne pas
entendre le refrain qui est celui de la droite et du patronat depuis des
décennies. Toujours dans l’histoire ils se sont opposés à la réduction du temps
de travail que les luttes quotidiennes et les grands moments de mobilisation
populaire que furent 1936 ou Mai 68 ont progressivement imposée.
La France ne travaillerait pas assez. Ce serait une des raisons de ses
difficultés. Quelle farce cynique en guise de réponse aux attentes du pays.
Nicolas Sarkozy nous avait monté le numéro du « Travailler plus pour
gagner plus ». Emmanuel Macron voudrait semble-t-il mettre ses pas dans les
siens. On sait que les deux hommes d’ailleurs se comprennent très bien. Mais
formellement il est faux que la France ne travaille pas assez. Le
Parisien, qui ne passe pas précisément pour un journal de gauche,
relevait il y a deux jours que les Français passent « plus de temps au
boulot que les Allemands ». Les chiffres que nous publions plus loin sont
édifiants. Mais, au-delà même des questions économiques, la question du temps
de travail telle qu’elle semble être posée aujourd’hui est une manipulation
idéologique et une offensive purement réactionnaire. Il s’agit de bien enfoncer
dans les têtes qu’il n’y a d’autres chemins pour le pays que ceux de la
régression sociale et de la soumission aux dogmes de l’économie libérale. Il
s’agit d’éradiquer dans les consciences populaires l’aspiration à vivre mieux.
Le lapin a de grandes dents.
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