Le macronisme, antithèse du progressisme (Patrick Le Hyaric)
La
concomitance de la fin de ce qui a été baptisé « grand débat »,
de la présentation de la liste macroniste pour le scrutin européen du 26 mai
prochain et de l’édition d’un livre de deux conseillers du président de la
République dont on apprend qu’il devait porter la signature de M. Macron, font
mesurer la nature et l’ampleur de l’opération « enfumage » organisée
au sommet de l’Etat.
D’abord, il y
a le vol et le détournement des mots. Le livre de MM. Emelien et Amiel (1) se
veut être une définition nouvelle du « progressisme » quand la liste
conduite par Mme Loiseau porte le nom de « Renaissance ». Deux mots
soustraits aux penseurs des Lumières et aux marxistes malaxés dans le pétrin
macronien pour nier la lutte des classes et discréditer les politiques
solidaires, porteuses de progrès social et humain.
La liste
macroniste est, elle aussi, construite pour brouiller les pistes, réunissant
des personnalités aux options contradictoires. Les belles paroles de campagne
ne convaincront donc pas sur les futurs votes des députés issus de cette liste
digne de la foir’fouille. Elles vont heurter de plein fouet les exigences d’un
mouvement de plusieurs mois qui, en dépit des efforts entrepris pour le
déconsidérer, continue d’être soutenu par une majorité de nos concitoyens,
comme celles formulées par tous les mouvements sociaux qui réunissent dans la
rue enseignants, parents, soignants, fonctionnaires ou salariés de telle ou
telle entreprise menacée.
Selon les
conseillers du palais, il suffirait pour mieux vivre « d’élargir
l’opportunité pour chacun » de donner « la possibilité de choisir
soi-même sa vie ». Le problème n’est donc pas l’oppression, l’exploitation
d’une classe par une autre mais la capacité de « s’en sortir » ou pas. Il
est vrai qu’en Macronie, le pauvre, l’opprimé, le sans diplôme,
l’« illettré », le « réfractaire », le
« rien » sans « sens de l’effort », représente l’antithèse
du « progrès ». Il n’est d’aucune façon envisagé de placer quelque
espérance historique que ce soit dans l’accession au pouvoir des classes
populaires. Leur Europe est celle de l’élite et de l’oligarchie opposées
au peuple et à ses velléités de souveraineté et de démocratie. « Il faut
que l’Europe se charge de grands sujets, quitte à se rendre temporairement
impopulaire » clament les écrivains de l’Elysée considérant avec un mépris
sans nom que les élites placées au service des puissants feront le bien des
populations malgré elles.
C’est
d’ailleurs au nom de ces principes qu’a été décidée, dès le traité de
Maastricht, une construction européenne basée d’abord sur des critères
comptables destinés à rassurer les marchés financiers au détriment des
travailleurs et des Etats relégués au rang de pourvoyeurs de fonds du grand
capital et des banques comme ce fut le cas lors de la crise de 2008.
De traités en
traités, ces garrots ont sans cesse été renforcés. Il a même été décidé par M.
Sarkozy et Mme Merkel un traité dit de « stabilité, de coordination et de gouvernance
de l’Union européenne », le TSCG. C’est en son nom, faisant fi des
conclusions du grand débat, que le pouvoir veut éliminer 120 000 postes
d’agents des services publics, reculer encore l’âge donnant droit à la retraite
ou privatiser Aéroports de Paris, Engie et La Française des Jeux. Or ce texte
qui sert à fabriquer les budgets des Etats n’a plus d’existence légale depuis
le 1er janvier dernier puisqu’aucune majorité au Parlement européen n’a pu le
reconduire (2). Cette situation pourrait être un puissant coup de pistolet dans
le grand concert de l’austérité. Il pourrait être remplacé sans attendre par un
nouveau dispositif défendu par la liste que conduit Ian Brossat : créer un
fond ou même une banque permettant de défendre et d’améliorer les services
publics de l’école et de la santé et de financer la transition environnementale
par le développement des lignes de chemins de fer, fret compris, accompagné
d’un grand plan européen de construction et de rénovation de logements économes
en énergie. Voilà qui serait une avancée très concrète vers un réel «
progressisme européen », loin de la propagande macronienne et de ses mots
volés.
(1) Le progrès ne tombe pas du ciel ; David Amiel, Ismael Emelien, éditions Fayard
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