« POISON » L’ÉDITORIAL DE MAURICE ULRICH DANS L’HUMANITE DE DEMAIN JEUDI
« Comme Marine Le Pen en France, comme Trump aux États-Unis Salvini est devenu l’homme qui canalise la grande rage des oubliés », déclarait dans
la presse d’hier un sociologue spécialiste de l’Italie. Les oubliés ont bon dos
qui seraient les pelés, les galeux d’où vient tout le mal.
Est-ce que Salvini « canalise » quand il veut punir d’une amende de
5 000 euros le secours à un migrant ou est-ce qu’il exacerbe les effets du
poison que les extrêmes droites déversent sans complexe dans toute l’Europe ?
Mais en rester là serait trop facile. La réalité, c’est que toutes les
politiques européennes en matière d’immigration se mettent à l’unisson. En
France même, Emmanuel Macron a choisi de dévoyer les débats de la campagne
actuelle en organisant un face-à-face avec Marine Le Pen. Souvenons-nous
du refus d’accueillir l’ Aquarius. Souvenons du cynisme froid
de ses réponses, il y a quelques mois, à une immigrée marocaine et sans
papiers. « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde.
Il faut retourner dans votre pays. »
Toute la misère du monde, est-ce donc de cela qu’il s’agit quand l’Europe
au total n’accueille, si c’est le mot, que 6 % des 68 millions de
réfugiés et déplacés dans le monde et que la France, en plus, est à la traîne.
Quand l’Europe porte l’essentiel de ses moyens sur le renforcement des
frontières et le dispositif Frontex et non sur des conditions d’accueil dignes
et responsables.
Dignes, parce qu’elles
ne le sont pas quand des hommes, des femmes, des enfants sont contraints à
l’errance, à vivre dans la boue et les ordures. Responsables, non seulement au
regard de l’état du monde, mais aussi parce qu’une politique d’ouverture
assumée et organisée est la condition nécessaire d’un pacte social dans les
conditions d’aujourd’hui. On le sait aussi, l’Europe devrait contribuer bien
autrement qu’elle ne le fait au développement du Sud, au dépassement des
conflits. On ne réglera rien des temps à venir avec des politiques
d’exploitation et de domination ou en livrant à la Libye des navires de guerre.
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