L’école de l’émancipation n’est pas l’objectif de M. Blanquer (Patrick Le Hyaric)
Les
contre-réformes de l’école préfigurent toujours le projet de société des
tenants du pouvoir. La République produit aujourd’hui une instruction parmi les
plus inégalitaires d’Europe qui trahit sa promesse d’émancipation. Les efforts,
le dévouement et la conscience professionnelle des équipes pédagogiques, qui
sont les premières à en souffrir, n’y changent rien. Le projet de loi proposé
par M. Blanquer, s’inscrit dans le flot de ces contre réformes qui dessinent
l’architecture du « nouveau monde » macronien, inégalitaire et
autoritaire. La procédure accélérée pour limiter les débats, était le plus sûr
moyen de soulever la défiance de onze syndicats et des parents d’élèves
largement mobilisés contre un projet bien mal-nommé de « confiance »
alors que la demande de démocratie parcourt toute la société.
Ainsi, M.
Blanquer a fait grand bruit de la scolarisation obligatoire des enfants dès 3
ans alors que 97,3 % d’entre eux le sont déjà. La mesure gouvernementale va
surtout se traduire par un chèque de 150 millions d’euros à l’enseignement
maternel privé que les municipalités auront désormais l’obligation de financer.
Leur remboursement promis par l’Etat va encore aggraver la mise sous tutelle
des communes. Surtout, comment être dupe du fait que cette obligation va
liquider la possibilité offerte aux parents de pouvoir scolariser les enfants
dès 2 ans ? De nombreuses municipalités de gauche, notamment communistes, s’y
sont depuis longtemps engagées au grand bénéfice des familles et des enfants
les plus en difficultés.
Et voici que
le ministre veut dissocier l’acquisition des savoirs fondamentaux de
l’excellence. Des « Etablissement publics de savoirs fondamentaux »
uniront sous une même tutelle administrative écoles primaires et collèges
éloignant les directions d’établissement de la population notamment en
territoire rural, quand, à l’autre bout de la chaine éducative, la sélection se
fait plus drastique avec des dispositifs tels que « Parcoursup » ou
de coûteux et élitistes « Etablissements publics locaux internationaux »
à destination des enfants des cadres des entreprises multinationales. On
retrouve là une des caractéristiques de la macronie : le mépris des
classes populaires.
On trouve la source de ces « contre-réformes » dans la
littérature du MEDEF et dans celle du Conseil européen cosignée donc par notre
gouvernement. Dans la recommandation du Conseil européen publiée le 23 mai
dernier on peut ainsi lire cette sentence : « le
système actuel d’enseignement et de formation initiaux ne favorise pas
suffisamment l’intégration sur le
marché du travail ». Tel est le sens des
choix : fournir de la main d’œuvre adaptable au marché… du travail. Loin
d’un projet d’émancipation.
La tendance à
modeler l’école aux inégalités et à faire entrer les élèves dans les cases d’un
marché du travail sclérosé s’accompagne d’une mise au pas sans précédent du
personnel enseignant. Déjà déconsidérés par une rémunération scandaleusement
basse, ils sont appelés à un « devoir d’exemplarité » qui s’apparente
à une mise en cause de leur probité. La majorité macroniste revendique le
retour de l’Etat dans la formation des enseignants à travers la nomination des
directeurs par les recteurs. Ce retour assumé de l’Etat, observable dans
différents aspects de la politique macronienne, s’effectue généralement pour
briser les résistances du modèle français à l’intégration capitaliste et
imposer les politiques d’austérité. On peut donc s’interroger : vise-t-il
à faire rentrer la réforme de l’éducation dans les clous budgétaires imposés
par les traités européens ? Vise-t-il aussi à préparer la
« réforme » de la fonction publique, la suppression de 120 000
postes et la casse du statut des agents au nom, là encore, de
l’application des traités européens ?
Le vote du 26
mai à l’occasion des élections européennes doit servir à refuser, avec le même
bulletin de vote de la liste Ian Brossat, les choix macronistes et ceux des
institutions européennes.
Nous sommes
en tous cas loin, très loin d’une ambition élitaire pour toutes et tous telle
que la font prévaloir les enseignants et parents d’élèves en lutte contre cette
énième loi régressive qui, empilées, ont produit ce système éducatif très
éloigné de l’égalité et la réussite de tous les enfants.
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