« EN VERT », L’EDITORIAL DE MAURICE ULRICH DANS L’HUMANITE DE DEMAIN MARDI
Il y a quelques années, un artiste, Mark Dion, exposait un arbre enduit de
goudron et couvert de serpents morts. C’était une évocation de l’île de Guam,
où les serpents arrivés après-guerre dans les fuselages des avions avaient fait
disparaître les oiseaux en se condamnant eux-mêmes pour ne laisser vivre que
des araignées. On pense à cette image sinistre avec le rapport publié hier sur
la biodiversité par les experts de l’ONU avec la perspective de la disparition
d’un million d’espèces.
Il y a quelques semaines, à propos de la pétition sur le climat signée par
2 millions de personnes, Emmanuel Macron estimait qu’elle n’avait pas lieu
d’être. C’est à nous tous, disait-il en substance, d’être responsables. Ce
discours prévaut dans les allées du pouvoir. À chacun de construire les
solutions. Ce qui vaut pour le climat vaut pour la biodiversité. Des efforts,
sans doute, doivent être faits à tous les niveaux, mais ce ne sont pas les
consommateurs qui vont faire leurs courses en Boeing pour ramener des haricots
verts du Kenya ou des homards du Canada. Mais ce sont bien les députés de la
majorité qui, il y a quelques semaines, ont assoupli les règles permettant
l’exportation vers l’Afrique de pesticides interdits chez nous.
Le double discours du
pouvoir est insupportable. Pourvu que ça dure et après lui le déluge. L’annonce
par Emmanuel Macron de la création d’un comité Théodule de 150 personnes est
une manœuvre dilatoire de plus. S’il feint, et son gouvernement avec lui, dont
le ministre François de Rugy, qui fut écologiste, de ne pas savoir ce qu’il
faut faire, les experts, des dizaines d’associations, des centaines de milliers
de citoyens le savent. Libérer les industries agroalimentaires de la finance,
en finir avec l’épuisement des terres et les déforestations – on pense à ce qui
va se passer au Brésil –, gérer les ressources pour le bien commun et pas pour
les actionnaires. Il ne suffit pas à Emmanuel Macron et à la liste de
Mme Loiseau de s’habiller en vert comme dans une pub télé pour faire une
vraie politique de transition écologique.
Par Maurice Ulrich
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