« TRICHEURS », L’EDITORIAL DE PAULE MASSON DANS L’HUMANITE DE DEMAIN JEUDI
Selon une récente étude de l’université de Londres, la France figure dans
le trio de tête européen des pays rois de l’évasion fiscale. L’estimation du
manque à gagner pour les recettes de l’État s’élève à plus de 117 milliards
d’euros. Le calcul est fait sur l’année 2015. 117 milliards d’euros… Bien plus
que la fraude hexagonale jusque-là estimée à 80 milliards environ. Or, depuis
cette date, la machine à financer le capital n’a cessé d’accélérer sa cadence
avec les 40 milliards de cadeaux fiscaux du Cice ou encore la suppression de
l’ISF. Voilà qui anéantit d’un coup toute la rhétorique gouvernementale de cadrage
du « grand débat » selon lequel nous n’aurions d’autres choix que de supprimer
des services publics pour rester dans les clous du budget.
L’argent est là. Mais il est soustrait à l’État. Planqué dans les paradis
fiscaux, il alimente la spéculation et se dérobe aux investissements utiles à
la cause commune, l’éducation, la santé, la lutte contre la pauvreté ou le
chômage. La question est donc moins de diminuer les dépenses pour équilibrer
les recettes que de faire payer les tricheurs en col blanc pour pouvoir
augmenter les dépenses. « Ceux qui déconnent », pour reprendre une des
sentences d’Emmanuel Macron, ce ne sont pas les petites gens que ce président
dénonce sans relâche, mais les nababs de l’optimisation fiscale.
Il est vrai que faire payer les petits est une obsession de riches. Parmi
eux, les géants de l’agroalimentaire et de la grande distribution font rarement
défaut. En matière de consommation, l’argument du prix bas n’est valable que si
les marges restent hautes. Il en va ainsi de l’annonce intervenue hier d’une
augmentation des prix sur des centaines de produits alimentaires. Au départ,
une promesse des états généraux de l’alimentation : mieux rémunérer des
producteurs. Au milieu, une flambée de l’addition supportée par l’acheteur sans
être sûr que le revenu agricole en profite. Au final, une guerre des prix qui
oppose le paysan et le consommateur. Dans le monde des privilèges, les
tricheurs ne manquent pas de cynisme.
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