« UN TRAITÉ MORTIFÈRE », L’EDITORIAL DE JEAN-EMMANUEL DUCOIN DANS L’HUMANITÉ DE DEMAIN MERCREDI
En politique,
1 + 1 ne font pas toujours 2. Emmanuel Macron et Angela Merkel
doivent l’éprouver, après la signature unilatérale du nouveau traité
franco-allemand d’Aix-la-Chapelle. Nous nous garderons de commenter la
symbolique du lieu, non sans rappeler, néanmoins, que cette cité fut la
capitale de Charlemagne, qui régna sur des territoires s’étendant aujourd’hui
de Barcelone à Hambourg et de Biarritz à Budapest. Le constat, lui, n’atteint
pas que les symboles, il touche en son cœur le projet d’unification du
continent : le couple franco-allemand est en panne sèche ; quant à
l’Europe elle-même, elle se débat dans une crise si épouvantable qu’elle la
menace de mort…
Relancer une Europe fracturée
après le Brexit : le doux rêve du président français, présenté il y a moins de
deux ans comme le héraut du continent par tous les libéraux, tombe à l’eau.
Macron et Merkel veulent ainsi masquer la réalité. À l’heure des gilets jaunes
et de la fin de règne annoncée de la chancelière, le moment est d’autant plus
mal choisi que le contenu du traité en dit long sur les intentions du
« couple » en question. Quelles réponses aux sujets brûlants ? Aucune. Crise
sociale, environnementale, accueil des migrants : leurs signatures viennent de
parapher un bout de papier qui n’affiche aucune ambition progressiste capable
de redonner un horizon unificateur aux peuples déboussolés, tous plus ou moins
livrés aux vindictes extrémistes et/ou identitaires. C’est ainsi pure folie de
replonger dans le péché originel, par l’article 20 du traité qui annonce
la création d’un conseil franco-allemand d’experts chargés des
« recommandations économiques », sans aucune légitimité démocratique, comme
s’il fallait accepter que nous soit imposée une convergence avec les politiques
austéritaires allemandes…
Pendant
ce temps-là, Merkel et Macron ont réaffirmé leur volonté de faire naître à
terme une « armée européenne ». Mais quelle est donc cette histoire ? S’ils
pensent sauver l’Europe de la crise sociale, politique et institutionnelle en
prônant des coopérations militaires et de défense, tout en dictant des choix
économiques iniques, l’idée européenne continuera de se noyer dans
l’ordolibéralisme, dont ils sont les dépositaires mortifères
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