« LE TÉMOIGNAGE DE PIERRE », L’EDITORIAL DE PATRICK APEL-MULLER DANS L’HUMANITE DE DEMAIN MERCREDI
La sidération l’a d’abord emporté. La nef de pierre posée au cœur de Paris
sur l’île de la Cité semblait de toute éternité. Ni les guerres, ni les
incendies ne l’avaient atteinte. Au-delà des catholiques, elle symbolise Paris
aux yeux de la France et du monde, comme un témoin de notre histoire, de sa
résistance à l’usure du temps.
Sous ses gargouilles ou la lumière des vitraux
de la grande rosace se mêlaient l’élan d’une spiritualité et le savoir de la
main des hommes, cette confrérie d’artisans maîtres de la pierre et du bois. Le
brasier qui a abattu la flèche et dévoré la toiture s’en est pris à ce
patrimoine et à cet imaginaire, qui a nourri tant d’écrivains. À n’y pas
croire… Les dizaines de milliers de Parisiens, venus contempler de leurs yeux
le désastre à l’œuvre ou, le lendemain, ses stigmates restaient incrédules.
Pourtant,
Notre-Dame reste campée sur son squelette de pierre, fichée derrière
ses tours. Comme une promesse de renaissance. Strasbourg ou Reims ont resurgi
de leurs ruines, Nantes a pansé ses brûlures… Les cathédrales surmontent les
affronts parce qu’elles sont le legs précieux des siècles, une proclamation de
ce que peut créer l’humanité, pour ceux qui croient au ciel comme pour ceux qui
n’y croient pas.
L’émotion internationale l’a dit, Notre-Dame est à tous, Notre-Dame va
revivre. Au diable les bouffeurs de calotte, les générations à venir doivent,
elles aussi, s’émouvoir des dentelles de pierre, rêver de la forêt mystérieuse
des charpentes, suivre entre ses tours le vol d’un faucon, comprendre l’élan
spirituel des bâtisseurs, s’enlacer en regardant le soleil se lever sur ce
joyau de pierre !
De grandes fortunes donnent-elles ? Même si cette générosité doit être
tempérée par les allègements fiscaux qui présenteront l’essentiel de la facture
du don aux citoyens, tant mieux ! Ces sommes-là ne vont pas aux marchés
financiers. Mais, plus qu’à elles, il faudra être attentif aux gestes modestes,
mille fois répétés, aux donateurs du monde qui vont s’unir, parce que
Notre-Dame est Paris et que Paris est universelle. Les petits calculs
politiciens des thuriféraires de « l’Europe chrétienne » ou des communicants
qui croient que les flammes effaceront le petit bilan d’un grand débat en
seront pour leurs frais.
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