LETTRE OUVERTE D’ODETTE NILES À DANIEL RIOLO
Mardi, 21 Mai 2019
Monsieur,
À bientôt 96 ans, j'écoute encore la
radio, c'est un compagnon fidèle de mes journées. Ces jours-ci, je l’écoute
d’autant plus qu’elle me permet de suivre les émissions de mon candidat, le
candidat du Parti communiste, mon cher Ian Brossat.
Je vous écoutais donc ce matin, je ne
connaissais pas vos opinions, j’ignorais jusqu’à votre nom. Et je vous ai
entendu parler de la résistance. En vous entendant rire, ce matin, j’ai eu un
haut le cœur. Comment avons-nous pu en arriver à cela aujourd’hui, comment certains
peuvent-ils parler d'un temps qu'ils n'ont pas vécu avec autant de mépris ou de
raccourcis ?
Il y a quelques mois encore, je me
rendais dans les écoles pour que vive la mémoire de la résistance, pour que les
générations qui nous survivront ne puissent jamais oublier l’histoire.
En vous écoutant tout à l'heure, je me
suis dit combien j’aurais aimé pouvoir vous rencontrer, vous rencontrer enfant,
vous rencontrer dans votre école pour partager avec vous ce que fut la réalité.
J’aurais aimé pouvoir vous parler de ces
femmes et de ces hommes communistes que j'ai rencontrés, que j’ai aimés, qui
ont donné leur jeunesse ou pour certains, versé leur sang pour notre pays.
J’aurais aimé pouvoir vous dire ce qu’était leur vie, leur joie, leur espoir.
Parmi eux, il y avait un être qui me fut cher : Guy Môquet. Le connaissez-vous
seulement ?
Mes jambes me manquent aujourd’hui pour
aller d’école en école, il ne me reste plus que l’écrit et mes souvenirs encore
clairs de cette période de ma jeunesse.
Jusqu’à mon dernier souffle, j’aurais à
cœur de me battre pour que notre mémoire vive et qu’elle ne soit ni trahie ni
salie.
C’est l’inculture qui conduit à
l’ignorance, l’ignorance qui conduit à l’oubli. Le négationnisme commence
toujours ainsi : par un rire, par une moquerie. On explique alors qu’il ne
s’agit que d’un détail de l’histoire.
Je ne peux plus me déplacer mais je peux
encore témoigner et donc vous rencontrer : si vous l'acceptiez, je vous invite
à venir chez moi afin que nous puissions échanger et parler et que je puisse
vous dire les yeux dans les yeux ce que furent ma vie et mes engagements. Guy
Môquet, à 17 ans, a su écrire, "vous qui restez soignez dignes de nous les
27 qui allons mourir", je serai toujours digne et je vous enjoins de
respecter cette dignité de ce jeune qui nous laisse un message porteur pour
l'avenir et non un message de peur face à la mort. Auriez-vous eu cette dignité
à 17 ans ? L'histoire avant d'être écrite, doit être vécue !
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