DROIT DU TRAVAIL. « ILS ONT LIBÉRALISÉ AU LIEU DE LIBÉRER »
Les députés PCF ont
obtenu un débat sur les ordonnances travail, un an et demi après la
promulgation de ce chèque en blanc fait au patronat. Entretien avec Pierre
Dharréville.
Quel est l’objectif du débat de ce soir à l’Assemblée ?
Pierre Dharréville Il est absolument nécessaire de réclamer des comptes et
de tirer le bilan de cette casse sociale lancée par le gouvernement. Ces
ordonnances constituent à la fois son premier geste antisocial et son premier
contournement du Parlement. Nous nous sommes donc battus pour organiser ce
débat dans le cadre de la semaine de contrôle du Parlement. Il se terminera
sans doute dans la nuit, soit le 1er mai, Journée internationale des
travailleurs. Nous comptons exposer avec force que ces ordonnances n’ont
apporté aucun progrès pour les salaires, les conditions de travail ou dans la
lutte contre le chômage. Bien au contraire.
L’exécutif voulait faciliter les licenciements pour encourager les
embauches…
Pierre Dharréville Faciliter les licenciements pour relancer l’emploi est
un sophisme. Comme le consent même le magazine Challenges, force est de
constater que les ordonnances n’ont pas eu d’effet notoire sur l’emploi. Dans
les freins à l’emploi indiqués par les entrepreneurs, le Code du travail est
loin d’être la première préoccupation. En revanche, le recours à des ruptures
conventionnelles collectives a permis à des grandes entreprises de supprimer
massivement des emplois tout en contournant les droits qui sont ceux des
salariés dans le cadre d’un licenciement économique. Il y a aussi une
multiplication des CDI de chantier et des CDD, ce qui augmente la précarité des
travailleurs, impacte les salaires et amène les entreprises à des pertes de
d’expérience.
Le gouvernement avait promis de « libérer et de protéger ». Qu’en est-il ?
Pierre Dharréville On a vu libéraliser au lieu de libérer et on n’a pas vu
protéger. On nous avait promis une régénération du dialogue social. Où
est-elle ? Avec la création au rabais d’une seule instance représentative du
personnel, le CSE, le nombre de personnes pourvues d’un mandat syndical est
tombé de 36 000 à 24 000 entre le 1er janvier et le 1er juillet
2018. Soit une baisse de 33 %. La suppression des comités hygiène, sécurité
et conditions de travail (CHSCT) a déjà un effet néfaste et sera désastreuse à
long terme sur les questions de santé. On constate des difficultés à faire
valoir ces enjeux centraux. J’ai été rapporteur de la commission d’enquête
parlementaire sur les maladies professionnelles dans l’industrie. Tous les
salariés que j’ai rencontrés ont en premier lieu exprimé leur regret profond de
la disparition des CHSCT et de pouvoirs et garanties qui allaient avec.
Quid de la situation des tribunaux prud’homaux ?
Pierre Dharréville Le nombre de recours devant les prud’hommes continue de
baisser, avec moins 5,5 % en 2018. Cela avait déjà commencé avec la loi El
Khomri. Cette baisse ne montre pas que les conflits du travail diminuent, mais
que les recours devant les juges sont plus difficiles : il y a de plus en plus
de renoncements des salariés à faire valoir leurs droits devant la justice. La
barémisation des licenciements abusifs a par contre provoqué une levée de
boucliers dans les tribunaux, sur la base des conventions de l’Organisation
internationale du travail. Cela nous semble utile aujourd’hui d’interroger le
gouvernement sur ces objections. Alors que le pays réclame une hausse du Smic
et des salaires que nous avons portée, tout comme le conditionnement du Cice, le
gouvernement veut tout confier au marché sur fond de dumping social permanent.
Ce n’est pas acceptable.
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