« CAMOUFLET », L’EDITORIAL DE MAURICE ULRICH DANS L’HUMANITE DE DEAMIN VENDREDI
Des dizaines de milliers de fonctionnaires dans la rue avec à Paris tous
les leaders de leurs neuf syndicats. Le numéro d’escamotage du premier
populiste de France, Emmanuel Macron, est en échec. Escamotage, parce qu’en
prétendant donner la parole à tous avec un grand débat dont on mesure
maintenant à quel point il a fait long feu, il s’agissait de ne rien entendre.
Populiste parce que, lorsqu’on suggère que les fonctionnaires ne travaillent
pas assez, quand on triche sur la nature du travail des enseignants, quand on
laisse entendre que le statut des fonctionnaires serait un obstacle à l’efficacité
du service public, on flatte les discours les plus réactionnaires, on suggère
que la notion même de service public serait un poids pour la nation et non un
bien commun à tous.
En exécutant zélé depuis qu’il s’est vu offrir un poste de secrétaire d’État
comme un plat de lentilles, l’ancien socialiste Olivier Dussopt se la joue sur
le mode Juppé 1995, droit dans ses bottes. Il exclut catégoriquement tout
retrait ou toute renégociation du texte qui doit venir lundi devant
l’Assemblée. Il ne semble même pas avoir conscience de la formidable
contradiction qu’il y a, dans une démocratie, à vouloir faire une réforme de la
fonction publique sans les fonctionnaires eux-mêmes et ceux qui les
représentent. Le ministre de l’Éducation nationale n’en est pas plus conscient,
ou feint de ne pas l’être, ce qui serait plus juste, lorsqu’il affirme vouloir
une école de la confiance en se méfiant des enseignants.
En réalité, il ne
s’agit en rien de prurits autoritaires. C’est une stratégie politique et
idéologique. Emmanuel Macron avait annoncé la suppression de
120 000 postes de fonctionnaires. S’il biaise désormais avec ce chiffre,
c’est pour mieux tenter de casser leur statut, mettre en place des méthodes du
privé et lui offrir de nouveaux marchés. La réforme envisagée ne fait que
repasser les plats défraîchis du libéralisme. La journée d’hier est un
camouflet pour Emmanuel Macron en même temps qu’un éclairage cru sur les
chemins et les impasses de sa politique.
Par Maurice Ulrich
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